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BLANCHOT Maurice : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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BLANCHOT Maurice (né en 1907). Solitaire et souterraine jusqu’à l’obstination, l’œuvre de Maurice Blanchot est une des plus fascinantes de l'après-guerre. Par l’exigence de sa recherche, elle fait autorité auprès des théoriciens de la littérature, mais également auprès des écrivains qui sont soucieux d’interroger leur propre pratique, à savoir l’espace littéraire. Lancinante, ressassante, sans cesse remodelée et répétée, c’est toujours la même question qui semble rebondir à travers près de quarante années de réflexion : qu’en est-il de l’écriture? Une question que Blanchot, lecteur inégalé, a posée comme critique, d’abord, puis comme romancier : ses récits sont autant de tests où la fabrique textuelle se met à l'épreuve pour interroger son propre fondement.

 

Aussi, entre la vague phénoménologique des années 1945-1950 et les recherches structurales des années 1970, l'œuvre de Blanchot a-t-elle été une des principales références pour tous ceux qu’a concerné la réflexion sur le langage et sur l’écriture, de Sartre à René Char et de Barthes à Foucault. Influence qui n’a pas manqué de porter la crise dans les discours : après des auteurs comme Valéry ou Bataille, Blanchot a mis enjeu l'existence même de la littérature, sa fonction esthétique, philosophique, idéologique et sociale. Il a mis le feu dans les bibliothèques, illustrant ainsi cette parole de Hôl-derlin que commente Heidegger : « Le langage est le plus dangereux de tous les biens ».

 

Il y a deux types d'écrivains. Ceux dont les mots servent à colmater les angoisses de l’être et les obscurités du réel : ceux-là rabattent sur le chaos la chape d’une écriture qui se protège derrière les garde-fous de l’ordre et de la représentation, du réalisme et du vraisemblable. Et puis il y a les écrivains dont les mots sont autant de scalpels pour fracturer les choses et les pensées. Du Très-Haut (1948) au Dernier Homme (1957), les récits

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« et les romans de Blanchot appartiennent à ce second courant : ils n'« utilisent » pas le langage comme s'il était l'instrument didactique d'une maîtrise, mais ils s'abandonnent au contraire à sa logique dérivante, à sa rumeur intransitive.

Ils laissent « l'initiative aux mots ».

Pour Blanchot, la littérature est donc une expérience inaugurale, une pratique ourlée à même la matérialité verbale.

Pratique toujours paradoxale : tous les livres de Blanchot se détruisent dans le mouvement même où ils se construisent, comme si l'échec était leur propre étai.

Sans cesse ici l'écriture se livre et s'efface, elle est mas­ que, fuite, détour, frayage.

« Le langage, dit Blanchot, est obscur parce qu'il dit trop, opaque parce qu'il ne dit rien : l'ambiguïté est partout».

Tel est Je risque de la poésie, le poète étant celui qui «entend un langage sans entente».

Comme dans les pages magnifiques de Thomas l'obscur (1 94 1), l'écrivain et son lecteur sont toujours à hésiter sur l'infime lisière d'une page devenue plage : c'est là que la rumeur anonyme des vagues vient détruire les signes tracés sur le sable, c'est là que la terreur du grand fond vient saper les certitudes du visible et du lisible.

Et l'on retrouve toujours chez Blanchot cette syn­ cope binaire, ce balancement entre l'affirmation et la négation : le oui et le non dans l'Attente l'Oubli (1962), le cercle des mots qui s'ouvre et se ferme dans Celui qui ne m'accompagnait pas (1953), l'ombre et la lumière dans Thomas l'obscur ...

Réalité de l'irréel, présence de l'absence, bruissement d'un roulis désolé qui déporte la langue en deçà d'elle-même, telle est la musique blan­ chotienne.

Des phrases grises comme chez Sade, déhan­ chées, reptiliennes, interminable hésitation où s'essouf­ fle la pensée.

Aussi, dans leur détresse, les récits de Blanchot sont-ils parfaitement labyrinthiques et désertés.

C'est que l'expérience littéraire est une perte, une dissé­ mination, comme si l'on visionnait l'au-delà de la mort à travers les minuscules lézardes d'une prose fendillée, raturée et fragmentaire : d'où cette topologie de l'égare­ ment qui revient si souvent chez Blanchot : la chambre vide d'où tombe l'étrange loterie d'Aminadab (1942), les couloirs d'Au moment voulu ( 1951 ), la cave borgne et la tour sinueuse du Ressassement éternel (1951), le curieux «sanatorium )) du Dernier Homme ...

A travers tous ces romans de Blanchot, on voit l'écri­ ture sortir de sa propre litière, s'expatrier et se saturer.

Elle se définit alors comme une dépense expiatoire du romancier.

Comme une mise à mort du scripteur, toute écriture étant finalement posthume.

La littérature, expli­ que Blanchot dans la Part dufeu (1949), est un droit à la mort.

Et dans un très beau chapitre de son essai le plus élaboré, L'Espace littéraire (1 955), il montre comment l'art et la mort ont partie liée.

En ce sens, le langage est comparable au regard d'Orphée vers Eurydice, car il réduit l'œuvre au néant.

Il est cette puissance par laquelle s'ouvre la nuit au cœur de la fiction.

Pour évoquer l'ir­ ruption de cette étrangeté dans la littérature, Blanchot utilise un mot : le neutre.

Tonalité mate d'un «au-delà» qui ne se réfère à aucune métaphysique, le neutre n'est pas celui dont parle Heidegger : il n'a rien d'une transcendance qui viendrait replâtrer les failles du moi ou du monde.

Au contraire, il faut le comprendre comme un renversement de nos schémas ontologiques, une force qui ébranle toute pensée et toute possibilité de synthèse, un chaos qui déleste l'univers.

Pour cette raison, l'�xpé­ rience nietzschéenne est capitale chez Blanchot.

Ecrire le neutre, c'est écrire l'inconnu, et l'on est ici en dehors des catégories du cogito, dans un non-lieu emblématique où l'écriture est toujours soucieuse d'effacer ses traces et de revenir sur ses «faux pas ».

Cette conception se retrouve dans tous les textes criti­ ques de Blanchot, depuis Faux Pas, en 1943, jusqu'à la Communauté inavouable, en 1984, en passant par La Part du feu, L'Espace littéraire, Lautréamont et Sade (1949), Le Livre à venir (1959), l'Entretien.

infi ni (1969), l'Amitié (197 1 ), le Pas au-delà (1973), l' Écri ture du désastre ( 198 0 ) et Après-coup (19 83); Kafka, Rilke, H. »

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