Bergson, dans un article publie en 1923, estime la France «pénétrée de classicisme, d'un classicisme qui a tait la netteté de son romantisme». Vous semble-t-il que la littérature française ait en effet toujours préservé l'essentiel de l'apport classique ?
Publié le 04/07/2011
                             
                        
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                                Bergson, dans un article publie en 1923, estime la France «pénétrée de classicisme, d'un classicisme qui a tait la netteté de son romantisme«. Vous semble-t-il que la littérature française ait en effet toujours préservé l'essentiel de l'apport classique ?
 
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                                                                                                                            drame de la Prière sur l'Acropole, celui de l'invasion dans l'art de forces que le classicisme entendait laisser hors decelui-ci.
                                                            
                                                                                
                                                                    Par exemple, le XIXe siècle, siècle de l'histoire et des sciences biologiques, a été envahi par une dimensionjusque-là à peu près méconnue par l'art, le temps comme facteur d'évolution et de renouvellement du monde.
                                                            
                                                                                
                                                                    Lalittérature prétend assumer ce lent travail du temps : d'où le goût des épopées colossales (comme La Légende desSiècles), des vastes  romans  cycliques  (comme Les Rougon-Macquart),  des grands  systèmes  philosophiques  duTemps (Hegel, Marx); d'où surtout, au début du XXe siècle, le bergsonisme lui-même qui met en évidence cetteforce d'innovation du monde et de la vie : qu'est-ce que le vivant, si ce n'est ce qui apporte de l'irréductiblementnouveau au cours du temps ? Toute l'œuvre de Proust est imprégnée de cette philosophie suivant laquelle l'hommeoccupe dans le Temps une place démesurée parce que c'est vraiment le Temps qui l'a bâti.8 Sans doute, les classiques n'ont ignoré ni le temps ni la vie ni l'histoire, mais il leur a semblé que l'art, c'étaitprécisément de donner à ce temps toujours glissant, à cette histoire mouvante, à cette vie changeante, l'unité et laconcentration extra-temporelle de l'art.
                                                            
                                                                                
                                                                    Racine sait bien qu'Agrippine est l'ambitieuse de l'époque impériale romaine, ilsait bien que cette époque a ses traits distinctifs, mais son but, c'est de conférer à l'ambition d'Agrippine un visagenon point  intemporel  sans doute,  mais éternellement  valable.
                                                            
                                                                                
                                                                    En d'autres  termes, l'esprit classique,  c'est deconsidérer qu'il n'y a pas, dans le mouvant du réel, une raison suffisante pour que l'art lui-même imite ce mouvant.Au contraire, il apportera à ce mouvant l'unité, la solidité, l'éternité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Inversement, le romantisme authentique, assezdifférent de celui qui a souvent été réalisé en France, c'est de rendre ce mouvant, cette richesse de la vie, decoïncider avec elle.9 On peut facilement penser à plusieurs types de plans :Plan par classement de thèmes :Étudier à travers la littérature la permanence de quelques thèmes classiques, mais sans vouloir à tout prix épuisertous les traits du classicisme.
                                                            
                                                                                
                                                                    Envisager par exemple :• la prédominance de la psychologie sur le goût des réalités ;• celle des problèmes humains, politiques et sociaux ;• la méfiance des œuvres informes ;• la portée universelle conférée aux œuvres.Nous avons dit nos réserves à l'égard de ce genre de plan, mais on peut toujours y avoir recours si on n'arrive pas àen trouver un autre : cela vaut mieux que le désordre et l'absence de plan.Plan par élargissement d'une définition :• Le  classicisme  au sens strict,  défini surtout  par des  caractères  extérieurs (imitation des  Anciens, goût de lapsychologie, etc.) : il se maintient en particulier au XVIIIe siècle.• Le classicisme au sens d'esprit classique, caractérisé par la recherche de l'universalité.• Le classicisme au sens très large, entendu comme valeur humaine générale, (cf.
                                                            
                                                                        
                                                                    sujet proposé 24) : ici non plus nepas chercher à être exhaustif et ne pas faire un sort à tous les écrivains et à toutes les Écoles !Quant à nous, nous utiliserons un troisième plan qui, bien qu'il ne laisse pas d'être un peu partiel et partial, nousparaît meilleur, parce qu'il est plus concentré.
Plan
IntroductionBergson, préoccupé de retrouver par la souplesse de l'intuition les mouvements divers de la vie, constatait en 1923le caractère volontiers systématique et un peu rigide de l'art français : notre littérature, lui semblait-il, loin de sedisperser  dans le réel, préfère soumettre  celui-ci à l'unité ; en un mot, elle  est «pénétrée  de classicisme, d'unclassicisme qui a fait la netteté de son romantisme».
                                                            
                                                                                
                                                                    Sans doute bien des Ecoles qui se veulent révolutionnaires onten fait gardé à l'œuvre littéraire une cohérence, une unité toutes classiques.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais Bergson n'est-il pas injuste en nereconnaissant pas que, périodiquement et surtout au XIXe siècle, de nombreux efforts ont été tentés pour donner àla littérature, au prix même de la dispersion et de l'incohérence, une souplesse et un mystère qui rendent mieuxcompte de la vie ?I L'unité volontiers classique des œuvres françaises1 II est peu d'œuvres qui n'aient une unité.
                                                            
                                                                                
                                                                    La plupart des grands écrivains français ont le goût de la composition etpresque  tous proclament  la nécessité de  la concentration.
                                                            
                                                                                
                                                                     Balzac affirme que  c'est la loi de l'art  ; Maupassantprétend qu'elle est indispensable au réalisme (Préface de Pierre et Jean) et c'est vrai à plus forte raison des auteursdu XVIIIe siècle, héritiers directs du classicisme : sans doute ceux-ci ne savent-ils pas toujours très bien composer(des faiblesses à ce point de vue chez Montesquieu, chez Voltaire), mais au moins font-ils le plus souvent court, etils pourraient dire comme La Fontaine : «Les longs ouvrages me font peur.» (Fables, Livre VI, Épilogue).
                                                            
                                                                                
                                                                    D'une façongénérale, il n'y a guère chez nous de ces «longs ouvrages» comme La Divine Comédie de Dante ou Le Paradis perdude Milton, ou tout au moins ils n'ont pas bonne presse et payent souvent très cher aux yeux de la postérité leurallure de «somme»: les longs romans en prose du Lancelot Graal, les vingt-deux mille vers du Roman de la Rose, lesinterminables volumes de L'Astrée d'Honoré d'Urfé, de la Cléopâtre de La Calprenède, de la Clélie de Mlle de Scudérytraînent  derrière eux une  réputation  souvent injustifiée  d'écrasant  ennui et d'insupportable  monotonie.
                                                            
                                                                                
                                                                    Siprécisément le moyen âge a longtemps souffert d'une sorte d'ostracisme, c'est parce qu'il eut trop le goût de cesvastes ensembles sans composition véritable (songeons aux trente-cinq mille vers de la Passion d'Arnoul Greban ouaux soixante-cinq  mille vers de la Passion  de Jean  Michel  et aux  trois  ou quatre  journées  qu'en durait  lareprésentation).2 Le  goût de  l'unité ne doit  pas seulement s'entendre  de la composition,  il doit encore  s'entendre  de la façond'appréhender le  réel : très souvent la littérature  française, au lieu de suivre celui-ci dans sa diversité, aime leramener à quelques lois générales.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le classicisme, admet-on habituellement, s'intéresse à la nature humaine, à la.
                                                                                                                    »
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