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Blaise Cendrars (1887-1961), Documentaires

Publié le 22/02/2011

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Vers la fin de Tannée 1911 un groupe de financiers yankees décide la fondation d'une ville en plein Far-West au pied des Montagnes Rocheuses Un mois ne s'est pas écoulé que la nouvelle cité encore sans aucune maison est déjà reliée par trois lignes au réseau ferré de l'Union Les travailleurs accourent de toutes parts Dès le deuxième mois trois églises sont édifiées et cinq théâtres en pleine exploitation Autour d'une place où subsistent quelques beaux arbres une forêt de poutres métalliques bruit nuit et jour de la cadence des marteaux Treuils Halètement des machines

Les carcasses d'acier des maisons de trente étages commencent à s'aligner Des parois de briques souvent de simples plaques d'aluminium bouchent les interstices de la charpente de fer On coule en quelques heures des édifices en béton armé selon le procédé Edison (1 ) Par une sorte de superstition on ne sait comment baptiser la ville et un concours est ouvert avec une tombola et des prix par le plus grand journal de la ville qui cherche également un nom

Blaise Cendrars (1887-1961), Documentaires.

Vous montrerez, dans un commentaire composé, comment le poète utilise toutes les ressources du rythme et des mots pour évoquer la naissance ultra-rapide d'une ville champignon, sans attaches et sans âme, mais dont le modernisme ne parvient pas à gommer complètement le passé.

« Pour décrire cette «épopée» des temps modernes, l'auteur utilise un vocabulaire d'ordinaire exclu de la poésie.Avec Apollinaire et Valéry Larbaud, il témoigne de la volonté d'intégrer le monde contemporain, et les mots qui ledésignent, dans l'univers artistique.

Les termes sont nombreux : «réseau ferré », « poutres métalliques », «marteaux », « treuils ».

La construction de la ville est méthodique : on construit d'abord les voies de communication, les lieux derassemblement sont alors créés, églises, théâtres, enfin maisons.

Si l'impression dominante n'est pas l'ordre, c'estque la rapidité de l'édification, le foisonnement des activités décrites, le morcellement des actions, comme nousl'avons vu dans la structure des phrases, la vision chaotique et heurtée empêchent d'en saisir l'unité d'ensemble.

Pourtant le schéma, s'il est rationnel, semble s'opposer à l'ordre naturel.

Les constructeurs commencent en effetpar l'infrastructure : trois lignes relient la cité au réseau ferré de l'Union.

Cette façon de procéder appelle bien desremarques.

On sait, en effet, que les villes sont situées autour des voies de communication : vallées, fleuves,côtes.

A tel point qu'une ville négligée par la route ou le train dépérit rapidement (penser à la rivalité de certainesvilles lors de la construction d'une autoroute).

L'Amérique, par l'étendue de son territoire, est particulièrementsensible à ce problème.

La poussée vers l'Ouest, la construction des lignes ont effectivement fait naître les cités.Dans le texte, l'originalité provient du fait que l'on construit artificiellement un point de convergence.

La nature n'yprédisposait pas.

Rien n'est dit du paysage où s'implante l'habitat.

Un simple point géographique est désigné : «enplein Far-West », « au pied des Montagnes Rocheuses ».Le contraste est flagrant avec le poème de Ramuz qui décrit un petit village montagnard.

L'harmonie avec le site yétait complète.

En revanche, aucune nécessité naturelle n'attache l'homme à la terre, dans le texte de Cendrars.Comme une ville ne peut être libre de toute attache, il faut bien la relier à autre chose, si l'enracinement dans lepays lui est refusé.

Ainsi naît la liaison avec les autres villes américaines qui, elles-mêmes, sont aussi implantéesdans le terroir.

On peut imaginer un monde totalement artificiel, dû à la seule action humaine.

Une fois que lerattachement a eu lieu grâce aux voies de chemin de fer, les maisons jusque-là inexistantes apparaissent.

Ce moded'urbanisme révèle également l'esprit de la nation : une cité ne peut vivre repliée sur elle-même.

Il lui faut un lienavec le monde extérieur : l'échange et le commerce priment.

Il est caractéristique qu'«un groupe de financiers» soit à l'origine de l'ensemble urbain.

L'économie est le premiermoteur.

La mythologie, les dieux ou demi-dieux qui fondèrent les cités du vieux continent sont bien loin.

Leshommes, les financiers ont usurpé la toute-puissance divine : il leur suffit de décider, de vouloir pour que naisse unmonde.

Cette volonté, étrangère aux habitants, explique l'embarras de ceux-ci pour donner un nom.

La valeursymbolique est évidente puisque le journal est également à la recherche d'une appellation.

Le nom devrait émanerde la cité, il illustre l'âme d'une ville.

Mais cette création est artificielle, n'a pas d'âme.

Aussi préfère-t-on s'enremettre aux bonnes volontés, au hasard.

Comme le signale le libellé du sujet, le modernisme ne parvient pas à gommer le passé.

Le terme même de«superstition» contraste avec la rationalité des urbanistes.

Chacun sent confusément que le nom définira la ville, luidonnera un visage, une âme, la finira même.

Elle est née en quelques mois; le fer et l'acier résistent à l'usure, maisles «simples plaques d'aluminium», le travail vite fait indiquent que, peut-être, elle ne durera pas.

Le nom assure lapérennité.

D'où le trouble des habitants qui réagissent ici avec une mentalité presque primitive : on sait la crainteancestrale qu'inspire le verbe.

On s'interdit de prononcer le nom de Dieu, le nom de l'ennemi, le nom de ce qu'oncraint.

Les nouveaux citadins retrouvent ces vieilles terreurs.La survivance du passé se révèle également dans l'évocation des « quelques beaux arbres ».

Ce sont, en effet, lesseuls témoins du site ancien.

Mais l'image d'une «forêt de poutres métalliques» les supplante largement. PLAN DU DÉVELOPPEMENT Pour résumer ces remarques et pour les structurer, voici un plan possible : Première partie : la naissance ultra-rapide d'une ville. a) Remarques sur le temps.b) Études du rythme des phrases, de leur structure :— des indépendantes,— de simples noms.cl L'effort de construction : l'action des ouvriers,le rôle des machines. Deuxième partie : une ville sans attaches et sans âme. a) Une édification méthodique : — infrastructures,— centres collectifs,— maisons.b) La rupture avec la nature/prédominance du rationnel :— L'homme est le seul créateur.. »

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