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BARTAS (Guillaume de Salluste, seigneur du)

Publié le 16/02/2019

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BARTAS (Guillaume de Salluste, seigneur du), poète français (Montfort, près d'Auch, 1544-Condom 1590). Dans l'histoire de la littérature française, la « cote » attribuée à du Bartas est celle d'un écrivain de seconde, voire de troisième zone. Tous les faits l'attestent : la sévérité de la plupart des jugements portés par les critiques sur son œuvre, la place très réduite que lui concèdent les manuels scolaires, le fait enfin qu'il a fallu attendre 1981 pour que soit publiée la première édition française moderne de la Semaine. Spectaculaire retombée d'une gloire qui, en son temps, parut égaler, voire surpasser celle de Ronsard.

 

Commencée en 1574 avec la publication de la Muse chrétienne — recueil comprenant les trois pièces : Judith, Uranie, le Triomphe de la foi —, poursuivie par celle de la Première Semaine en 1578, puis par celle de la Seconde Semaine, publiée par fractions de 1584 à 1603 et laissée inachevée à sa mort,

 

la carrière poétique de Du Bartas présente une remarquable continuité : celle de l'inspiration chrétienne. Il est peu d'écrivains au xvie s. qui aient aussi scrupuleusement conformé leur pratique à leur doctrine — une doctrine clairement exposée par le poète, dès le début même de sa carrière, dans son Uranie : affirmant, après du Bellay et Ronsard, l'origine divine de la poésie, il y dénonce (visant sans doute Desportes et ses disciples) la déviation qu'ont fait subir à celle-ci les chantres de l'amour profane, et proclame la nécessité d'une restauration de la poésie sacrée, sous sa forme chrétienne. Les deux Semaines ne seront, sur une vaste échelle, que la stricte application de ce programme.

 

Le sujet en est ambitieux : ce n'est rien moins, en effet, que le récit de la création du monde (pour la Première Semaine} et celui des premiers âges de l'humanité (pour la Seconde Semaine). Sujet dont, pour l'essentiel, le poète emprunte la matière à la Bible, qui lui fournit en même temps les grandes divisions de son ouvrage : sept jours pour la Création du monde (à l’instar du récit de la Genèse), sept jours également pour la Seconde Semaine, du moins selon le plan initialement prévu (quatre seulement furent écrits).

« notamment Ronsard -considéraient la connaissance de l'univers et l'explica­ tion de ses phénomènes comme l'un des plus hauts su je ts à quoi pût s'appliq ue r la poésie : l'entreprise de Du Bartas se situe dans le droit fil de cette conception ; au demeurant.

c'est à ses prédécesseurs qu' il emprunte l'essentiel de son savoir scientifique et philosophique.

Mais les Semaines doivent également être ratta­ chées à un événement littéraire impor­ tant qu.i a marqué le dernier tiers du XVI" s.

français : le renouveau de la poésie chrétienne, qu.i, d'Italie, gagna la France à partir de 1560 environ, pour s'épanouir durant les deux dernières déc en n ies du siècle : Premières Œuvres poètiques, chrestiennes et spirituelles de Nicolas de Montreux (1587), traductio n des Psaumes de David par Desportes (1591-1595), le Mespris de la vie de J.

B.

Chassignet (1594).

Stances et Sonnets sur IJ2 mort de Jean de Sponde (1597).

Si on le compare aux œuvres anté· rieures qui illustrent chacune de ces deux traditions -la tradition didactique et la tradition chrétienne -.

l'originalité du poème de Du Bartas parait résider d'abord dans l'ampleur même de son sujet, synthèse de la plupart des thèmes que, jusque-là, la poésie didactique et la poésie religieuse n'avaient chacune osé aborder qu'isolément, à travers des textes de dimension généralement moyenne (à l'exception des poèmes de Scève et de La Boderie).

Elle réside ensuite dans le fait que ce poème ne se laisse rattacher à aucun des genres traditionnels de l'époque, singularité dont son auteur était tout le premier co nsc ient : « Ma Seconde Semaine, déclarait-il dans le Brie/ Avertissement, n'est (aussi peu que la Première) une œuvre purement épique, ou héroïque, ainsi en partie héroïque, en partie pané­ gyrique, en partie prophé tique, en partie didascalique.

» A l'époque, l'œuvre fut critiquée surtout pour les libertés qu'elle prenait avec les règles du poème épique, genre auquel on pensait devoir la ratta­ cher princ ip al em en t.

Aujourd'hui, le cloisonnement de s genres et le carcan des règles ayant disparu, c'est plu tOt son discours " didascalique » - son didac­ tisme- que ta majorité des criti que s lui reprochent, comme incompatible avec ce qu.i nous parait être l'essence de la poésie.

Quelque opinion qu'on puisse avoir du degré de réussite (ou d'échec) de la tentative de Du Bartas, il convient, si l'on veut évaluer cette dernière avec Je minimum d'objectivité, de se rapp eler qu'au xv1• s.

les rapports entre science et poésie étaient forts différents de ce qu'ils sont aujourd'hui ; qu'en particulier la relation d'antinomie quasi absolue qui est la leur du fait de notre conception de la science se trouvait alors sinon abolie, du moins considérablement atté­ nuée par les effets de trois traits caracté­ ristiques, mis en relief par M.

Foucault : Je principe de l'analogi e universeUe, la conception magique de la nature.

enfin et surtout peut-être l'absence, à un niveau pro fo nd, de toute frontière tran­ chée entre l'univers naturel et l'univers du langage, d'où résultait le fait qu'à l'époque toute chose était perçue comme un signe, et réciproquement tout signe - toute parole -comme « une chose de nature » (c'e st pour quo i, au xvr• s., les discours scientifiques eux-mêmes incluaient de nombreux éléments > : légendes, mythes, emblèmes, etc.).

Cela ne signifi e pas que la réussite de l'entreprise de Du Bartas sur le plan poétique était d'avance assurée, mais seulement que cette réussite était, à l'é poqu e, moins problématique a priori qu'elle ne le serait aujourd'hui.

C'est le texte de la Genèse qui fournit à du Bartas les principaux thèmes et les grandes divisions de son ouvrage.

Mais l'emprunt du poète à IJ2 Bible s'arrête là.

Car la structure de son discours est trés différen te de celle du discours biblique : alors que ce dernier est (tout au moins dans IJ2 Genèse} de type essentiellement narratif, les deux Semaines sont const i­ tuées de l'étroite intrication de plusieurs types de disc our s différents narratif, descriptif, argumentatif, panégyrique, prophétique; les uns assumés par l'auteur, les autres par les acteurs du drame.

Discours qu.i détiennent, dans l'économie de l'œuvre, des fonctions é g aleme nt trés différen tes : les discours. »

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