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BELGIQUE. Littérature d'expression française. L'influence de la Belgique sur la littérature française

Publié le 18/11/2018

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BELGIQUE. Littérature d'expression française. Depuis longtemps déjà, dans les provinces belges, toute notice sur la littérature écrite en français commence par poser cette question : faut-il parler d’une littérature belge de langue — voire « d’expression » — française ou d’une littérature française de Belgique? Jeu stérile sur les mots, affirment certains, ou encore « faux problème, politique plutôt que culturel »... C’est se débarrasser un peu légèrement d’un choix difficile car il s’agit, en fait, de déterminer l’identité culturelle consciente et profonde des écrivains. Reconnaissons-le, toutefois, la réponse à cette question est de plus en plus malaisée à formuler.
 
En 1934, Franz Hellens pouvait écrire : « La littérature française de Belgique est une catégorie de la littérature française proprement dite [...]. Elle ne s’en écarte pas davantage que les lettres de Bourgogne, d’Auvergne ou d’Anjou ne se distinguent de celles de Paris. Tout au plus évoque-t-elle une variante. Elle est un rameau du tronc français dont elle s’alimente, tout en fleurissant selon son atmosphère un peu particulière ». Quarante ans plus tard, Robert Vivier lui fait écho : « Les œuvres des Belges francophones ne peuvent être appelées que françaises et c’est dans l’ensemble de la littérature française qu’il convient de les classer ». Et encore Charles Bertin, en 1982 : « Je proclame après Michaux, Plisnier, Thiry, Chavée et Norge, que, pas plus qu’il n’existe de langue belge, il n’y a de littérature belge : il y a une littérature française de Belgique et une littérature néerlandaise de Belgique. Je proclame que ma patrie mentale, c’est ma langue, et que ma langue est française. Que si je suis un citoyen belge, je suis un écrivain de Picardie, et que la Picardie, au même titre que le Périgord, la Touraine ou la Wallonie, et avec les nuances qui résultent de la géographie et des particularités locales, est une province des Lettres françaises ».
 
C’est l’aboutissement objectif d’une réflexion qui traverse un siècle de littérature, depuis les mouvements de 1880, et qui prend en compte la conscience créatrice du plus grand nombre d’écrivains. On ne peut cependant pas ignorer ceux qui n’ont cessé pendant tout ce temps de proclamer leur spécificité, en l’appelant « âme belge », comme Edmond Picard, ou « belgitude », comme certains jeunes intellectuels contemporains qui ont détourné le sens d’un mot osé « du bout des lèvres » par le sociologue Claude Javeau. En fait, il s’agit d’une même notion floue, précédée du signe plus chez le premier, et du signe moins chez les seconds : «Tâchez de la [l’âme belge] voir en l’intime mixture où la clarté linéaire française est estompée par la sentimentalité vague allemande, où l’élégance latine s’invigore au contact de la rusticité ger
 
maine, où la finesse s’alourdit d’abondance, où la bonhomie s’achève en malice un peu grosse, où la vaillance dédaigne les empanachements, où les dehors sont sans raffinement tandis que le dedans recèle des aptitudes inépuisables à saisir, ressentir, exprimer toutes les nuances du coloris et de la pensée » (Edmond Picard, 1897). « Les politiciens cherchent à nous diviser. On a des racines qui sont belges. Il n’est pas normal qu’on nous force à être les chantres de la Wallonie. On nous accuse d’être des métis culturels, mais nous revendiquons ce terme de métis. Le métissage à nos yeux est un enrichissement » (Folon, Alechinsky, 1979). « Beaucoup d’écrivains ressentent aujourd'hui, à l’heure où le nationalisme régiona-listc se lève, que la Belgique, dans sa négativité même, dans son creux offrait aussi autre chose : une possibilité d’espace, d’entre-deux, une situation mouvante de carrefour, de traversée et d’errance, une sédentarité baroque, diasporique, une chance de bâtardise. Et si cela n’a pas de langue, de culture vraiment personnelle, cela affecte pourtant la belle langue française [...], cela dévoie la culture avec majuscules d’un pays (je pense à la France) aux grands philosophes, aux grands écrivains, aux grandes idées trop souvent monumentalisés, donc écrasant [sic] et qui ont besoin pour revivre d’iconoclastes heureux et sans complexe. Comme si l’écrivain ici pouvait cela vraiment : être de nulle part (parce que privé des majuscules et de la “grandeur” d’un pays puissant et riche d’histoire) et donc d’être d’ici, troué, multiplié, d’ici révolte et d’ici confort » (Jacques Sojcher, 1980).
 
Cette résurgence d’un vieux thème, nationaliste malgré tout (la belgique malgré tout, sans majuscules, est le titre d’un recueil de témoignages publié par Jacques Sojcher), exprimé dans un style aux mêmes intentions poético-alambiquées, peut étonner les non-Belges. C’est qu’aujourd’hui, précisément, la situation s’est singulièrement compliquée du fait de la nouvelle organisation politique et culturelle — partiellement régionalisée — qui invite ou oblige chacun à se situer. Et ainsi l’espace géographique minuscule que constitue la Belgique francophone s’offre-t-il encore le luxe de présenter à la francité littéraire plusieurs identités culturelles.
 
La Flandre, où les bourgeois se sont, pendant longtemps, exprimés en français, a produit — et produit encore, même si l’on prédit la mort du phénomène — une littérature flamande d’expression française (Charles De Coster, Émile Verhaeren, Marie Gevers, Paul Neu-huys) à côté d’une littérature française de Flandre (Charles Van Lerberghe, André Bâillon, Suzanne Lilar). En Wallonie survit une littérature dialectale qui n’a jamais été la concurrente des lettres françaises, elles-mêmes soucieuses de gommer leur belgitude (Albert Mockel, Charles Plisnier, Achille Chavée, Marcel Thiry, Jacques Izoard) malgré d’incontestables réussites dans le domaine régionalisant (Arsène Soreil, Jean-Pierre Otte, René Hénoumont, Guy Denis). Autour de Bruxelles, enfin, se dresse une réserve militante de Belges malgré tout (Pierre Mertens, Conrad Detrez). Il faut les croire puisqu’ils le disent, mais on cherche en vain dans leurs œuvres de fiction l’illustration des propos qu’ils tiennent dans des travaux critiques.
 
Quatre littératures, donc, en Belgique francophone, si l’on envisage, au-delà de la langue — patrie culturelle
 
— l’identité consciente de l’écrivain : une littérature française de la communauté Wallonie-Bruxelles, que nous appelons simplement « Wallonie » en sachant bien que cela recouvre une culture plurielle, et en osant y associer les écrivains flamands qui, aujourd’hui encore, s’expriment en français, sans référence explicite au patrimoine des provinces du Nord. Cette littérature est, de très loin, la plus importante aujourd’hui. Marginalement — mais ce n’est pas vrai à toutes les époques — une littérature flamande d’expression française, une littérature wallonne d'expression française et, même, une littérature belge d’expression française. Il ne semble pas nécessaire d’inventer ici une littérature bruxelloise d’expression française (?) pour classer les Fables de Pitje Schratnouille, de Roger Kervyn de Marcke ten Driessche et le trop célèbre Mariage de Mademoiselle Beulemans qui a fixé l’ethnotype belge dans bien des esprits.
Quatre littératures, et combien d’écrivains de 1830 — date de naissance de la Belgique — jusqu’à nos jours? Beaucoup, si l’on en croit les histoires de nos lettres, les anthologies, les critiques, les annuaires des associations d’écrivains... Anne-Marie Trekker et Jean-Pierre Vander Straeten se considèrent comme sages quand leur propos anthologique se fixe sur Cent auteurs contemporains. Quant à Robert Frickx et Michel Joiret, ils épinglent, dans un ouvrage très sérieux, soixante-seize poètes (sans compter les minores cités) de 1880 à nos jours. Avec les romanciers, les dramaturges et les essayistes, cela fait donc plusieurs centaines d’auteurs qui ont leurs défenseurs et, parfois, plus d’une centaine de lecteurs...


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« ture wallonne d'expression française et, même, une liné­ rature belge d'expression française.

Il ne semble pas nécessaire d'inventer ici une littérature bruxelloise d'ex­ pression française (?) pour classer les Fables de Pitje Schramouille, de Roger Kervyn de Marcke ten Driessche et le trop célèbre Mariage de Mademoiselle Beulemans qui a fixé 1 'ethnotype belge dans bien des esprits.

Quatre littératures, et combien d'écrivains de 1830- date de naissance de la Belgique -jusqu'à nos jours? Beaucoup, si r on en croit les histoires de nos lettres, les anthologies, les critiques, les annuaires des associations d'écrivains ...

Anne-Marie Trekker et Jean-Pierre Vander Straeten se considèrent comme sages quand leur propos anthologique se fixe sur Cent auteurs contemporains.

Quant à Robert Prickx et Michel Joiret, ils épinglent, dans un ouvrage très sérieux, soixante-seize poètes (sans compter les mmores cités) de 1880 à nos jours.

Avec les romanciers, les dramaturges et les essayistes, cela fait donc plusieurs centaines d'auteurs qui ont leurs défen­ seurs et, parfois, plus d'une centaine de lecteurs ...

Car ce qui rassemble le plus objectivement les écrivains de Belgique, c·est l'ignorance dans laquelle ils sont tenus.

A quelques exceptions près (Maeterlinck, Verhaeren, Plisnier, Simenon, Carême, Michaux, Mallet-Joris), l'école les exclut, le grand public les oublie.

les organis­ mes officiels en font des assistés culturels en achetant des volumes que nul ne lit et les récompenses qu'ils reçoivent -fût-ce une citation à l'ordre alphabétique dans un dictionnaire -sont infiniment plus souvent des prix de vertu que des consécrations littéraires.

Une mère patrie pour quelques millions d'orphelins Le triangle oblong, aujourd'hui cerné entre les Pays­ Bas, l'Allemagne et la France, avec une cauda luxem­ bourgeoise caduque, n'a jamais coïncidé, avant 1830, avec une entité politique.

Le traité de Verdun (843) répartissait déjà entre la France et la Lotharingie ce terri­ toire où s'opposeront, à l'époque des ducs de Bourgogne, les sujets du Téméraire et ceux de Louis Xl.

C'est sous le régime espagnol que les Belges subissent la Sainte Inquisition et sous le régime autrichien qu'ils connais­ sent le despotisme éclairé de Marie- Thérèse et de Joseph IL Une tentative de Confédération à l'américaine échoue en 1789, après la révolution brabançonne, et la défaite autrichienne de Jemmapes inaugure le régime français.

Encore faut-il ajouter qu'à travers tous ces siè­ cles, la principauté de Liège connaît un destin différent, soumise à des influences étrangères, mais autonome dans les faits.

Elle ne rejoint les autres provinces qu'en 1794 pour connaître avec elles l'expérience hollandaise déci­ dée par le congrès de Vienne ( 1814) et, en 1830.

une révolution nationaliste vécue dans un climat des plus romantiques.

Préparés de longue date, les révolutionnai­ res se soulèvent à la fin du duo patriotique de la Mue/le de Portici, représentée à Bruxelles.

Peu de temps après, la Belgique naît.

Ce sera une monarchie constitutionnelle avec pour devise «L'union fait la force >>.

«Un pays né d'un opéra dt! M.

Auber>>, écrira Claude Javeau cent cinquante ans plus tard, « ne peut peser bien tourd dans la Weltanschauung d'un intellectuel >> ...

Constitutionnel ne signifiant pas populaire, le bilin­ guisme de l'État ainsi formé ne semblait pas susceptible de venir troubler l'union.

Aristocrates et bourgeois ne parlaient que français et c'est dans cette seule langue qu'ils décidèrent d'administrer le pays.

Mais dès 1838, se dresse le Lion de Flandres (De Leeuw van Vlanderen) de Henri Conscience, synthèse vibrante des aspirations du peuple flamand, linguistiquement colonisé par sa pro­ pre bourgeoisie.

C'est le début d'une longue revendica­ tion qui ne sera théoriquement satisfaite qu'en 1898, moment où il est enfin décidé que les textes officiels seront promulgués en flamand comme en français.

Mais cette mesure est loin d'avoir résolu immédiatement le problème social, comme le note fort justement la Pla­ mande Suzanne Lilar, en évoquant son enfan ce: « Il y avait donc la classe ouvrière et paysanne qui patoisait allégrement, la classe dirigeante qui usait d'un français assez pur-et parfois même admirable.

Entre les deux, la petite bourgeoisie qui s'y efforçait mais parlait aussi le néerlandais, mâtinant cette langue de gantois.

Car telle était en ce début du siècle l'aberration linguistique que parler le néerlandais correctement exposait aux sarcas­ mes et à 1' accusation de "flamingantisme".

Ainsi le lan­ gage révélait-il le milieu auquel on appartenait, ainsi venait-il renforcer le compartimentage des castes >> (Une enfance gantoise, 1976).

Et l'on peut trouver des consi­ dérations semblables dans le dernier roman d'Hugo Claus, Het Verdriet van België, récemment traduit en français sous le titre le Chagrin des Belges ( 1985).

Une littérature malgré tout Il est clair qu'avant 1830, les régions où se situe actuellement la Belgique n'ont pas été de grands déserts culturels.

Mais sans patrie point de littérature nationale, et c'est à leur place, donc au sein de la littérature fran­ çaise, que l'on rencontre la vieille Cantilène de Sainte Eulalie, les œuvres de Jean d'Outremeuse, de Georges Chastellain, aussi bien que le Tableau des différends de la Religion de Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde (1540-1 598) et les Mélanges militaires, lilléraires et sen­ timentaires ou les Contes immoraux du prince Charles­ Joseph de Ligne (1735-1814).

Avec la fondation de la Belgique coïncide la naissance d'une littérature nationale dans un climat de romantisme attardé.

Ce sont les essais, peu convaincants, de versifi­ cation rythmique «à l'allemande>> dus à André Van Hasselt ( 1806-1874), Maastrichtois qui avait décidé d'être belge; à peine supérieurs, ce sont les poètes wal­ lons Théodore Weustenraad (1805-1849) et Édouard Wacken ( 1819-1861) ou le penseur hennuyer Octave Pir­ mez ( 1832-1883), «Vauvenargues wallon» (G.

Char­ lier) et. »

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