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Je vais vous présenter un extrait de la Princesse de Clèves.

Publié le 05/04/2020

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Je vais vous présenter un extrait de la Princesse de Clèves. Ce roman écrit par Mme de La Fayette et paru en 1678 a révolutionné le genre romanesque par sa brièveté, son réalisme, son ancrage historique et par l’unité de son action : construit à la manière d’une tragédie classique, le roman en reprend aussi les principaux thèmes – violence des passions qui conduisent à la chute des héros, faillite de la raison face au désir, engrenage tragique où l’expression de la plus haute vertu conduit mécaniquement à la mort et au malheur des héros. C’est le premier roman dans lequel l’évolution psychologique est l’objet même du récit : les événements extérieurs ne forment plus que le cadre d’une lutte intérieure entre raison et sentiments qui constitue l’enjeu principal et invisible de ce nouveau type de roman, appelé à un grand avenir. Notre extrait, au tout début du tome I, clôt la galerie de portrait des grands personnages de la cour d’Henri II qui forment justement le cadre du récit. Initiée par le portrait du roi, cette présentation conduit à celle des personnages amenés à jouer un rôle dans l’histoire de la princesse de Clèves : Le prince de Clèves, second fils du duc de Nevers, le Vidame de Chartres, et le duc de Nemours. La narratrice élabore habilement cette progression des portraits puisque celui de Nemours, situé à la fin, fait pendant au premier, celui du roi ; les personnages qui le précèdent, hommes supérieurs par leur rang, leur qualité et leur naissance, restent inférieurs à Nemours qui semble réunir en sa personne les plus hautes perfections. Ils forment ainsi derrière lui, un cortège de prestigieux faire-valoir. Nous demanderons dans quelle mesure ce portrait de Nemours est également une peinture de la cour, c’est-à-dire d’un lieu où règnent les apparences ; nous verrons ainsi que derrière Nemours se dessine un lieu complexe où se mêlent indistinctement le jeu de l’amour et celui du pouvoir. On peut distinguer dans ce texte 3 mouvements : Le premier, de la ligne 87 à la ligne 97 est un portrait élogieux, voire hyperbolique du Prince de Nemours, fait du point de vue collectif et externe de la cour; le second mouvement, de la ligne 97 à la ligne 105, présentant Nemours comme l’objet de toutes les convoitises galantes, met en évidence le rôle majeur des femmes dans ce milieu; enfin le troisième et dernier mouvement donne à entendre l’entrelacement étroit de la galanterie et de la politique à la cour d’Henri II, à travers les relations de Nemours et de la reine Dauphine, Marie Stuart, épouse de François II. Le premier mouvement de la ligne 87 à 97 constitue un portrait élogieux et hyperbolique du prince de Nemours, fait du point de vue externe et collectif de la cour. Ligne 88 on peut lire que Nemours est un « chef-d’œuvre de la nature » ? hyperbole et la métaphore picturale ? fait de Nemours une œuvre d’art / antithèse entre ce qui relève de l’art, de l’artifice et de la nature, du naturel ?Nemours est un mélange de raffinement social, de qualités acquises et de perfections naturelles. De la ligne 88 à la ligne 90 reprise tournure emphatique « Ce qui…c’était » et  « ce qui ….était » : façon de mettre en avant, de souligner, de détacher les qualités qu’il possède au plus haut degré : qualités physiques mentionnées en premier (« beauté ») ; morales (« valeur ») ; sociales et intellectuelles (« et agrément dans son espr...

« l’occasion de dire la vérité sur un être ne semblent nous donner que la vérité de leur apparence, confondant l’être et le paraître.

Dans ce monde où seul compte ce qui se voit, les femmes jouent un rôle de premier plan.

I.

Dans ce monde de galanterie et d’apparence, les femmes jouent un rôle de premier plan : de la ligne 97 à la ligne 105, la narratrice présente Nemours comme l’objet de toutes les convoitises galantes de la cour : le suffrage des femmes, constituant le mérite des hommes, apparaît comme la vraie source de leur réputation et donc de leur pouvoir.

 De la ligne 97 à la l.

105, la narratrice ne considère plus que le « peuple des femmes » qui sont l’âme de la cour : « aucune dame » l.

98, « elle » l.

99 ; « peu de celles » l.99 ; « plusieurs » (l.

100), « celles » l.

103 ; « plusieurs maîtresses » l.

104, « celle » l.

105  les déterminants et les pronoms indéfinis confondent toutes ces femmes dans une masse indistincte d’admiratrices qui paraissent en lutte pour le séduire.  Dans notre passage deux champs lexicaux dominent et se mêlent, de sorte qu’ils deviennent indissociables : le lexique de l’amour et celui de la « gloire » : de la l.97 à la l.

99 : « gloire » et « flattée » sont associé à « attacher » ; l.

99 à 102 « attacher » est associé à « se vanter », « passions » au verbe « témoigner »  ainsi, l’amour apparaît moins comme une affaire d’ordre privée que comme une joute public où se manifestent divers jeu de pouvoir et de rivalité : rivalité des femmes entre elles (« aucune », « plusieurs », « peu de celles » etc.), rivalité des hommes et des femmes où il s’agit de ne pas montrer son attachement et où l’on tire une gloire, non seulement de plaire, mais de ne pas montrer que l’on aime : ainsi on pourrait se « vanter de lui avoir résisté » si on en avait la force ; la puissance de Nemours est d’ailleurs telle qu’il renverse les codes qui veulent qu’une femme soit courtisée la première : l.

100 « et même plusieurs à qui il n’avait point témoigné de passion, n’avaient pas laissé d’en avoir pour lui ».

 La galanterie est en effet un jeu de pouvoir comme le montre le vocabulaire emprunté à la lutte : « le voir attaché » pourrait très bien se dire d’un prince guerrier qui cherche à « s’attacher » ou à soumettre un allié ; « résisté », « refuser » s’apparentent aussi à l’idée de lutte comme « tâcher de lui plaire » aux tentatives que l’on fait pour séduire et gagner le cœur d’un homme ou d’une femme.

Plus loin « il était difficile de deviner » apparente encore l’amour à une lutte diplomatique où l’on dissimule ses vrais desseins et où l’on use de dissimulation et de ruse.  On voit que l’amour est avant tout une affaire publique et sociale dans le fait que Nemours répond poliment à l’amour que lui manifestent certaines femmes : l.

102 : « il avait tant de douceur et de disposition à la galanterie qu’il ne pouvait refuser quelques soins à celles qui tâchaient de lui plaire »  Nemours n’aime pas ces femmes, mais ces dispositions à l’amour, c’est-à-dire son raffinement, sa parfaite politesse, le pousse à ne pas humilier des femmes qui lui manifestent ainsi ostensiblement, publiquement leur amour  s’il leur rend leur galanterie, c’est par politesse et pour ne pas froisser ces femmes, manifestant ainsi son élégance.

 Enfin, La dernière phrase de ce second mouvement, l.

104-105, souligne la dichotomie entre l’apparence et la réalité : « ainsi il avait plusieurs maîtresses, mais il était difficile de deviner celle qu’il aimait véritablement »  le pluriel de « plusieurs maîtresses » désigne le jeu social de la galanterie et ce pluriel s’oppose au singulier de « celle qu’il aimait véritablement »  l’amour véritable est nécessairement unique et singulier.

La narratrice souligne subtilement derrière l’adverbe « véritablement », placé en évidence à la fin de la phrase, ce que cette galanterie peut avoir d’artificielle et de fausse.

L’expression « il était difficile de deviner », avec sa tournure impersonnelle et donc collective, paraît typique d’un monde où d’une part chacun épie chacun et essaie d’interpréter les signes presque imperceptibles de la vérité derrière les apparences ; et d’autre part, d’un monde où il apparaît primordial de maîtriser les apparences et de ne pas laisser voir la réalité de ses sentiments.

Ce serait évidemment une faute politique : marquer sa préférence pour une femme serait le meilleur moyen de se faire haïr de toutes : il faut donc naviguer dans ces eaux dangereuses et continuer à faire croire à chacune qu’elle est aimée.

 Enfin la mention du mystère autour de « celle qu’il aimait véritablement » annonce l’entrée en scène de Mme de Clèves et l’intrigue du roman.

Les amours de Nemours sont un sujet d’interrogation pour tous les personnages de la cour et la réponse à cette question constitue également un horizon d’attente pour le lecteur.

Autrement dit, Mme de La Fayette, en créant une séparation entre ce que l’on voit mais n’est qu’apparence, et ce qui est mais reste caché, crée autour de ce personnage du suspens.  La narratrice met donc au centre du portrait de Nemours ses relations avec les femmes : mais en ne le donnant à voir que d’un point de vue externe, elle adopte en fait le point de vue de la cour qui ne perçoit que l’extériorité des êtres : la cour apparaît donc comme un lieu où les êtres doivent être déchiffrés et interprétés, sujet de choix pour le roman car l’interprétation est justement le propre de l’activité littéraire.

Plus tard, en nous permettant de pénétrer l’intériorité des personnages, elle nous livrera l’accès à leur intériorité.. »

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