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CHARRIÈRE Mme de : sa vie et son oeuvre

Publié le 19/11/2018

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En 1785, elle publia les Lettres écrites de Lausanne, suivies de Caliste. L’année suivante, lors d’un voyage à Paris, elle fit la connaissance de Benjamin Constant, qui par la suite vint souvent à Colombier, où Mme de Char-rière avait réuni autour d’elle un petit cercle d’amis férus de culture et de littérature. C’est également à Paris, dans le salon de Mme Necker, que Mme de Charrière rencontra Chamfort, Raynal, Suard, Thomas et Mme de Staël avec qui elle entretint des relations amicales qui continuèrent lorsque M. Necker revint en Suisse en 1792. Mais, en fait, la sympathie de Mme de Charrière pour Mme de Staël était toute relative et même se transforma en aversion lorsque Benjamin Constant eut déserté Colombier pour Coppet.

CHARRIÈRE Mme de, née Isabelle Agnès Elizabeth Van Tuyll Van Serooskerken Van Zuylen (1740-1805). Ecrivain suisse d’origine néerlandaise et d’expression française. D’une famille d’ancienne noblesse, Isabelle Van Zuylen naquit au château de Zuylen, près d’Utrecht. Une éducation soignée lui fit acquérir précocement l’usage du français. Eprise de culture française et de savoir, elle découvrit et apprit à aimer les classiques français, sans toutefois négliger les œuvres littéraires contemporaines. Elle lisait également les auteurs latins dans l’original et montra de la prédilection pour les mathématiques.

 

A vingt-trois ans elle publia un conte anonyme, le Noble, vive satire de la haute société de son pays, ce qui lui valut de passer, dans les salons d’Utrecht et de La Haye, pour un esprit dangereusement indépendant et moderne.

 

En 1771, Isabelle épouse Charles Emmanuel de Char-rière de Penthaz, gentilhomme vaudois sans fortune, dont la noblesse de caractère et la culture l’avaient séduite. Après un séjour à Paris, pendant lequel elle fit faire son buste par Houdon et revit Quentin de La Tour, qui, naguère, avait fait son portrait à Utrecht (1766), elle s’établit avec M. de Charrière à Colombier, près de Neuchâtel, dans l’ancienne demeure de Béat de Murait, le Pontet. Pour se distraire, elle y écrivit les Lettres neuchâteloises (1784), «petit chef-d’œuvre de pathétique, discret et souriant » (Ph. Godet).

« par la suite vint souvent à Colombier, où Mm• de Char­ rière avait réuni autour d'elle un petit cercle d'amis férus de culture et de littérature.

C'est également à Paris, dans le salon de Mme Necker, que Mme de Charrière rencontra Chamfort, Raynal, Suard, Thomas et Mme de Staël avec qui elle entretint des relations amicales qui continuèrent lorsque M.

Necker revint en Suisse en 1792.

Mais, en fait, la sympathie de Mme de Charrière pour Mme de Staël était toute relative et même se transforma en aversion lorsque Benjamin Constant eut déserté Colombier pour Coppet.

Ses sympathies républicaines la rattachant alors au parti libéral et modéré, Mme de Charrière recueillit de nombreux émigrants pendant la Révolution.

C'est à cette époque qu'elle rédige un ingénieux pamphlet traitant les questions d'actualité avec une indépendance de pensée exceptionnelle : il s'agit des six Lettres d'un évêque français à la nation (1789).

Les idées révolutionnaires gagnant peu à peu le pays neuchâtelois, le gouvernement, craignant des événements tragiques, sollicita l'appui pamphlétaire de Mme de Charrière, qui répondit par les Lettres trouvées dans la neige (1793), s'y moquant genti­ ment de ce peuple indépendant qui croyait découvrir la liberté.

Séparée petit à petit de ses amis par la mort, vieillie, malade, Mme de Charrière mena une vie retirée à Colom­ bier, continuant pourtant de se consacrer à ses occupa­ tions favorites : à son œuvre littéraire, à une correspon­ dance importante, à des compositions musicales, et faisant, de mille manières, le bien autour d'elle.

Le 27 décembre 1805, elle s'éteignit dans sa maison du Pontet.

Douée d'un esprit net et hardi, éclairé et sensible, possédant une optique originale des sujets les plus divers et actuels en son temps, Mm• de Charrière a créé une œuvre qui ret1ète intimement l'époque de crise et de révolution qui fut la sienne.

Ce sont avant tout ses nou­ velles et ses romans qui firent sa réputation littéraire.

Les réflexions et les prises de position de l'auteur concernant la pensée et les problèmes de son époque passionnèrent ses contemporains.

Mme de Staël s'excla­ mera: « ...

Mon Dieu, que je voudrais n'avoir pas lu Caliste dix fois! J'aurais devant moi une heure sûre de suspension de toutes mes peines ...

» (lettre à Mme de Charrière, du 31 décembre 1793).

D'une culture très étendue, Mme de Charrière s'est intéressée à tous les grands courants intellectuels de son époque.

Ainsi, pour ce qui est de l'éducation (Lettres écrites de Uu1sanne), certains principes sont inspirés de Rousseau, et la pensée de Kant n'est pas étrangère au problème du devoir dans la nouvelle les Trois Femmes (1797).

Observateur perspicace, subtil et nuancé, Mme de Charrière a su relever si finement les traits saillants de la vie locale du milieu qui a été le sien et celui de son époque en Suisse, que la publication de ses romans causa quelque scandale auprès de lecteurs qui crurent se recon­ naître.

Son œuvre, dont l'écriture reste d'inspiration classique, n'était donc pas dépourvue d'un certain réalisme.

Sa vive et franche correspondance avec Constant d'Hermenches révèle une femme chaleureuse, éprise de sincérité et d'indépendance.

L'ensemble de sa corres­ pondance, contenant des lettres à de nombreuses person­ nalités comme James Boswell, Benjamin Constant, Ger­ maine de Staël, Quentin de La Tour, constitue un document du plus haut intérêt et révèle son exceptionnel talent d'épistolière.

Son théâtre est beaucoup moins connu.

Ses vingt-six comédies, opéras et tragédies lyriques, écrits en l'espace d'une trentaine d'années, sont en partie restés à l'état de fragments ou de brouillons; deux d'entre eux, Justine (1764) et Polyphème (1790), n'ont pas encore été retrou­ vés.

Il n'y eut d'imprimées que la tragédie lyrique les Phénicif!nnes (1788) et une comédie, d'actualité à l'épo­ que, l'Emigré (179 3).

Cette dernière fut représentée en 1906 à Neuchâtel.

L'accès malaisé de cette œuvre théâ­ trale 1' a fait passer sous silence -ou presque -par de nombreux critiques; pourtant le théâtre a une importance indéniable dans l'univers littéraire et intellectuel de Mm e de Charrière, ce qu'atteste sa correspondance.

Elle voua une admiration toute particulière à Moljère.

Les pièces de Mme de Charrière, où dominent la réflexion morale et les idées abstraites, sont écrites dans une langue claire, incisive et se font l'écho des grands thèmes de son œuvre : l'éducation, la pauvreté, l'argent, la pluralité des opinions, la culture, la vie sociale, les difficultés de l'amour, de la vie conjugale, de la compréhension d'au­ trui et de soi.

[Voir aussi SuiSSE.

Littérature d'expression française].

BIBLIOGRAPHIE Œuvres complètes, Amsterdam, Van Dorschot et Genève, Slatkine, 1979-1984, 10 vol.

(t.

1-VI, Correspondance; t.

VII, Théâtre; t.

V Ill-IX, Romans; t.

X, Essais et Index).

A consulter.

-Sainte-Beuve, «Madame de Charrière >>, Por­ traits de femmes, Garnier, 1869, p.

411-457; M'"' de Charrière et ses amis, d'après de nombreux documents inédits (1740-1805), Genève, A.

Jullien, 1906, 2 vol.; Jean Starobinski, «les Lettres écrites de Lausanne de Mme de Charrière.

Inhibition psychique et interdit social >>, Roman et Lumières au xvut' siècle, Paris, Ed.

sociales, 1970; R.

Winkler, Madame de Charrière.

Essai d'un itinéraire spirituel, Lausanne, l'Age d'Homme, 1971; Alix Deguise, Trois Femmes.

Le monde de Madame de Charrière, Genève, Slatkine, 1981; Isabelle Vis si ère, Isabelle de Charrière.

Une aristocrate révolutionnaire, Paris, Éd.

Des Femmes, 1988.

De nombreux articles ont été consacrés ces dernières années à Mm< de Charrière et à son œuvre.

En 1974 fut organisé un colloque international au château de Zuylen, et l'> publie un bulletin annuel, Lettre de Zuylen.. »

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