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Chanson d'automne de Oscar-Vadislas de Milosz, Le poème des décadences.

Publié le 22/02/2012

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Chanson d'automne Écoutez la vois du vent dans la nuit, La vieille voix du vent, la lugubre voix du vent, Malédiction des morts, berceuse des vivants... Écoutez la voix du vent. Il n'y a plus de feuilles, il n'y a plus de fruits Dans les vergers détruits. Les souvenirs sont moins que rien, les espoirs sont très loin. Écoutez la voix du vent. Toutes vos tristesses, ô ma Dolente(1), sont vaines. L'implacable oubli neige sinistrement Sur les tombes des amis et des amants... Écoutez la voix du vent. Les lambeaux de l'été suivent le vent de la plaine; Tous vos souvenirs, toutes vos peines Se disperseront dans la tempête muette du Temps. Écoutez la voix du vent. Elle est à vous, pour un moment, la sonatine Des jours défunts, des nuits d'antan... Oubliez-la, elle a vécu, elle est bien loin. Écoutez la voix du vent. Nous irons rêver, demain, sur les ruines D'Aujourd'hui ; préparons les paroles chagrines Du regret qui ment quotidiennement. Écoutons la voix du vent. Oscar-Vadislas de Milosz, Le poème des décadences L'évocation de l'automne est un sujet souvent traité par les poètes qu'ils appartiennent au mouvement baroque qui aime traduire le changement et la mouvance du monde ou au Romantisme parce que cette saison se prête à des accents mélancoliques. Telle est en effet la tonalité de cette Chanson d'automne du poète d'origine lithuanienne Milosz. Cet auteur de romans, de pièces de théâtre qui célèbre le verbe, l'amour divin et transcrit des visions mystiques est plus connu pour sa poésie décadente, morbide. Nul en effet plus que lui ne mérite le terme de poète décadent (adjectif qu'il emploie pour le titre d'un de ses recueils) si l'on comprend le mot comme une attirance profonde vers le désespoir, la mort, la vanité de toute entreprise. L'automne est la saison de la mort et le genre de la « chanson » n'atténue en rien le pessimisme de Milosz. L'automne est ici une saison traitée sur le mode symbolique et non réaliste par un auteur dominé par la fuite du temps et le désespoir.

« subsiste.

Le vers 7 montre que l'Homme ne peut se rattacher ni au passé, ni au futur :Les souvenirs sont moins que rien, les espoirs sont très loin.Le souvenir se caractérise par son éphémérité, sa fragilité, il est nécessairement lié à la dispersion, à la disparition : Tous vos souvenirs [...]Se disperseront dans la tempête muette du Temps. L'homme collabore lui-même à cette situation car il ne doit s'attacher à rien comme le montre l'impératif du vers 19 :« Oubliez-la » en parlant de la sonatine.

Deux réseaux d'images traduisent l'oubli : la distance et la mort.

Ladistance, un éloignement spatial, est liée à l'image récurrente du vent qui emporte tout sur son passage.

On latrouve dans les vers suivants : Les lambeaux de l'été suivent le vent de la plaine Tous vos souvenirs, toutes vos peinesSe disperseront dans la tempête muette du Temps etElle est bien loin.

(v.

19) La mort constitue le deuxième réseau d'images aux vers 14 et 19« elle a vécu » : avec l'évocation directe de la tombe et la périphrase classiqueL'implacable oubli neige sinistrement Sur les tombes des amis et des amantsetOubliez-1a, elle a vécu, elle est bien loin. L'automne de Milosz est donc sans couleurs, sans beauté, sans paysage.

C'est une pure saison mentale, sous lesigne de la fuite du temps et de l'oubli.

La tonalité est une profonde tristesse exprimée directement qui se fortifie de l'obsession de lamort et de l'impuissance humaine.Le désespoir est non seulement rendu par des images, mais par un riche réseau de mots ayant tous la tristessecomme sème commun.

On relève ainsi au fil du poème les termes « lugubre » (« la lugubre voix du vent », v.

2), «tristesse » (« toutes vos tristesses », v.

9), « Dolente » (« ô ma Dolente » qui peut désigner une femme ouéventuellement l'âme du poète, au même vers), « sinistrement » (mis en valeur par sa longueur et sa place à la findu vers 10), « peines » (amplifié par « toutes » : « toutes vos peines » au vers 14) et enfin « chagrines » (quisemble qualifier nécessairement les paroles : « les paroles chagrines » du vers 22).

Une telle énumération se passepresque de commentaire.

Le nombre de termes de sens proche, leur place dans le poème, leur valeur montrent quela poésie décadente jouit avec morbidité de la tristesse, l'exalte, la distille.

L'esprit se berce de cette nostalgiecomme le montre le genre choisi, la chanson, avec son refrain « Ecoutez la voix du vent ».La première cause de la tristesse est l'obsession de la mort.

Le contexte en est une première justification, puisquel'automne est souvent interprété comme la mort de l'été et le prélude à l'hiver, saison de mort également par lefroid, les couleurs et le repos de la nature avant l'efflorescence printanière.

Stylistiquement, Milosz transcrit la mortde deux manières par des allusions directes et par des métaphores.

L'idée de mort est présente aux vers 3, 11 et 18: Elle est à vous, pour un moment, la sonatineDes jours défunts, des nuits d'antan.

(v.

18) Les métaphores recourent toutes à l'idée de destruction, qui rend la mort plus tragique encore.

On trouve ainsi lestermes « détruits » (« Dans les vergers détruits », v.

6), « lambeaux » (« les lambeaux de l'été suivent le vent de laplaine », v.

13) et « ruines » (« Nous irons rêver, demain, sur les ruines/D'Aujour-d'hui », v.

21 et 22).La mort exprimée directement ou utilisée comme métaphore parcourt donc l'ensemble du poème puisque le poètel'évoque pour transcrire le cycle des saisons, de l'existence humaine et l'oubli.

Comme le vent qu'elle complète, ellereprésente une puissance à laquelle ne peut s'opposer l'Homme, caractérisé par sa faiblesse.Le vent est le seul élément vivant du texte.

Refrain de la chanson, c'est l'élément moteur du texte puisqu'il se prêteaux différents thèmes du poème : l'oubli, le souvenir, la mort...

La voix du vent, expression répétée au long dutexte, mise en valeur par l'allitération, s'impose à l'Homme comme le souligne l'impératif « Ecoutez ».

Celui-cid'ailleurs se transforme à la fin du texte en « écoutons », preuve que personne n'échappe à l'emprise du vent.

Rienn'autorise l'Homme à s'opposer à ces forces, ni les souvenirs, ni l'amour, ni l'amitié, ni l'espoir, ni le futur.

Miloszn'évoque ces possibilités que pour les nier.

Les amis, les amants et la sonatine des nuits d'antan figurent parmi lessouvenirs heureux.

Mais ceux-ci ne peuvent arrêter le temps comme le souligne la restriction du vers 17 : « Elle està vous, pour un moment, la sonatine ».

L'espoir qui permet également à l'Homme de vaincre le temps, puisqu'il luttecontre la fuite du temps par un projet dans le futur est illusoire : « les espoirs sont très loin » (v.

7).

Le futurd'ailleurs se réduit à une répétition implacable et stérile sur laquelle se clôt le poème.

Tout est voué à la mort, aumensonge comme le souligne l'emploi du futur, de l'adverbe « quotidiennement » et des termes négatifs comme «ruines » et « mentir » Nous irons rêver, demain, sur les ruinesD'Aujourd'hui ; préparons les paroles chagrines. »

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