BRASSENS (Georges)

BRASSENS (Georges), auteur-compositeur et chanteur français (Sète 1921 -Saint-Gély-du-Fesc 1981 ). Comme Villon, son frère de cœur, Brassens était de « petite extrace >> ; en marge comme lui (anarchiste et collaborateur du Libertaire) , comme lui plus proche des bles que des nantis. Mais ce qui avait exclu l'un devait finir par faire le succès de l'autre : Brassens est mort célèbre, chéri de la société que malmenaient ses chansons. Il est, en effet, reconnu comme un poète (y compris par l'Académie française, qui lui décerna en 1967 son grand prix de poésie) par les Français, qui ignorent paradoxalement que, depuis cinquante ans, de Jouve, Ponge et René Char à P. de La Tour du Pin, André du Bouchet et Jacques Roubaud, leur littérature vivante est une littérature poétique. C'est que, au-delà de l'« effet de poésie >> singulièrement renforcé par l'amalgame de ses propres textes à ceux de Hugo, Verlaine, Paul Fort, Francis Jammes, Richepin, Aragon, Brassens a vu le non-conformisme de ses années 1950-1955 devenir la seconde nature et la bonne conscience de tout le monde. Avec un quart de siècle d'avance, il a fait le portrait de la France dans laquelle il est mort (d'un cancer, maladie qui signe d'ailleurs notre culture, comme le fit au siècle dernier la tuberculose). Quand les Français découvrirent qu'ils ne croyaient plus trop aux uniformes et que leur système de valeurs se fissurait, il y avait longtemps qu'il avait dit la sottise de la guerre et que tout s'oublie, même l'inoubliable (« un p'tit vorget my not >> pour l'ami des Tommies, « un p'tit vergiss mein nicht >> pour l'ami des Teutons), longtemps qu'il s'était payé la tête des flics, des juges et des curés. S'il a été entendu avec un peu de retard, c'est ensuite à force d'être en retard lui-même