Anthologie poétique: Solitude
Publié le 12/04/2014
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Anthologie poétique: Solitude
Il y aura toujours de la solitude pour ceux qui en sont dignes.
BARBEY If AUREVILLY
CHRISTINE DE PISAN
A qui dira-t-elle sa peine,
La fille qui n'a point d'ami?
La fille qui n'a point d'ami,
Comment vit-elle?
Elle ne dort jour ne demi
Mais toujours veille.
Ce fait amour qui la réveille
Et qui la garde de dormir.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'ami?
Il y en a bien qui en ont deux,
Deux, trois ou quatre.
Mais je n'en ai pas un tout seul
Pour moi ébattre.
Hélas! mon joli temps se passe,
Mon téton commence à mollir.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'ami?
J'ai le vouloir si très humain
Et tel courage
Que plus tôt anuit que demain
En mon jeune âge
J'aimerais mieux mourir de rage
Que de vivre en un tel ennui.
A qui dit-elle sa pensée,
La fille qui n'a point d'ami?
LA FONTAINE
LE SONGE D'UN HABITANT DU MOGOL
Jadis certain Mogol vit en songe un vizir
Aux Champs Élysiens possesseur d'un plaisir
Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée :
Le même songeur vit en une autre contrée
Un ermite entouré de feux,
Qui touchait de pitié même les malheureux.
Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire :
Minos en ces deux morts semblait s'être mépris.
Le dormeur s'éveilla, tant il en fut surpris.
Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère,
Il se fit expliquer l'affaire.
L'interprète lui dit : « Ne vous étonnez point ;
Votre songe a du sens ; et, si j'ai sur ce point
Acquis tant soit peu d'habitude,
C'est un avis des dieux. Pendant l'humain séjour,
Ce vizir quelquefois cherchait la solitude,
Cet ermite aux vizirs allait faire sa cour. «
Si j'osais ajouter au mot de l'interprète,
J'inspirerais ici l'amour de la retraite :
Elle offre à ses amants des biens sans embarras,
Biens purs, présents du ciel, qui naissent sous les pas,
Solitude, où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais?
Oh! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles?
Quand pourront les neuf Soeurs, loin des cours et des villes,
M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux
Les divers mouvements inconnus à nos yeux,
Les noms et les vertus de ces clartés errantes
Par qui sont nos destins et nos moeurs différentes!
Que si je ne suis né pour de si grands projets,
Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets!
Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie!
La Parque à filet d'or n'ourdira point ma vie,
«
LA FONTAINE
LE SONGE D'UN HABITANT DU MOGOL
Jadis certain Mogol vit en songe un vizir Aux Champs Élysiens possesseur d'un plaisir
Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée Le même songeur vit en une autre contrée Un ermite entouré de feux,
Qui touchait de pitié même les malheureux.
Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire :
Minos en ces deux morts semblait s'être mépris.
Le dormeur s'éveilla, tant il en fut surpris.
Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère, Il se fit expliquer l'affaire.
L'interprète lui dit : « Ne vous étonnez point; Votre songe a du sens; et, si j'ai sur ce point Acquis tant soit peu d'habitude, C'est un avis des dieux.
Pendant l'humain séjour, Ce vizir quelquefois cherchait la solitude, Cet ermite aux vizirs allait faire sa cour.
» Si j'osais ajouter au mot de l'interprète, J'inspirerais ici l'amour de la retraite : Elle offre à ses amants des biens sans embarras, Biens purs, présents du ciel, qui naissent sous les pas, Solitude, où je trouve une douceur secrète, Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais? Oh! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles? Quand pourront les neuf Sœurs, loin des cours et des villes,
M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux
Les divers mouvements inconnus à nos yeux, Les noms et les vertus de ces clartés errantes Par qui sont nos destins et nos mœurs différentes! Que si je ne suis né pour de si grands projets, Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets! Que je peigne en mes vers quelque rivr fleurie! La Parque à filet d'or n'ourdira point ma vie, Je ne dormirai point sous de riches lambris :
Mais voit-on que le somme en perde de son prix? En est-il moins profond, et moins plein de délices? Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices.
Quand le moment viendra d'aller trouver les morts, J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords..
»
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