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CÉLINE (Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand)

Publié le 19/02/2019

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CÉLINE (Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand), écrivain français (Courbevoie 1894-Meudon 1961). Le plus grand romancier français du xxe siècle avec Proust, mais sous le signe de la rupture et non plus de la mémoire, a connu une enfance emblématique, passage Choiseul, à Paris, où sa mère tenait un commerce de dentelles, dans l'odeur froide de l'amidon et des pâtes à l'eau. Il passe par divers apprentissages (bonneterie, joaillerie) et s'engage en septembre 1912. Héros d'un fait d'arme des débuts de la guerre (27 octobre 1914) qui lui vaut une blessure au bras droit, la médaille militaire et les honneurs de la couverture de Y Illustré national, il est réformé. Après un séjour à Londres puis en Afrique, il fait à Rennes un premier mariage bourgeois et entreprend des études de médecine : il soutient, en 1924, sa thèse sur la Vie et FŒuvre de Philippe Ignace Semmel-weis, biographie d'un médecin hongrois qui lutta pour l'asepsie dans l'accouchement : incompris, chassé de Vienne où il pratiquait, Semmelweis mourra de cette même infection contre laquelle il avait lutté toute sa vie. Bien accueilli par le monde médical, bien que son objectivité historique ait parfois souffert de la passion de l'auteur pour son personnage, ce premier écrit prélude déjà au lyrisme de l'œuvre tout entière. Le tragique de la vie de Semmelweis est en quelque sorte une première vision de ce que sera le drame de Céline (tous les écrits médicaux du docteur Destouches, réunis en volume dans le Cahier Céline n° 3, 1977, sont le reflet de ses préoccupations en matière d'hygiène et de médecine sociale). Employé par la Société des Nations, il effectue plusieurs voyages, en particulier en Amérique du Nord (où il découvre l'horreur du travail à la chaîne) et en Afrique, puis ouvre un cabinet médical avant de devenir vacataire au dispensaire municipal de Clichy. C'est en 1932 qu'il publie son premier roman, Voyage au bout de la nuit, sous le pseudonyme de Céline, prénom de sa grand-mère. Donné gagnant une semaine avant l'attribution du prix Concourt, il n’obtient que le Renaudot du fait du retournement de plusieurs jurés. L'affaire a un énorme retentissement dans les milieux littéraires.

 

C'est certainement par sa performance stylistique que le premier roman de Céline a attiré l'attention. La verdeur de son langage, qui n'est une nouveauté à l'époque que parce qu'il est extrêmement diversifié, un vocabulaire riche de trouvailles mais aussi de nuances inattendues ont dès ce moment affirmé l'importance de l'écrivain. L'usage d'une langue populaire qui n'est jamais simple reproduction mais réécriture, parfois savante, conduit à cet antidiscours académique qui a tant surpris. Un tel travail sur la langue peut être comparé à celui de Joyce pour l'anglais, mais, musicalement parlant, sur un autre registre et dans une autre clé : un renouvellement, puis une révolution. Céline varie et multiplie ses effets par la combinaison de différents « niveaux » de langue qui s'harmonisent et contribuent à l'unité du récit. Ainsi, de thèmes et de lieux communs (la haine de la guerre, la critique de la société, l'angoisse de l'avenir) il nous fait prendre une conscience différente, avec une invention constante. Le moins étonnant n'est certainement pas le procédé qui consiste à dire l'éclatement et la dislocation à l'aide de personnages reparaissant — marionnettes ou cibles d'un jeu de massacre. Dès ce premier roman, Céline a atteint la maturité nécessaire à une grande œuvre. Mais son succès, principalement de scandale, a d'abord fait négliger la qualité romanesque du Voyage au bout de la nuit qui reste aujourd'hui l'une des œuvres majeures du siècle. En septembre 1933, Céline publie l'Église, « comédie en cinq actes », écrite six ans auparavant et qui, présentée comme ébauche du Voyage, en demeure en fait indépendante bien qu'on y retrouve Bardamu, le héros du Voyage, médecin au service de la Société des Nations. Le 1er octobre 1933, Céline prononce à Médan son célèbre « Hom

 

mage à Zola » dont toute la presse se fait l'écho pour en souligner l'esprit volontairement apocalyptique. En mai 1936 paraît Mort à crédit, son deuxième grand roman qui retrace l'enfance mouvementée d'un certain Ferdinand dont les relations avec l'auteur sont évidentes. Le livre est souvent mal interprété par la critique de l'époque. Pourtant, avec Mort à crédit, Céline poursuit son travail linguistique, remplaçant la phrase par une série de courtes séquences qui se succèdent à un rythme très rapide et qui, dans la graphie, sont séparées par des points de suspension ou un point d'exclamation. Cet accomplissement, véritablement prosodique, va accentuer l'aspect poétique et rythmique d'une écriture, dont il fait lui-même remonter l'origine à la cadence du music-hall anglais (c'est là, dit-il, que « j'ai pris mes trilles », non dans le « babillage » mais dans l'audace des gestes et des corps). Les romans suivants, en accusant cette évolution vers l'éclatement, notamment par l'onomatopée, atteindront à une liberté de ton et de forme tout à fait inédite en français. Comme beaucoup, Céline fait alors son « voyage à Moscou » : il en revient accablé et ajoute le stakhanovisme aux aliénations du fordisme (Mea culpa, 1936), inaugurant ainsi une série d'écrits politiques : Bagatelles pour un massacre (1937), qui connaît un grand succès de librairie, l'École des cadavres (1938) — tous deux seront volontairement retirés de la vente en mai 1939 —, enfin en 1941 les Beaux Draps, dont des exemplaires seront saisis par la police vichyssoise en zone non occupée. À l'origine des pamphlets se trouvent étroitement mêlés un ensemble de facteurs personnels et professionnels : tout se passe comme si Céline s'était tout à coup précipité sur l'antisémitisme comme remède à tous les maux et comme véhicule de sa haine ; car on ne peut nier le caractère violemment raciste de ces écrits, même si leur caractère excessif peut amener à ne pas les prendre au premier degré. Si Céline a qualifié lui-même les Beaux Draps de « chronique de l'époque », c'est un fait que, quarante ans après, les pamphlets n'ont d'intérêt que comme création célinienne. Leur succès est révélateur de ce que sera la mentalité dans les années qui vont suivre. Ils demeurent aujourd'hui un document pour l'analyse de l'écrivain et de l'homme Céline ; on y retrouve tous ses procédés de langage, d'écriture, et on peut y sentir la progression vers les romans d'après-guerre. Dès Mort à crédit, on avait reproché à Céline de s'installer dans un certain conformisme de la révolte ; les pamphlets sont venus démentir cette critique. S'ils ont peu renouvelé son style, malgré l'introduction du néologisme, ils composent, avec la technique du Voyage et le phrasé de Mort à crédit, un genre original, où la haine de la société, du monde entier et de son devenir implique évidemment la haine de soi : mais ce nouveau registre contenait en lui-même et son terme et sa propre déréliction.

 

En mars 1944, Guignol's Band, récit de ses périples londoniens pendant la Première Guerre, se heurte à une indifférence presque générale due pour beaucoup aux circonstances, et nombreux sont ceux qui y voient un rétablissement littéraire de pure tactique. Le 17 juin 1944, Céline quitte Paris avec Lucie, sa femme, pour gagner le Danemark, en passant par la débâcle de l'Allemagne nazie et les débris dérisoires de la collaboration à Sigmaringen ; il n'arrivera à Copenhague que le 27 mars 1945 et, le 19 avril, la cour de justice de Paris lance un mandat d'arrêt contre lui sous l'inculpation de trahison. Arrêté par la police danoise le 17 décembre, il restera détenu quatorze mois dont près de la moitié à l'hôpital avec la crainte constante de l'extradition. Le 24 juin 1947, il est libéré sur parole et assigné à résidence. En novembre 1948 paraît le premier chapitre de Casse-pipe dans les Cahiers de la Pléiade (repris en volume l'année suivante) ; en un court récit, Céline retrace l'arrivée au quartier d'un « bleu » brutalement confronté au milieu militaire par une nuit de garde : le langage amplifie odeurs, bruits, atmosphère notés dans le Carnet du cuirassier Destouches, pendant sa période militaire (« Du bétail absolument nous étions »).

Fin 1948, Albert Paraz publie le Gala des vaches qui contient de nombreuses lettres de Céline et s'achève par À l'agité du bocal, violente diatribe contre Sartre qui l'a accusé d'avoir été payé par les Allemands. Le 15 décembre 1949, son procès s’ouvre devant la cour de justice qui, le 21 février 1950, le condamne à une année d’emprisonnement et cinquante mille francs d'amende et le déclare en état d'indignité nationale. Le 20 avril 1951, le tribunal militaire de Paris fait bénéficier Louis Destouches d'une amnistie applicable aux anciens combattants blessés de guerre. Le 1er juillet, Céline et Lucie débarquent à Nice. À l'automne, Céline achète à Meu-don la maison dans laquelle il vivra jusqu'à sa mort. Inscrit à l'Ordre des médecins, il exerce peu, mais écrit beaucoup, ironisant sur le sort du monde et sur lui-même, sans pitié pour ceux qui l'attaquent, sans illusion sur ceux qui prétendent le défendre. Il signe un contrat avec les Éditions Gallimard, qui rééditent ses principaux romans et publient en 1952 Féerie pour une autre fois, chronique baroque de Montmartre écrite en exil. Le roman passe presque inaperçu. En 1954 la seconde partie, Normance, n'aura pas plus de succès. En 1955 paraissent les Entretiens avec le professeur Y, qui se présentent comme une longue interview consentie à la demande de Gaston Gallimard et dans laquelle Céline se répond à lui-même : il y déverse toute sa hargne contre l'establishment littéraire ; réflexion sur son art, sur son langage, ce texte est une réaction contre tous ceux qui l'ont boudé, ne voyant plus en lui que l'épuré de retour d'exil. En juin 1957, c'est la publication de D'un château l'autre, premier volet de la trilogie qui racontera son départ pour l'exil en commençant par son passage à Sigmaringen. En juin 1959, Ballets sans musique, sans personne, sans rien reprend les arguments et scénarios publiés au fil des ans séparément ou à l'intérieur d'autres textes : reflets d'une autre mythologie célinienne (sa fascination pour la danse), ils offrent une image moins convenue et d'autant plus intime de l'auteur. Nord,

« pseudonyme de Céline, prénom de sa grand -m ère .

Donné gagnant une se­ maine avant l'attribution du prix Gon­ court, il n'obtient que le Renaudot du fait du retournement de plusieurs jurés.

L'affaire a un énorme retentissement dans les milieux littéraires.

c· est certainement par sa perfor­ mance stylistique que le premier roman de Céline a attiré l'attention.

La verdeur de son langage, qui n'est une nouveauté à l'époque que parce qu'il est extrême· ment diversifié, un vocabulaire riche de trouvailles mais aussi de nuances inat· tendues ont dés ce moment affinné l'importance de l'écrivain.

L'usage d'une langue populaire qui n'est jamais simple reproduction mais réécriture, parfois savante, conduit à cet antidiscours aca· démique qui a tant surpris.

Un tel travail sur la langue peut être comparé à celui de Joyce pour l'anglais, mais, m�sicale­ ment par lant .

sur un autre regJstre et dans une autre clé : un renouvellement, puis une révolution.

Céline varie et multiplie ses effets par la combinaison de différents « niveaux » de langue qui s'harmonisent et contribuent à l'unité du récit.

Ainsi, de thèmes et de lieux communs (la haine de la guerre, la critique de la société, l' angoisse de l'avenir) il nous fait prendre une conscience différente, avec une inven­ tion constante.

Le moins étonnan t n'est certainement pas le procédé qui consiste à dire l'éclatement et la dislocation à l'aide de personnages reparaissant - marionnettes ou cibles d'un jeu de mas­ sacre.

Dès ce premier rom an, Céline a atteint la maturité nécessaire à une grande œuvre.

Mais son succès.

princi­ palement de scandale, a d'abord fait négliger la qualité romanesque du Voyage au bout de la nuit qui reste aujourd'hui l'une des œuvres majeures du siècle.

En septembre 1933, Céline publie l'Église, ..

comédie en cinq actes "· écrite six ans auparavant et qui, présen­ tée comme ébauche du Voyage, en demeure en fait indépendante bien qu'on y retrouve Bardamu, le héros du Voyage, médecin au service de la Société des Nations.

Le t•• octobre 1933, Céline prononce à Médan son célèbre « Hom- mage à Zola » dont toute la presse se fait l'écho pour en souligner l'esprit volon tai· rement apocalyptique.

En mai 1936 parait Mort cl crédit, son deuxième grand roman qui retrace l'enfance mou vemen · tée d'un certain Ferdinand dont les relations avec l'auteur sont évidentes.

Le livre est souvent mal interprété par la critique de l'époque.

Pourtant, avec Mort cl crédit, Céline poursuit son travail linguistique, remplaçant la phrase par une série de courtes séquences qui se succèdent à un rythme trés rapide et qui, dans la graphie, sont séparées par des points de suspension ou un point d'ex cla­ mation.

Cet accomplissement, véritable· ment prosodique.

va accentuer l'aspect poétique et rythmique d'une écriture, dont il fait lui-même remonter l'origine à la cadence du music-hall anglais (c'est là, dit-il, que« j'ai pris mes trilles », non dans le « babillage » mais dans l'audace des gestes et des corps).

Les romans suivants, en accusant cette évolution vers l'éclatement, notamm ent par l'ono­ matopée, atteindront à une liberté de ton et de forme tout à fait inédite en français.

Comme beaucoup, Céline fait alors son « voyage à Moscou » : il en revient accablé et ajoute le stakhano­ visme aux aliénations du fordisme (Mea culpa, 1936), inaugurant ainsi une série d'écrits politiques : Bagatelles pour un massacre (1937), qui cannait un grand succès de librairie, l'École des cadavres (1938) -tous deux seront volontaire­ ment retirés de la vente en mai 1939 -.

enfin en 1941 les Beaux Draps, dont des exemplaires seront saisis par la police vichyssoise en zone non occupée.

A l'origine des pamphlets se trouvent étroi· tement mêlés un ensemble de facteurs pe rsonn els et professionnels : tout se passe comme si Céline s'ét ait tout à coup précipité sur l'antisémitisme comme remède à tous les maux et comme véhicule de sa haine ; car on ne peut nier le caractère violemment raciste de ces écrits, même si leur caractére excessif peut amener à ne pas les prendre au premier degré.

Si Céline a qualifié lui· même les Beaux Draps de « chronique de l'époque ",c'est un fait que, quarante ans après, les pamphlets n'ont d'intérêt. »

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