CHAPITRE VI - Une Vie de Maupassant

7.  Les descriptions successives de l'aristocratie et du peuple contribuent à enraciner le cercle familial dans une réalité historique et sociale. Mais le point de vue demeure très schématique. La description de la noblesse est dépourvue de toute nuance. La classe sociale incarnée par les Briseville est clairement assimilée à un ensemble de morts en sur­sis : le froid de leur demeure est d'ailleurs annonciateur de cette mort (même s'il peut aussi se décoder plus trivialement en termes d'avarice ou de pauvreté). La vision du peuple ne s'écarte guère des constantes déjà mises en place au cours des chapitres antérieurs. Le peuple est prétexte à des tableaux mettant en valeur une misère et une crasse pittoresques. Aucune compassion n'atteint Jeanne, aucun sentiment n'émeut le baron (en cela, il est profondément aristocrate D. Le père de Jeanne se contente, face à la mer, de démarquer les interrogations hugoliennes (« Ô combien de marins, combien de capitaines [...] «). Quant à Julien, il réunit sur sa personne les caractéristiques des deux classes. Il porte un nom d'aristo­crate, mais il ne cherche pas à dissimuler les tâches de son costume, il boit, ne se rase pas : sa veulerie, sa goujaterie constituent d'autres symp­tômes d'une décadence que le récit met en valeur avec un didactisme qui ne se dément jamais.

Une noblesse en fin de règne, profondément aveugle aux tragédies quotidiennes (dans les dernières lignes du chapitre, Jeanne ne remarque les lueurs aux fenêtres que dans la mesure où elle y voit le miroir de ses propres interrogations) ; un peuple voué à la répétition de travaux dangereux et mal considérés : le point de vue de Maupassant sur l'évo­lution des sociétés humaines se dégage facilement sur la base de telles observations.