BÉATRICE de Dante

A travers elle il put chanter, et par là rejoindre, selon ses voies propres, ce que son esprit pouvait concevoir de beau et de pur. Pour Dante, en effet, tout devient poésie: douleur et amour, repentir, sacrifice, ascèse, joie. « Du premier jour que je vis son visage... », un autre ajouterait : je l’ai aimée. Mais Dante dit : je l’ai chantée. Telle était sa parfaite manière d’aimer et de conquérir l’objet aimé. C’est pour louer Béatrice qu’il écrit la Vita Nuova, et c’est encore pour la louer qu’il conçoit la Divine Comédie. Elle devient le but, la mesure, le parangon de la poésie de Dante, rivalisant de beauté avec elle-même comme l’âme de Dante rivalise avec la beauté étemelle; et Béatrice se fait d’autant plus belle que la vision intérieure du poète atteint à plus de beauté. C’est pourquoi nous avons dit que Béatrice est un peu la lumière même de l’âme de Dante. Elle est le reflet fidèle et permanent de cette lumière dans l’œuvre du poète. Béatrice est donc à la fois pour Dante la femme aimée et son guide, les deux à la fois, les deux profondément et pour toujours. Femme aimée dont l'amour est la voie vers le bien. Guide, et aimée aussi en tant que tel. Si cette double qualification n'est exprimée avec une telle puissance que dans les dernières années, où se rassemblent tous les éléments d'une vie et d’une grande œuvre poétique, c'est depuis le début que le visage de Béatrice est pris sous ce double éclairage. Les deux aspects sont indissolublement liés.