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BERNANOS (Georges)

Publié le 16/02/2019

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bernanos

BERNANOS (Georges), écrivain français (Paris 1888 - Neuilly-sur-Seine 1948). En Bernanos, homme de foi et de passion, assoiffé de liberté, intransigeant, anticonformiste par nature, on discerne deux écrivains : un romancier, héritier, en un sens, de Balzac et de Barbey d'Aurevilly ; un « polémiste » appartenant à la lignée de Léon Bloy. Issu d'un courant littéraire catholique et monarchiste, il incarne, au premier abord, dans la société de l'entre-deux-guerres, une idéologie de « droite ». Pourtant, il n'a jamais cessé de remettre en question les cadres (littéraire, sociologique et politique) qui lui avaient été proposés et qu'il avait, à l'origine, acceptés. Admirateur fervent de Balzac, il abandonne la tradition romanesque du xix€ s. et se rapproche — avec Monsieur Ouine — du Nouveau Roman des années 1950. Disciple de Drumont (antisémite notoire), son « vieux maître », il récuse, en 1939, l'antisémitisme nazi. Catholique convaincu, il fustige avec violence l'Église espagnole et le clergé italien au cours des années 1936-1939, à l'heure de la montée des fascismes en Europe. Militant d'Action française, il rompt avec Maurras et, aux côtés de Malraux et de Mauriac, condamne les excès de la « croisade » franquiste. Ancien « camelot du roi », il répond à l'appel du 18 juin 1940 alors que, dans l'ensemble, l'Action française prend parti pour le maréchal Pétain.

 

Risque et ruptures. Sa vie s'est déroulée sous le double signe du risque et des ruptures. Élevé dans un milieu d'artisans catholiques aisés (son père était tapissier-décorateur), il reçoit une solide formation secondaire et chrétienne dans différents établissements religieux (à Paris, puis à Bourges et Aire-sur-la-Lys). Étudiant au Quartier latin, il prépare et obtient une licence ès lettres et une licence en droit tout en militant activement, comme « camelot du roi », dans les rangs de l’Action française, ce qui lui vaut, en 1909, d'être emprisonné, à deux reprises, pour quelques jours, à la Santé. Engagé volontaire, il est blessé pendant la guerre de 1914-1918 et cité à l'ordre du 6e dragons pour fait de bravoure.

 

Ruptures professionnelles. D'abord journaliste (directeur de l'Avant-Garde de Normandie, petit hebdomadaire monarchiste de Rouen, en 1913-14), Bernanos, au lendemain de la guerre, devient inspecteur d'assurances, responsable, pour la Nationale, des départements de l'Est de la France. Marié en 1917 avec Jeanne Talbert d'Arc (de ce mariage naîtront six enfants), il doit, en effet, faire vivre sa famille, mais il continue d'écrire entre ses déplacements. Le succès inespéré de son premier roman, Sous le soleil de Satan, en mars-avril 1926, l'incite à abandonner son métier pour se consacrer exclusivement à l'écriture, sa vocation profonde. Il ne mesurait pas le risque qu'il prenait : jusqu'à sa mort, ses soucis d'argent seront permanents.

 

Ruptures géographiques. De 1926 à 1948, une vie itinérante le conduit de l'Oise à la Côte d'Azur, de Toulon aux îles Baléares (où la vie était moins chère qu'en France, en 1936), puis au Brésil, où il réside de septembre 1938 à juillet 1945. De retour en France, il se déplace encore sans arrêt, séjourne en Tunisie (où il écrit Dialogues des carmélites}, puis revient mourir à l'hôpital américain de Neuilly, atteint par une grave maladie du foie.

 

Ruptures idéologiques. En 1926, au moment de la condamnation de l'Action française par le Vatican, Bernanos se rapproche de ses anciens amis, dont il s'était éloigné, par volonté d'indépendance, en 1919. Son esprit chevaleresque l'y pousse, mais aussi le souci de défendre une conception traditionaliste du catholicisme, battue en brèche par le « modernisme ». Cinq ans plus tard, n'ayant plus confiance en la possibilité d'un renouveau spirituel de l'Action française, il s'en éloigne progressivement. Il rompt avec Maurras, pour des raisons personnelles en 1932 — « À Dieu, Maurras ! À la douce pitié de Dieu ! » (le Figaro, 21 mai 1932) —, pour des motifs beaucoup plus profonds à

 

l’heure de la guerre d'Espagne, les Grands Cimetières sous la lune s'opposant radicalement aux thèses politiques de l'Action française, favorables à Franco. Rallié à l'esprit de la Résistance, dès le 18 juin 1940, témoin de l'honneur de la France au Brésil pendant la Seconde Guerre mondiale, il n'en dénoncera pas moins, après la Libération, « l'exploitation des morts » de la Résistance par les survivants (l'intransigeant, 13 mars 1948).

 

Le roman du surnaturel incarné. Bernanos avait signé ses premières nouvelles dès 1907, ses premiers articles en 1913, dans l'Avant-Garde de Normandie, mais il ne publie Sous le soleil de Satan qu'à trente-huit ans : à l'éclosion de son génie romanesque, une longue préparation était nécessaire. Son premier roman le rend célèbre du jour au lendemain. Léon Daudet le compare à Proust et n'hésite pas à écrire : « Quel sera le romancier de l'après-guerre ? Eh bien ! le voilà. » (l'Action française, 26 avril 1926). D'emblée, ce « romancier de l'après-guerre » tient à se définir comme un écrivain de « formation catholique » (les Nouvelles littéraires, 17 avril 1926). Mais son catholicisme, comme celui de Pascal, est centré sur un Dieu sensible au cœur et à l'âme, une Personne dont il importe de donner l'intuition par l'écriture. Si Bernanos reproche à Proust de se placer exclusivement « au point de vue de l'observation pure », dans une « indifférence totale au Bien et au Mal », en refoulant Dieu hors du champ d'exploration romanesque, c'est qu'il veut, quant à lui, suggérer dans ses romans « le tragique mystère du salut ». Contre le rationalisme de l'époque, le scepticisme d'Anatole France, l'« indifférence » de Proust à l'égard du spirituel, l'« immoralisme » de Gide, il affirme : « Le romancier a un rôle apologétique. »

 

De Sous le soleil de Satan à Monsieur Ouine, Bernanos est le romancier du surnaturel incarné. Certes, la plupart des thèmes chrétiens insérés dans sa vision du monde étaient déjà présents chez les « maîtres » de sa jeunesse : Pascal, Hello, Barbey, Bloy. Le sens du péché originel. L'absolu fondé en Dieu. Le triple mystère de l'incarnation, de la Rédemption et de la Résurrection du Christ. L'exaltation de la sainteté. L'homme partagé entre le Bien et le Mal, immergé dans la communion des saints. L'union de la nature et du surnaturel, discernable au-delà du visible, où la grâce peut intervenir. Sans conteste, Bernanos inscrit son témoignage dans une tradition (la fidélité au dogme catholique) et un mouvement littéraire : le « renouveau catholique » de la fin du xix* s., ouvert par Huysmans et Verlaine, prolongé par Bloy. Le « réalisme surnaturel » de ses romans rappelle, dans une certaine mesure, le « matérialisme résolument spiritualiste » inspiré à Huysmans par la Crucifixion de Grüne-wald : c'est-à-dire une volonté d'appliquer à l'âme un sens de l'observation limité, par le naturalisme, au domaine des mœurs en société.

 

Toutefois il renouvelle l'esprit de cette tradition, l'esthétique de ce mouvement. La vision du monde du romancier, plus encore que « catholique », est d'essence « christique ». C'est pourquoi le roman bemanosien se déroule souvent devant une toile de fond qui évoque la Passion du Christ, de la nuit de Gethsémani à l'aube de Pâques — une Passion à laquelle participent les « saints » (Donissan, Chevance, Chantal de Clerge-rie ou le curé d'Ambricourt), chargés de racheter, par leur propre souffrance, les « pécheurs » (Mouchette, Cénabre, la Comtesse du Journal}. Au niveau esthétique, à certains égards, il prolonge le roman balzacien. Récit conduit, en règle générale, au passé simple ou à l'imparfait, unis au présent de narration ; à l'intérieur de ce récit, union des dialogues, des descriptions, des gestes ou des pensées du héros (les discours intérieurs) et du commentaire de l’auteur. Emploi de la troisième personne (sauf pour Journal d'un curé de campagne}. Intrigue développée de façon linéaire, soutenue par la tension régulière des épisodes (à l'exception de Monsieur Ouine}. Choix du cadre rural et provincial (hormis l'imposture et Un mauvais rêve] : l'Artois, le Pas-de-Calais. Bernanos part

 

du roman du xixc s., mais il le dépasse. S'inspirant de Balzac et de Barbey d'Aurevilly, il s'élève vite au niveau de Dostoïevski.

 

Chez Bernanos comme chez Dostoïevski, le psychisme des personnages est discontinu, irréductible aux seules normes de la raison et de la psychologie. Les faits traduisent les réactions psychologiques sans les expliquer en profondeur et laissent subsister une indéniable ambiguïté. En réalité, ils ne sont évoqués que comme reflets de conflits intérieurs aigus. Le surnaturel bemanosien est ouvert sur une exploration de la psychologie des profondeurs et uni indissolublement à une esthétique qui en suggère la réalité au moyen de procédés spécifiques. Car le véritable créateur de formes

 

Bernanos en est un — ne saurait se contenter d'exprimer une vision du monde ; il lui faut l'insérer dans l'esthétique même du genre choisi. La qualité, l'originalité de cette inscription fondent le génie de Bernanos romancier.

 

L'univers de ses romans s'appréhende d'emblée comme un univers familier à nos sens. À l'ouverture de Sous le soleil de Satan, voici « l'horizon qui se défait

 

un grand nuage d'ivoire au couchant et, du zénith au sol, le ciel crépusculaire, la solitude immense, déjà glacée — plein d'un silence liquide... ». À celle de Nouvelle Histoire de Mouchette, « déjà le grand vent noir qui vient de l'ouest [...] éparpille les voix dans la nuit ». Ce monde des sensations, de la perception des paysages naturels, du rythme des saisons ou de l'égrènement des heures du jour, en un mot le visible, s'oppose à l'onirique, à l'imaginaire, mais s'ouvre lui-méme sur l'invisible, sur le surnaturel, autre univers « réel » — pour l'auteur — dont l'existence secrète, au-delà du quotidien familier, se dessine en filigrane du récit, s'impose à l'attention du lecteur à travers les images et le commentaire du narrateur.

 

Dans la plupart des romans de Bernanos, l'événement, relaté ou évoqué, se déroule souvent sur deux plans. D'une part, sur le plan sensible, au milieu des données du réel le plus apparent (cheminement de l'intrigue, dialogues ou médi-

bernanos

« reprises.

pour quelques jours, à la Sant.é.

Engagé volontaire.

il est blessé pendant la guerre de 1914-1918 et cité à l'ordre du 6• dragons pour fait de bravoure.

Ruptures professionnelles.

D'abord journaliste (directeur de l'Avant-Garde de Normandie, petit hebdomadaire monarchiste de Rouen, en 1913-14), Bernanos, au lendemain de la guerre, devient inspecteur d ·assurances.

respon­ sable, pour la Nationale, des départe­ ments de l'Est de la France.

Marié en 1917 avec Jeanne Talbert d'Arc (de ce mariage nalt.ront six enfants), il doit, en effet, faire vivre sa famille, mais il continue d'écrire entre ses déplace­ ments.

Le succès inespéré de son pre­ mier roman, Sous le soleil de Satan, en mars-avril 1926, l'incite à abandonner son métier pour se consacrer exclusive­ ment à l'écriture, sa vocation profonde.

Il ne mesurait pas le risque qu'il prenait : jusqu'à sa mort, ses soucis d'argent seront permanents.

Ruptures g�ographiques.

De 1926 à 1948, une vie itinérante le conduit de l'Oise à la Côte d'Azur, de Toulon aux Iles Baléares (où la vie était moins chère qu'en France.

en 1936), puis au Brésil, où il réside de septembre 1938 à juillet 1945.

De retour en France, il se déplace encore sans arrêt, séjourne en Tunisie (où il écrit Dialogues des carmélite s), puis revient mourir à l'hôpital américain de Neuilly, atteint par une grave maladie du foie.

Ruptures id�ologiques.

En 1926, au moment de la condamnation de J'Action française par le Vatican, Bernanos se rapproche de ses anciens amis, dont il s'était éloigné, par volont.é d'indépen­ dance, en 1919.

Son esprit chevaleres­ que l'y pousse, mais aussi le souci de défendre une conception traditionaliste du catholicisme, battue en brèche par le « modernisme ».

Cinq ans plus tard, n'ayant plus confiance en la possibilit.é d'un renouveau spirituel de l'Action française, il s'en éloigne progressive­ ment.

Il rompt avec Maurras, pour des raisons personnelles en 1932 -«À Dieu.

Maurras 1 À la douce pitié de Dieu ! >> (le Figaro, 21 mai 1932) -.

pour des motifs beaucoup plus profonds à l'heure de la guerre d'Espagne, les Grands Cimetières sous la lune s'oppo­ sant radicalement aux thèses politiques de l'Action française.

favorables à Franco.

Rallié à l'esprit de la Résistance, dès le 18 juin 1940, témoin de l'honneur de la France au Brésil pendant la Seconde Guerre mondiale, il n'en dénon­ cera pas moins, après la Libération, « l'exploitation des morts >> de la Résis­ tance par les survivants (l'Intransigeant, 13 mars 1948).

Le roman du surnaturel incarné.

Ber­ nanos avait signé ses premières nou­ velles dès 1907, ses premiers articles en 1913, dans l'Avant-Garde de Norman ­ die, mais il ne publie Sous le soleil de Satan qu'à trente-huit ans : à l'éclosion de son !flm ie romanesque, une longue préparation était nécessaire.

Son pre­ mier roman le rend célèbre du jour au lendemain.

Léon Daudet le compare à Proust et n'hésite pas à écrire : « Quel sera le romancier de l'après-guerre? Eh bien ! le voilà.

» (l'Action française, 26 avril 1926).

D'emblée, ce. »

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