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Chanson et littérature

Publié le 20/11/2018

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CHANSON. Avant d’évoquer les relations évidentes entre chanson et littérature, il convient peut-être de préciser le sens de ce mot banal, issu du latin cantionem (accusatif de cantio, onis), lui-même dérivé de cantus, « chant », et attesté en français dès le xie siècle, avant le mot chant lui-même.

Comme il arrive souvent lorsqu’on veut définir une notion, le domaine de son fonctionnement commande les critères capables de délimiter cette notion. Sur le plan interne de l’organisation signifiante, la chanson réunit indissolublement, par la voix humaine, la musique (mélodie pure ou harmonisée, voix unique ou polyphonie) et un matériel langagier, toujours rythmé, souvent versifié, apparenté à la poésie. Mais, dans nos cultures, toute poésie n’est pas destinée à être chantée, ni même dite. En outre, toute poésie chantée, ou écrite pour être chantée, n’est pas une chanson. De même, toute musique vocale composée sur des « paroles » préexistantes (un lied, une mélodie) ou élaborée pour l’occasion (un « air » écrit par un librettiste d’opéra) ne peut être confondue avec une chanson. Nul ne s’y trompe, car, à l’époque moderne, la chanson se définit surtout par un fonctionnement social typique, par une existence sociale de nature « populaire » (adjectif critiquable, mais à peu près compris), par une circulation dont la nature technique et économique s’est totalement modifiée. Dans cette existence, dans cette circulation, intervient, outre les éléments préexistants que sont la musique et le discours (l’air et les paroles), une interprétation humaine : le chanteur, la chanteuse ont pris le pas sur le créateur, le « poète »; de nos jours, ils sont relayés par une diffusion massive, industrielle.

 

Pour peu que l’on fasse intervenir ces éléments essentiels, la chanson, envisagée dans son histoire, ne saurait, on s’en doute, recevoir une seule définition. D’abord, le genre ne peut occuper la même place dans une littérature à dominante orale — c’est le cas de la France médiévale — et dans une littérature investie par l’écriture, puis par la reproduction imprimée. La chanson ne saurait occuper la même situation dans une civilisation sans technique d’enregistrement et de diffusion des sons et dans une culture qui connaît ces techniques. Elle ne saurait se situer de la même façon dans une institution littéraire polycentrique, de type médiéval, ou même dans toute société préindustrielle, et dans une organisation culturelle centralisée, hiérarchisée. Elle ne saurait enfin recevoir la même signification dans une culture européenne moderne, dans une culture nord-américaine — le statut original de la chanson québécoise le montre assez [voir Québec] — et, bien évidemment, dans une culture caraïbe ou africaine, où la notion même de « chanson » constitue un emprunt forcé, face aux traditions musico-poétiques.

 

Du Moyen Âge aux Temps modernes

 

La chanson médiévale est un genre à la fois musical et littéraire, ces deux éléments étant indissolubles dans la conception originelle de la « poésie ». Ce genre n’est pas forcément populaire ni spontané : il peut être savant et même ésotérique (le trobar clus), il est pratiqué par des « trouveurs », troubadours en terre occitane (voir Troubadours), trouvères en domaine d’oïl. Cette chanson-là se confond avec la poésie lyrique. Ses grands noms, notamment aux xive et xve siècles, se confondent avec ceux de l’histoire de la musique et de la poésie, en partie à cause de notre ignorance quant aux personnalités concrètes des interprètes — que ceux-ci soient ou non des auteurs. Déjà, à côté de la poésie lyrique noble, plus ou moins assimilable au courant courtois, des textes et des musiques anonymes, échappant à la rhétorique plus stricte des genres, circulent dans la mémoire collective, par la seule vertu des sons rythmés. Outre le matériel obligé de la convivialité (chansons à boire et à manger, chansons pour les fêtes, articulées sur les traditions religieuses, etc.) [voir Vaudeville] et de la stimulation au travail (le xve siècle a ses work songs rurales, telles les « chansons à grand vent » des toucheurs de bœufs) se développe une poésie vocale commodément baptisée « populaire », plus tard redécouverte en tant que « folklore ». Il est fâcheux que l’on ne dispose que d’un seul terme, chanson, pour subsumer ce matériel populaire — lié au corps, au dynamisme corporel par la danse

 

et le genre savant qu’attestent, au xvie siècle, les Chansons nouvelles mises en musique... de Pierre Attaingnant (1528), les œuvres de Janequin, de Sermisy et, du côté des poètes, celles de Marot ou des auteurs de poésie mesurée autour de Baïf et du musicien Thibault de Courville. Ces « chansons » sont bien proches, socialement, de l’air de cour, aristocratique ou bourgeois, qui a été illustré par les meilleurs poètes et musiciens (Le Roy, Mauduit...).

 

Quant à la chanson « populaire », elle se développe dans plusieurs directions. Au xvne siècle, ce sont les chansons satiriques et sociales, sinon politiques, avec plus de 6 000 mazarinades recensées [voir Mazari-nades], puis avec les ponts-neufs (chantées sur ce pont, elles attestent déjà la primauté parisienne) qui, avec des paroles nouvelles, reprennent un air connu (un « timbre »). Mais il y a aussi d’innombrables complaintes, couplets de vaudeville, chansons à boire et à danser, que réunissent, heureusement pour la postérité, des publications comme la Clé des chansonniers (1717). La chanson est alors un phénomène social, lié aux thématiques populaires, à la fête, à la protestation, à la foire, plutôt qu’aux formes nobles de spectacle, de musique et de littérature.

 

Pourtant, à côté du courant majeur, largement souterrain pour nous, de l’expression chantée, traditionnelle et rurale ou urbaine et liée à l’actualité, une tendance à l’institutionnalisation de la chanson se fait jour au xvme siècle, notamment par le Caveau (une enseigne de la rue de Buci, à Paris), animé par Piron, Collé et Crébil-lon (1734-1742, puis après 1762). Ses créateurs, avec Moncrif, Favart et d’autres, alimentent le répertoire. Par ailleurs, Vadé et les auteurs de style poissard mettent la chanson en prise sur une langue populaire en évolution. [Voir Collé; Poissard].

 

Autre tendance, la bergerie et la romance, qui, à partir de Florian (auteur de l’increvable Plaisir d'amour — 1760 —, musiqué par Martini), apportent une note de simplicité un peu niaise, qui culmine symboliquement au Petit Trianon avec l'Hospitalité de Fabre d’Eglantine : « Il pleut, il pleut, bergère... » En effet, il allait pleuvoir

 

du sang. [Voir Fabre d’églantine, Florian].

 

La chanson révolutionnaire mériterait à elle seule une étude historique et sociale. Elle se caractérise notamment par les métamorphoses qui donnent à des airs innocents ou neutres, grâce à des paroles de force, un effet politique nouveau. L’histoire de la Marseillaise, celle du Ça ira (sur l’air du Carillon national de Bécourt) en témoignent exemplairement.

 

L'institution chansonnière au XIXe siècle

 

Après la Révolution, les Dîners du Vaudeville (1796-1801), puis le Caveau moderne (1805-1815) s’adaptent aux circonstances politiques nouvelles. C’est à cette époque qu’Armand Goffé anticipe sur l’humour noir, qu’An-toine Désaugiers (1772-1827) chansonne Paris, que Béranger fait ses débuts. La romance jouit d’une vogue durable : Hortense de Beauharnais et le musicien Drouet publient un recueil où figure la célèbre romance de Dunois, Partant pour la Syrie; en 1845, on aura imprimé 250 000 exemplaires de romances à la mode. Les écrivains notoires s’en mêlent : c’est Chateaubriand, qui utilise le folklore auvergnat pour la Romance à Hélène; c’est Marceline Dcsbordes-Valmore, qui fournit les textes de nombreuses chansons. Pourtant, même mise en musique par Niedermayer (/e Lac de Lamartine, 1825), la poésie des romantiques français ne suscite aucun genre

 

qui soit comparable au Lied allemand. Au contraire, l’intérêt des compositeurs pour la poésie et des écrivains pour la chanson (Hugo, Chansons des rues et des bois, 1859-1865) n’aboutit, côté musique, qu’à des mélodies sans vie populaire, côté poésie, qu’à des virtualités sans effet extra-littéraire.

 

En ce début du xixe siècle, les bouleversements politiques de la France incitent les auteurs aux palinodies. Piis chante de la même voix émue Napoléon, puis les Bourbons. Mais Ange Pitou reste fidèle à ses idéaux monarchiques. Après la révolution de 1830, la chanson « littéraire » est dominée par Béranger [voir Béranger], dont l’extraordinaire notoriété ne nous étonne que parce que nous isolons ses poèmes — souvent faibles — d’un contexte vivant, d’une sensibilité habilement et justement accordée à l’opinion populaire : celui qui avait critiqué les excès d’autoritarisme napoléonien (le Roi d'Yvetot, 1813) devint, après 1815, le chantre de la nostalgie pour tout un peuple.

 

C’est l’époque des grandes sociétés de chanson, souvent politiques et patriotiques, parfois simplement conviviales. Les « goguettes » sont animées par Paul-Emile Debraux (né en 1796; il compose en 1818 la Colonne, qui, lorsqu’on la contemple, rend si « fier d’être français »), par Charles Lepage, fondateur de la Lice chansonnière en 1831, par Charles Gilles, créateur de la Ménagerie en 1841, par Louis Fcsteau ou par Paul Ave-nel, qui critique le régime du second Empire. Les « chansonniers » évoluent avec les thèmes sociaux et politiques de l’actualité. C’est dans ce milieu qu’Eugène Pottier écrivit les paroles de l'internationale (1871), que Pierre Dupont, après avoir célébré la république, se fit l’aède de la vie pastorale (les Bœufs : « J’ai deux grands bœufs dans mon étable...», vers 1845), mais aussi celui des campagnes de Napoléon III (qui l’avait gracié), sans pour autant renier ses convictions (le Chant des ouvriers, 1848) [voir Dupont Pierre]. Tous les courants du socialisme utopique sont représentés : par le babouviste Charles Gilles (1820-1856), par Gustave Leroy (1818-1860), par le saint-simonien Vinçard (1796-1877), le fouriériste Louis Festeau (1793-1869)... Le second Empire vit aussi les succès de Gustave Nadaud (1820-1893), à la fois chansonnier officiel et critique anodin de l’ordre (les Deux Gendarmes : « Brigadier, répondit Pandore... »). Parolier et mélodiste habile, aimé des salons et du public populaire, Nadaud sut tirer Pottier de l’oubli où il était tombé : c’est à lui qu’on doit — paradoxe — le succès mondial de l'internationale [voir Nadaud Gustave].

 

A cette époque, les chansonniers utilisaient souvent des airs existants : le succès de leurs textes, comme celui des chansons très écrites de Béranger, marque la prépondérance du contenu idéologique sur la forme poétique, et de la synthèse de ces éléments sur la mélodie, qui joue surtout un rôle mnémonique. L’édition des chansons connaît d’ailleurs un développement remarquable. L’éditeur Capelle donne, depuis 1811, de nombreuses éditions de son recueil : les Clés du Caveau, à l'usage des chansonniers français et étrangers, des amateurs, auteurs, chefs d'orchestre et tous les amis du vaudeville et de la chanson. La quatrième édition (1847) contient 2 350 airs notés de rondes, rondeaux, cavatines, barca-rolles, ballades, complaintes, romances, contredanses, valses, allemandes, anglaises, tyroliennes, hongroises, polkas, boléros, sauteuses, galops, canons, nocturnes, airs de chasse, carillons, chants guerriers et nationaux (on voit par cette liste l’importance énorme de la danse).

 

A la même époque, le romantisme littéraire favorise la découverte du trésor régional des chansons traditionnelles, d’une tout autre nature sociale. Sensible à la mémoire poétique des terroirs, à l’art véritablement unifié d’une musique et d’un texte souvent anonymes, Nerval ne nous transmet pourtant que des paroles, alors que George Sand, aidée par Pauline Viardot, enregistre aussi les mélodies.

 

Après 1850, les recueils de chants, chansons et danses populaires des régions de France, de Belgique wallonne et de Suisse romande se multiplient. Ce travail renouvelle la connaissance d’un grand moyen d'expression culturelle, au moment où les conditions d’existence d’une oralité poétique se dégradent. La chanson traditionnelle en français, de 1830 à nos jours, est une moribonde courtisée. Pourtant, des enrichissements vivants peuvent encore se faire jour, tel le P’tit Quinquin, composé au milieu du xixe siècle par Desrousseaux, ou telle chanson champêtre du XXe siècle. En outre et surtout, la chanson traditionnelle peut jouer un rôle actif dans les prises de conscience culturelles, notamment dans les dialectes français (de France ou d’ailleurs : le wallon), en franco-provençal (France et Suisse), en occitan ou dans d’autres langues minoritaires (catalan, basque, breton...).

 

L’histoire très complexe de la chanson traditionnelle, conservatoire de la poésie orale spontanée, montre que thèmes lyriques ou narratifs, airs et paroles, transmis sans l'aide de l’écriture ou au contraire notés, rétroagis-sent les uns sur les autres. Des « vaudevilles » aux chansons folkloriques, les influences réciproques sont constantes.

« ---------------- ----·------- - ·---- -- développe une poésie vocale commodément baptisée «populaire», plus tard redécouverte en tant que « folklore ».

Il est fâcheux que l'on ne dispose que d'un seul terme, chanson, pour subsumer ce matériel popu­ laire -lié au corps, au dynamisme corporel par la danse - et le genre savant qu'attestent, au xv1• siècle, les Chansons nouvelles mises en musique...

de Pierre Attaingnant (1528), les œuvres de Janequin, de Sermisy et, du côté des poètes, celles de Marot ou des auteurs de poésie mesurée autour de Baïf et du musicien Thibault de Courville.

Ces « chansons » sont bien proches, socia­ lement, de l'air de cour, aristocratique ou bourgeois, qui a été illustré par les meilleurs poètes et musiciens (Le Roy, Mauduit...).

Quant à la chanson « populaire», elle se développe dans plusieurs directions.

Au xvu• siècle, ce sont les chansons satiriques et sociales, sinon politiques, avec plus de 6 000 mazarinades recensées [voir MAZARI· NADES], puis avec les ponts-neufs (chantées sur ce pont, elles attestent déjà la primauté parisienne) qui, avec des paroles nouvelles, reprennent un air connu (un « tim­ bre»).

Mais il y a aussi d'innombrables complaintes, couplets de vaudeville, chansons à boire et à danser, que réunissent, heureusement pour la postérité, des publica­ tions comme la Clé des chansonniers ( 1717).

La chanson est alors un phénomène social, lié aux thématiques popu­ laires, à la fête, à la protestation, à la foire, plutôt qu'aux formes nobles de spectacle, de musique et de littérature.

Pourtant, à côté du courant majeur, largement souter­ rain pour nous, de l'expression chantée, traditionnelle et rurale ou urbaine et liée à l'actualité, une tendance à l'institutionnalisation de la chanson se fait jour au xvm• siècle, notamment par le Caveau (une enseigne de la rue de Buci, à Paris), animé par Piron, Collé et Crébil­ lon (1734-1742, puis après 1762).

Ses créateurs, avec Moncrif, Favart et d'autres, alimentent le répertoire.

Par ailleurs, Vadé et les auteurs de style poissard mettent la chanson en prise sur une langue populaire en évolution.

[Voir COLLÉ; POISSARD].

Autre tendance, la bergerie et la romance, qui, à partir de Florian (auteur de l'increvable Plaisir d'amour - 1760 -, musiqué par Martini), apportent une note de simplicité un peu niaise, qui culmine symboliquement au Petit Trianon avec l'Hospitalité de Fabre d'Eglantine : «Il pleut, il pleut, bergère ...

» En effet, il allait pleuvoir -d u sang.

(Voir FABRE D'ÉGLANTINE, FLORIAN].

La chanson révolutionnaire mériterait à elle seule une étude historique et sociale.

Elle se caractérise notamment par les métamorphoses qui donnent à des airs innocents ou neutres, grâce à des paroles de force, un effet politi­ que nouveau.

L'histoire de la Marseillaise, celle du Ça ira (sur l'air du Carillon national de Bécourt) en témoi­ gnent exemplairement.

L'institution chansonnière au x1xe siècle Après la Révolution, les Dîners du Vaudeville (1796- 1801), puis le Caveau moderne (1805-1815) s'adaptent aux circonstances politiques nouvelles.

C'est à cette épo­ que qu'Armand Goffé anticipe sur l'humour noir, qu'An­ toine Désaugiers (1772-1827) chansonne Paris, que Bér­ anger fait ses débuts.

La romance jouit d'une vogue durable : Hortense de Beauharnais et le musicien Drouet publient un recueil où figure la célèbre romance de Dunois, Partant pour la Syrie; en 1845, on aura imprimé 250 000 exemplaires de romances à la mode.

Les écri­ vains notoires s'en mêlent : c'est Chateaubriand, qui utilise le folklore auvergnat pour la Romance à Hélène; c'est Marceline Desbordes-Valmore, qui fournit les tex­ tes de nombreuses chansons.

Pourtant, même mise en musique par Niedermayer (le Lac de Lamartine, 1825), la poésie des romantiques français ne suscite aucun genre qui soit comparable au Lied allemand.

Au contraire, l'in­ térêt des compositeurs pour la poésie et des écrivains pour la chanson (Hugo, Chansons des rues et des bois, 1859-1865) n'aboutit, côté musique, qu'à des mélodies sans vie populaire, côté poésie, qu'à des virtualités sans effet extra-littéraire.

En ce début du XIXe siècle, les bouleversements politi­ ques de la France incitent les auteurs aux palinodies.

Piis chante de la même voix émue Napoléon, puis les Bourbons.

Mais Ange Pitou reste fidèle à ses idéaux monarchiques.

Après la révolution de 1830, la chanson « littéraire » est dominée par Béranger [voir BÉRANGER], dont l'extraordinaire notoriété ne nous étonne que parce que nous isolons ses poèmes -souvent faibles-d'un contexte vivant, d'une sensibilité habilement et juste­ ment accordée à l'opinion populaire : celui qui avait critiqué les excès d'autoritarisme napoléonien (le Roi d'Yvetot, 1813) devint, après 1815, le chantre de la nos­ talgie pour tout un peuple.

C'est l'époque des grandes sociétés de chanson, sou­ vent politiques et patriotiques, parfois simplement c9nvi­ viales.

Les «goguettes» sont animées par Paul-Emile Debraux (né en 1796; il compose en 1818 la Colonne, qui, lorsqu'on la contemple, rend si «fier d'être fran­ çais » ), par Charles Lepage, fondateur de la Lice chan­ sonnière en 1831, par Charles Gilles, créateur de la Ménagerie en 1841, par Louis Festeau ou par Paul Ave­ ne!, qui critique le régime du second Empire.

Les « chan­ sonniers » évoluent avec les thèmes sociaux et politiques de l'actualité.

C'est dans ce milieu qu'Eugène Pottier écrivit les paroles de l'Internationale (1871), que Pierre Dupont, après avoir célébré la république, se fit l'aède de la vie pastorale (les Bœufs : « J'ai deux grands bœufs dans mon étable ...

», vers 1845), mais aussi celui des campagnes de Napoléon III (qui l'avait gracié), sans pour autant renier ses convictions (le Chant des ouvriers, 1848) [voir DuPONT Pierre].

Tous les courants du socia­ lisme utopique sont représentés : par le babouviste Char­ les Gilles (1820-1856), par Gustave Leroy (1818-1860), par le saint-simonien Vinçard (1796-1877), le fouriériste Louis Festeau (1793-1869) ...

Le second Empire vit aussi les succès de Gustave Nadaud (1820-1893), à la fois chansonnier officiel et critique anodin de l'ordre (les Deux Gendarmes : « Brigadier, répondit Pandore ...

» ).

Parolier et mélodiste habile, aimé des salons et du public populaire, Nadaud sut tirer Pottier de l'oubli où il était tombé : c'est à lui qu'on doit- paradoxe -le succès mondial de l'Internationale [voir NADAUD Gustave].

A cette époque, les chansonniers utilisaient souvent des airs existants : le succès de leurs textes, comme celui des chansons très écrites de Béranger, marque la prépondérance du contenu idéologique sur la forme poé­ tique, et de la synthèse de ces éléments sur la mélodie, qui joue surtout un rôle mnémonique.

L'édition des chansons connaît d'ailleurs un développement remarqua­ ble.

L'éditeur Capelle donne, depuis 1811, de nombreu­ ses éditions de son recueil :les Clés du Caveau, à l'usage des chansonniers français et étrangers, des amateurs, auteurs, chefs d'orchestre et tous les amis du vaudeville et de la chanson.

La quatrième édition (1847) contient 2 350 airs notés de rondes, rondeaux, cavatines, barca­ rolles, ballades, complaintes, romances, contredanses, valses, allemandes, anglaises, tyroliennes, hongroises, polkas, boléros, sauteuses, galops, canons, nocturnes, airs de chasse, carillons, chants guerriers et nationaux (on voit par cette liste l'importance énorme de la danse).

A la même époque, le romantisme littéraire favorise la découverte du trésor régional des chansons tradition­ nelles, d'une tout autre nature sociale.

Sensible à la mémoire poétique des terroirs, à l'art véritablement uni­ fié d'une musique et d'un texte souvent anonymes, Ner­ val ne nous transmet pourtant que des paroles, alors que. »

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