Autobiographie et vérité dans les Confessions de Rousseau
Publié le 16/10/2013
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Engagé dans une véritable aventure, Rousseau entend présenter, étalés dans le temps, tous les éléments, tous les instants successifs qui ont permis la genèse de son caractère : «Je serai vrai, je le serai sans réserve ; je dirai tout ; le bien, le mal, tout enfin. Je remplirai rigoureusement mon titre et jamais la dévote la plus craintive [ ... ] ne déploya plus scrupuleusement à son confesseur tous les replis de son âme que je vais déployer tous ceux de la mienne au public«.

«
~Il -LA VÉRACITÉ DES CONFESSIONS
La difficulté de reconstituer le passé
Rappelant dans la « Quatrième Promenade » la devise qu'il s'était choisie,
« consacrer sa vie à la vérité », Rousseau mène une autocritique des Confessions.
Il reconnaît y avoir menti sous l'effet du« délire d'imagination», sinon volontaire
ment : sa mémoire lui a souvent manqué et il a comblé les lacunes en faisant appel
à son
imagination ou en embellissant les moments heureux de sa vie avec les
« ornements »que de « tendres regrets »venaient lui fournir : «Je dirais les choses
que
j'avais oubliées comme il me semblait qu'elles avaient dû être, comme elles
avaient été peut-être en effet, jamais au contraire de ce que
je me rappelais qu'elles
avaient été ».
Cette enquête sur la vérité des Confessions s'achève par un para
doxe*(« J'ai souvent débité des fables, mais j'ai rarement menti») qui associe la
sincérité au sophisme.
Les embellissements
On discerne souvent des discordances entre le récit de Jean-Jacques et la
réalité historique.
À l'époque du châtiment dispensé par Mademoiselle Lamber
cier, Rousseau n'avait pas huit ans, mais onze ans et la sœur du pasteur non pas
trente, mais quarante ans.
Il se rajeunit pour souligner sa précocité et la jeunesse,
enfiévrante pour lui, de Mademoiselle Lambercier.
Son séjour à l'hospice des
catéchumènes a duré moins longtemps que ne
le dit l'autobiographe, soucieux de
souligner !'énergie avec laquelle
il a lutté contre ses convertisseurs.
Autant Rousseau souligne l'attachement réciproque et immédiat entre
Madame
de Warens et lui, autant le filigrane du récit permet une autre interpréta
tion.
Lors de
la première rencontre, à en croire Jean-Jacques, elle aurait voulu le
garder auprès d'elle, mais« elle n'osa insister pour [le] faire rester» (p.92).
En fait
elle ne l'héberge que trois jours, puis le fait partir à Turin.
Quand il en revient, elle
l'envoie au séminaire.
Quand il est renvoyé, elle le confie à Monsieur Le Maître.
Quand cc dernier quitte Annecy pour Lyon, elle lui
« ordonne de la suivre au
moins jusqu'à
Lyon» (p.164) et part elle-même d'Annecy sans laisser à Rousseau
la moindre indication sur son absence.
La fidélité à l'essentiel
Si la volonté d'enjoliver la réalité explique certaines inexactitudes, il faut aussi
prendre en compte les conditions précaires dans lesquelles Rousseau, fugitif ou
exilé, rédige ses
Confessions.
L'autobiographe n'hésite pas à reconnaître l'impossi
bilité de respecter une chronologie absolument exacte ou d'atteindre à une parfaite
véracité :
« Cette époque de ma jeunesse, écrit-il après avoir raconté l'abandon de
Monsieur
Le Maître à Lyon, est celle dont j'ai l'idée la plus confuse[ ...
].
Il est dif
ficile que dans tant d'allées et venues, dans tant de déplacements successifs,
je ne
fasse pas quelques transpositions de temps ou de
lieu» (p.166).
Ce qui compte seu
lement pour lui, c'est la
certitude d'être infaillible dans l'histoire de son âme :
«En ce qui importe vraiment au sujet, je suis assuré d'être exact et fidèle.»
Conclusion : L'assurance de Rousseau quand il scrute l'intérieur de son
moi repose sur
la conviction qu'il ne peut se méprendre sur ce qu'il a senti.
Il reviendra sur cette certitude au début du Livre VII : «C'est l'histoire de
mon âme que j'ai promise et pour l'écrire fidèlement, je n'ai pas besoin
d'autres mémoires :
il me suffit, comme je l'ai fait jusqu'ici, de rentrer au
dedans de moi
»..
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