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Apollinaire, Alcools : « Marie » (commentaire)

Publié le 20/07/2012

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apollinaire

Poème Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère-grand C'est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie Les masques sont silencieux Et la musique est si lointaine Qu'elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine Et mon mal est délicieux Les brebis s'en vont dans la neige Flocons de laine et ceux d'argent Des soldats passent et que n'ai-je Un cœur à moi ce cœur changeant Changeant et puis encor que sais-je Sais-je où s'en iront tes cheveux Crépus comme mer qui moutonne Sais-je où s'en iront tes cheveux Et tes mains feuilles de l'automne Que jonchent aussi nos aveux Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine Apollinaire, Alcools

apollinaire

« sa fiancée d'alors : ce poème est « le plus déchirant de tous, je crois ». Et en effet, l'absence de la femme aimée est marquée à plusieurs endroits dans le poème.

On devine en conséquence l'inquiétude du poète quant à l'avenir :« Sais-je où s'en iront tes cheveuxCrépus comme mer qui moutonneSais-je où s'en iront tes cheveuxEt tes mains feuilles de l'automne » Car le poète souffre ; mais à l'image des romantiques qui lient plaisir et douleur, il associe cette souffrance à l'adjectif « délicieux », qui est de plus mis en avant parla diérèse.

(séparations de syllabes) Cette souffrance est telle que l'on voit dans la dernière strophe qu'elle dévore son existence, puisqu'elle ne s'arrête plus et nous livre l'image d'un homme –seul – quiattend que le temps passe, voire peut-être même que la fin vienne :« Le fleuve est pareil à ma peineIl s'écoule et ne tarit pasQuand donc finira la semaine » II) La musicalité du poème Ce poème se rapproche de la musique à plusieurs niveaux :- au niveau du vocabulaire utilisé dans la première strophe, notamment : « dansiez », « danserez », « maclotte » évoquent un bal un peu irréel.

La maclotte est un typede danse qui était surtout pratiquée par les matelots.- au niveau des sonorités, les assonances en [o] mêlées aux allitérations en [d] et [f] (ce sont des dentales) semblent suivre le rythme de cette « contre-danse ». D'une danse, le poème évolue vers la chanson, puisque certains éléments servent de refrains, comme la répétition de « sais-je » ou de « quand donc ». III) Mélancolie et passage du temps 1.

L'inéluctable écoulement du temps Le temps, très flou dans ce poème, s'écoule inlassablement.

Le poète joue sur une certaine confusion, puisqu'il brouille les pistes en évitant de fournir des repèrestemporels au lecteur.Il mêle donc passé, présent et futur, donnant un aspect universel à son poème d'amour et de mélancolie. Mais son inquiétude est, elle, très personnelle.

Apollinaire est inquiet, craint le passage du temps et les conséquences qu'il pourrait avoir sur le physique de la femmeaimée.

D'ailleurs, ses questions (« sais-je ») restent sans réponses… Va-t-elle disparaître comme fond la neige et les « flocons » qu'il décrit ? La mort est inéluctable,et il le sait.Il semble qu'Apollinaire tout à la fois sait, et ne veut pas savoir que son amour est voué à l'oubli et à l'anéantissement… D'où cette question étrange, seulement aufond de lui-même Apollinaire le sait, puisqu'en plus des flocons, il compare les mains de Marie à des feuilles d'automne tombant au sol, feuilles déjà mortes etpromises à une décomposition prochaine. On retrouve également l'image du pont et du fleuve qui ne cesse jamais de couler, un procédé déjà utilisé dans le Pont Mirabeau, issu du même recueil. 2.

La fragmentation du souvenir Les souvenirs font bien partie de l'esprit d'Apollinaire (c'est d'ailleurs peu de le dire), mais ils sont fragmentaires et surgissent par images, sans vraimentd'organisation.

C'est presque la structure du rêve, un chemin « de fil en aiguille » où un détail mène la pensée vers un autre… Des bribes du passé (la danse, les masques, le physique de Marie) apparaissent dès le départ, mais ils sont rejoints par des interrogations sur le futur.

Ainsi, lessouvenirs ne constituent qu'une partie infime de ce que la mémoire a gardé en elle, sans en livrer l'accès au poète… Notons d'ailleurs l'absence de ponctuation, y compris pour les questions.

Cela rend bien la danse des souvenirs et des images qui se précipitent dans l'esprit du poètesans lui laisser le temps de les classer. C'est donc en fait une vision bien spécifique du temps que développe Apollinaire : celle d'un phénomène qui ne s'arrête jamais, vient hanter les hommes et entretenirleur mélancolie, tout en n'autorisant que des souvenirs fragmentaires. Conclusion Pour conclure, Marie est un poème limpide, dont la transparence enfantine n'exclut pourtant pas une secrète complexité.

Apollinaire y idéalise la figure de Marie,femme aimée changée en adorable icône, celle de la petite fille innocente et agnelle… Mais derrière ces vers, nous remarquons qu'Apollinaire n'est pas dupe de sesfantasmes et au fur et à mesure du poème c'est la montée irrésistible de la marée de l'oubli qu'Apollinaire nous fait pressentirCe poème mêle donc lyrisme novateur et une grande musicalité.

Il exprime des sentiments que l'on retrouve très souvent dans les poèmes d'Apollinaire, à savoirl'amour passé et la fuite inexorable du temps.Avec « Marie », on se trouve face à un poème apparemment simple, et cette simplicité délibérée, voulue, est en parfait accord avec l'univers que le poème convoqueet évoque car on sait qu'Apollinaire n'hésite pas à introduire des néologismes dans ces textes.

On remarque alors que de cette simplicité émane une douceur qui esttrès vite doublée d'une grande mélancolie de l'auteur. Mais parce qu'une véritable beauté se dégage de la douleur du poète, il parvient à faire de son expérience une image universelle de l'amour perdu.. »

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