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AUBANEL Théodore : sa vie et son oeuvre

Publié le 16/11/2018

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AUBANEL Théodore (1829-1886). A côté et en marge du phénomène littéraire que fut Mistral, le nom d’Auba-nel est sans doute le plus souvent cité pour illustrer la production félibréenne du xixe siècle [voir Félibrige]. C'est à la fois justice et injustice : dans l’histoire des lettres provençales, Aubanel vient certes au deuxième rang, peut-être même au troisième, derrière ce semeur d’enthousiasme que fut Joseph Roumanille; mais sur le plan de l’art, l’auteur de la Grenade entrouverte et des Filles d’Avignon apparaît comme le poète au lyrisme le plus personnel de la renaissance provençale et comme l’un des plus originaux dans les lettres françaises de l’époque.

 

Vie passionnée d'un « imprimeur de Sa Sainteté »

 

Aubanel voit le jour à Avignon, dans une vieille famille de bourgeois aisés et bien-pensants, « imprimeurs de Sa Sainteté » depuis le XVIIIe siècle. Avant de se mettre aux affaires, il reçoit une éducation qui, faut-il le dire? correspond aux valeurs que les siens souhaitent promouvoir : elle est confiée aux maîtres du petit séminaire d’Avignon, ensuite aux frères gris d’Aix-en-Provence. Tenté très tôt par la littérature, il se lie avec Mistral, Roumanille, Anselme Mathieu... et participe, même absent de Font-Ségugne le 21 mai 1854, à la fondation du félibrige. A vingt-deux ans, il rencontre Jenny Manivet. Jusqu'à ce qu’elle entrât au couvent en 1854, cette jeune fille instruite, mais de condition modeste, avec qui un Aubanel ne pouvait se mésallier, fut la principale inspiratrice du poète : c’est elle qui a marqué de son empreinte ineffaçable les vers du premier recueil d’Aubanel : la Miôugrano entreduberto (la Grenade entrouverte), 1860.

 

Apaisé, dans sa fièvre amoureuse, par son mariage avec Joséphine Mazen (1861), Aubanel connaît une vie plus sereine, se liant d'amitié avec des écrivains français — dont Mallarmé — et trouvant aussi un dérivatif à son exaltation sentimentale, lorsqu’elle réapparaissait, dans une amitié amoureuse — et, apparemment, chaste — avec Sophie de Lenz. Il continue à écrire des poèmes qu’on lira, plus tard, dans Li Fiho d’Avignoun (les Filles d’Avignon), en 1885, mais il se consacre surtout au théâtre. Lou Pan dôu pecat (le Pain du péché), Lou Raubatôri (le Rapt) et Lou Pastre (le Pâtre), autant de drames puissants où se mêlent au vérisme néo-romantique — comparable à l’art d’un Richepin — les pulsions charnelles refoulées d’un poète catholique. Les prudes ne tardèrent pas à réagir : Aubanel s’éloigna du félibrige tandis qu’il entendait les menaces de l’archevêque. Le Pain du péché soulevait le scandale et la « Vénus d'Arles » avait trop visiblement perdu, sous la plume enflammée du poète, sa pureté marmoréenne!

 

Aubanel mourut en octobre 1886, laissant quelques manuscrits qui furent publiés bien plus tard : Lou Rèire-soulèu (le Soleil d’outre-tombe), 1899, et Lou Pastre, 1944.

Aubanel était un poète, Mistral en fit un félibre. La genèse de la Grenade, étudiée à la lumière de la correspondance entre les deux écrivains, révèle le rôle du Mail-lanais : c’est lui qui choisit les épigraphes médiévales du Livre de l’amour, lui qui fixe l’ordonnance artificielle des pièces dans le recueil, lui encore qui s’implique dans le choix du titre, lui enfin qui écrit, dans un « Avant-Propos », à la manière des vidas de troubadours, une biographie romancée au départ des poèmes... Pour illustrer l'histoire littéraire du félibrige, Mistral tenait son Pétrarque. Il ne s’agissait pas de le laisser échapper!

 

L'ange et la bête

 

Au-delà du mythe, tel qu’en lui-même, enfin, Théodore Aubanel reste un poète authentique. Certes, l’oubli de quelques pièces inspirées par l’anecdote et assez plates dans leur composition n’affecterait en rien sa gloire. Mais chaque fois que, soulevé par son rêve charnel éternellement inassouvi, il apprivoise des images de vie où le feu se heurte au marbre comme la chair se heurte à l’esprit, il inscrit avec force son originalité poétique dans l’histoire des lettres. Tout en reconnaissant, avec Mistral, la polysémie du symbole de la grenade entrouverte, dont Valéry s’est peut-être souvenu dans Charmes

« de son ami.

La situation est donc convenue, et le lyrisme reste pur de toute narration.

Certains critiques, se fondant sur une analyse de la chanson Gaite de la tor, ont pensé que la chanson d'aube pouvait avoir des liens avec le théâtre ou la danse.

Il semble toutefois (P.

Bec) que le ton, celui d'un lyrisme douloureux, soit peu compatible avec une quelconque gestuelle.

La chanson d'aube se réduit à une plainte qui exclut tout mouvement.

li existe des chansons en français (cinq pièces nous sont conservées), en langue d'oc (dix-huit pièces, en comptant les textes apparentés), et une pièce bilingue très ancienne (x• siècle ?) dont les couplets sont en latin et Je refrain en langue romane.

Le nom de chanson d'aube provient de ce que le mot «aube » conclut régu­ lièrement Je refrain.

Si l'on cherche à répartir la production lyrique médié­ vale en lyrique aristocratique et lyrique « popularisante » (P.

Bec), la chanson d'aube, comme toutes les chansons de femme, appartient à ce dernier registre (la grande lyrique courtoise, aristocratique, est toujours d'énoncia­ tion masculine).

Les dernières pièces attestées sont du début du xtv• siècle, mais les thèmes se retrouvent bien au-delà, jusqu'au xv• siècle.

Au xv1• siècle, le thème de la« belle matineuse» connaîtra une faveur très grande: mais il n'est pas du tout certain qu'il s'agisse d'une réminis­ cence des chansons d'aube.

[Voir aussi LYRIS M E MÉDIÉVAL.) BIBLIOGRAPHIE E.

Baumgartner et F.

Ferrand, prés.

et traduc.

de Pobnes d'amour des Xlf'·XIII' siècles, U.G.E.,. »

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