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Français Corrigés premiers : 1.

Publié le 06/12/2016

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Français Corrigés premiers : 1. Paul Valéry, « La liberté de l’esprit et le monde moderne » : thèse & plan 2. Paul Valéry, « L’intelligence est-elle en péril ? » : thèse & plan 3. Henry de Montherlant, « La possession de soi-même » : thèse, plan ; plan de la discussion. 4. Pierre Jourde, « Donner au public ce qu’il demande » : résumé. 5. A. Jacquard, « Au péril de la science » : questions, résumé, plan de la discussion 6. Hugo, « Discours d’Enjolras » : questions, plan de la discussion. Filière DAEU session 2016-2017 Paul VALÉRY, « La liberté de l'esprit », 1939 (733 mots) Le monde moderne et la liberté de l'esprit Culture, civilisation, ce sont des noms assez vagues que l'on peut s'amuser à différencier, à opposer ou à conjuguer. Je ne m'y attarderai pas. Pour moi, je vous l'ai dit, il s'agit d'un capital qui se forme, qui s'emploie, qui se conserve, qui s'accroît, qui périclite, comme tous les capitaux imaginables – dont le plus connu est, sans doute, ce que nous appelons notre corps... De quoi est composé ce capital Culture ou Civilisation ? Il est d'abord constitué par des choses, des objets matériels – livres, tableaux, instruments, etc., qui ont leur durée probable, leur fragilité, leur précarité de choses. Mais ce matériel ne suffit pas. Pas plus qu'un lingot d'or, un hectare de bonne terre, ou une machine ne sont des capitaux, en l'absence d'hommes qui en ont besoin et qui savent s'en servir. Notez ces deux conditions. Pour que le matériel de la culture soit un capital, il exige, lui aussi, l'existence d'hommes qui aient besoin de lui, et qui puissent s'en servir – c'est-à-dire d'hommes qui aient soif de connaissances et de puissance de transformations intérieures, soif de développements de leur sensibilité ; et qui sachent, d'autre part, acquérir ou exercer ce qu'il faut d'habitudes, de discipline intellectuelle, de conventions et de pratiques pour utiliser l'arsenal de documents et d'instruments que les siècles ont accumulé. Je dis que le capital de notre culture est en péril. Il l'est sous plusieurs aspects. Il l'est de plusieurs façons. Il l'est brutalement. Il l'est insidieusement. Il est attaqué par plus d'un. Il est dissipé, négligé, avili par tous. Les progrès de cette désagrégation sont évidents. [...] Je vous ai montré de mon mieux à quel point toute la vie moderne constitue, sous des apparences souvent très brillantes et très séduisantes, une véritable maladie de la culture, puisqu'elle soumet cette richesse qui doit s'accumuler comme une richesse naturelle, ce capital qui doit se former par assises progressives dans les esprits, elle la soumet à l'agitation générale du monde, propagée, développée par l'exagération de tous les moyens de communication. À ce point d'activité, les échanges trop rapides sont fièvre, la vie devient dévoration de la vie. Secousses perpétuelles, nouveautés, nouvelles ; instabilité essentielle, devenue un véritable besoin, nervosité généralisée par tous les moyens que l'esprit a lui-même créés. On peut dire qu'il y a du suicide dans cette forme ardente et superficielle J'existence du monde civilisé. [...] Aujourd'hui, les choses vont très vite, les réputations se créent rapidement et s'évanouissent de même. Rien ne se fait de stable, car rien ne se fait pour le stable. Comment voulez-vous que l'artiste ne sente pas sous les apparences de la diffusion de l'art, de son enseignement généralisé, toute la futilité de l'époque, la confusion des valeurs qui s'y produit, toute la facilité qu'elle favorise ? S'il donne à son travail tout le temps et le soin qu'il peut leur donner, il le donne avec le sentiment que quelque chose de ce travail s'imposera à l'esprit de celui qui le lit ; il espère qu'on lui rendra, par une certaine qualité et une certaine durée d'attention, un peu du mal qu'il s'est donné en écrivant sa page. Avouons que nous le payons fort mal... Ce n'est pas notre faute, nous sommes accablés de livres. Nous sommes surtout harcelés de lecture d'intérêt immédiat et violent. Il y a dans les feuilles publiques une telle diversité, une telle incohérence, une telle intensité de nouvelles (surtout par certains jours) que le temps que nous pouvons donner par vingt-quatre heures à la lecture en est entièrement occupé, et les esprits troublés, agités ou surexcités. L'homme qui a un emploi, l'homme qui gagne sa vie et qui peut consacrer une heure par jour à la lecture, qu'il la fasse chez lui, ou dans le tramway, ou dans le métro, cette heure est dévorée par les affaires criminelles, les niaiseries incohérentes, les ragots et les faits moins divers, dont le pêle-mêle et l'abondance semblent faits pour ahurir et simplifier grossièrement les esprits. Notre homme est perdu pour le livre... Ceci est fatal et nous n'y pouvons rien. Tout ceci a pour conséquence une diminution réelle de la culture ; et, en second lieu, une diminution réelle de la liberté de l'esprit, car cette liberté exige au contraire un détachement, un refus de toutes ces sensations incohérentes ou violentes que nous recevons de la vie moderne, à chaque instant. 2 Thèse : Pour Paul Valéry, le rythme accéléré dans lequel nous vivons, les insignifiances qui absorbent tout notre temps, mettent le capital culturel « en péril ». En effet, le monde moderne a tendance à supprimer les conditions grâce auxquelles la culture est réellement vivante, c'est-à-dire le besoin que nous en avons, l’usage que nous en faisons, la rigueur intellectuelle qui nous permet de l’acquérir ; le monde moderne annihile la liberté de l’esprit. Plan : Quatre parties composent de texte de Paul Valéry. D’abord (les deux premiers paragraphes), l’auteur définit ce qu’il entend par le mot « culture » : il n’existe de culture que vivante et effective par le besoin que nous en avons, l’usage que nous en faisons, la rigueur intellectuelle qui nous permet de l’acquérir. Dans une seconde partie (paragraphes 3, 4, 5 et 6), Valéry décrit le mal du monde moderne par rapport à la culture : nos conditions de vie nous éloignent de la sérénité indispensable à l’acquisition de la culture, « la vie devient dévoration de la vie », ce faisant de la culture. Ensuite, dans une troisième partie (les cinq paragraphes suivants), il illustre sa réflexion avec l’exemple du travail de l’artiste, travail que nous n’apprécions pas à sa juste valeur, ou qui nous reste étranger parce que notre temps est absorbé par des insignifiances. De ce tableau pessimiste se dégage, au dernier paragraphe, une conclusion, conséquence logique de l’argumentation : notre liberté d’esprit est aujourd’hui menacée. Quelle est la tonalité de ce texte ? Vous argumenterez votre réponse en vous appuyant sur des éléments précis du texte. Une tonalité pessimiste se dégage de ce texte de Paul Valéry. En effet, dès les premières lignes, L’auteur met en place un champ lexical de la décadence et de la maladie, en comparant l’évolution de la culture avec celle de notre corps : cette décadence semble dès lors inévitable et presque naturelle. De nombreux mots construisent ce champ lexical : périclite, une véritable maladie, désagrégation, propagation, etc. De plus, nombre de constructions syntaxiques renforcent l’idée d’un danger, notamment au troisième paragraphe avec la reprise anaphorique de « il l’est », qui martèle l’idée du péril dans lequel se trouve aujourd’hui la culture (« Le capital de notre culture est en péril. Il l’est..., il l’est..., il l’est..., il l’est... ») ou, par les énumérations 3 crescendo, dramatisent la situation (« troublés, agités, surexcités »). Par ailleurs, l’implication de l’auteur dans son texte, qui était académicien, renforce le côté témoignage bien informé, fait d’expérience avérée : Valéry se pose comme le témoin privilégié d’un mécanisme qu’il décrit, en utilisant des formules qui ne sont pas éloignées de l’apocalypse (« je vous l’ai dit », « Je dis que »). Enfin, aucun élément dans le texte, rien, ne nous permet de fonder le moindre espoir ; aucune force ne se dessine, qui pourrait inverser cette tendance. Bref, pour Paul Valéry, la destruction de la culture est irrémédiable. Quelques éléments pour la discussion Sujet. – Pensez-vous, comme Paul Valéry, que le monde moderne « a pour conséquence une diminution réelle de la culture » ? Préparez toujours cinq reformulations (par écrit), qui vous permettront non seulement de cerner la problématique du sujet, mais aussi d’annoncer et de récapituler le plan de votre discussion, et de mettre en place des articulations rédigées entre les différentes parties de votre travail : – annonce du plan ; – attaque de la thèse : avant de pouvoir argumenter, il faut poser le thème d’argumentation, suivi par « en effet » ; – transition entre la thèse et l’antithèse : reformulation de la thèse et annonce du thème de l’antithèse ; – résumé en première partie de conclusion. Mais... – et la cinquième reformulation ? Pour avoir le plaisir du choix... Thèse Certes, le monde moderne et la culture ne semblent pas de nature à cohabiter harmonieusement : – en effet (premier argument) conditionnement permanent... – de plus le « culturel » de la télé... – enfin vie de plaisir amputée d’une dimension et de l’effort... Antithèse Mais, en réalité... Vous pouvez argumenter sur l’étroitesse du point de vue de Valéry, qui n’envisage la culture que sous ses formes les plus classiques, ou encore sur la naissance d’une nouvelle culture, produite par le monde moderne : cinéma, musique, etc., ou encore sur les moyens de communication moderne, qui permettent de susciter et de satisfaire une large curiosité intellectuelle. D’autres idées d’antithèse sont possibles ; l’essentiel est de les argumenter. 4 Paul VALÉRY, « L'intelligence est-elle en péril ? », Variétés, Essais quasi politiques L'éducation ne se borne pas à l'enfance et à l'adolescence. L'enseignement ne se limite pas à l'école. Toute la vie, notre milieu est notre éducateur, et un éducateur à la fois sévère et dangereux. Sévère, car les fautes ici se paient plus sérieusement que dans les collèges, et dangereux, car nous n'avons guère conscience de cette action éducatrice, bonne ou mauvaise, du milieu et de nos semblables. Nous apprenons quelque chose à chaque instant; mais ces leçons immédiates sont en général insensibles. Nous sommes faits, pour une grande part, de tous les événements qui ont eu prise sur nous; mais nous n'en distinguons pas les effets qui s'accumulent et se combinent en nous. Voyons d'un peu plus près comment cette éducation de hasard nous modifie. Je distinguerai deux sortes de ces leçons accidentelles de tous les instants : les unes, qui sont les bonnes, ou, du moins, qui pourraient l'être, ce sont les leçons de choses, ce sont les expériences qui nous sont imposées, ce sont les faits qui sont directement observés ou subis par nous-mêmes. Plus cette observation est directe, plus nous percevons directement les choses ou les événements, ou les êtres, sans traduire aussitôt nos impressions en clichés, en formules nos perceptions directes est d'autant plus précieuse que nous savons moins l'exprimer. Plus elle met en défaut les ressources de notre langage, plus elle nous contraint à les développer. Nous possédons en nous toute une réserve de formules, de dénominations, de locutions, toutes prêtes, qui sont de pure imitation, qui nous délivrent du soin de penser, et que nous avons tendance à prendre pour des solutions valables et appropriées. Nous répondrons le plus souvent à ce qui nous frappe par des paroles dont nous ne sommes pas les véritables auteurs. Notre pensée – ou ce que nous prenons pour notre pensée – n'est alors qu'une simple réponse automatique. C'est pourquoi il faut difficilement se croire soi-même sur parole. Je veux dire que la parole qui nous vient à l'esprit, généralement n'est pas de nous. Mais d'où vient-elle ? C'est ici que se manifeste le second genre de leçons dont je vous parlais. Ce sont celles qui ne nous sont pas données par notre expérience personnelle directe, mais que nous tenons de nos lectures ou de la bouche d'autrui. 5 Vous le savez, mais vous ne l'avez peut-être pas assez médité, à quel point l'ère moderne est parlante. Nos villes sont couvertes de gigantesques écritures. La nuit même est peuplée de mots de feu. Dès le matin, des feuilles imprimées innombrables sont aux mains des passants, des voyageurs dans les trains, et des paresseux dans leurs lits. II suffit de tourner un bouton dans sa chambre pour entendre les voix du monde, et parfois la voix de nos maîtres. Quant aux livres, on n'en a jamais tant publié. On n'a jamais tant lu, ou plutôt tant parcouru ! Que peut-il résulter de cette grande débauche ? Les mêmes effets que je vous décrivais tout à l'heure ; mais, cette fois, c'est notre sensibilité verbale qui est brutalisée, émoussée, dégradée... Le langage s'use en nous. L'épithète est d&...

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