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CINNA DE CORNEILLE : LA SOUMISSION A L'ACTUALITÉ POLITIQUE

Publié le 07/04/2011

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corneille

 

L'époque est extrêmement troublée. La vieille société féodale est en complète transformation. La bourgeoisie fait tous ses efforts pour « décrasser sa roture « en achetant — comme chez les Corneille — des charges, des offices. La noblesse de robe et de finance, le plus souvent gallicane est loyaliste envers la nouvelle dynastie des Bourbons. A l'étendard royal se rallie peu à peu la noblesse d'épée qu'exaltent les victoires. Mais une partie de cette haute noblesse, ardente, fougueuse, pénétrée d'un orgueil de caste, répugne à tout asservissement. Levée contre la nouvelle monarchie, elle est — vainement — à la recherche d'un Cromwell. Elle est d'une telle turbulence que le cardinal de Richelieu a les plus grandes peines à la mater. Son goût du risque et des aventures, où le romanesque ne laisse pas d'avoir sa part, l'incite à conspirer et à jouer sa vie. Et c'est une succession de cabales, de duels, d'assassinats où le jeu, quelque chose de frivole, de juvénile, d'impulsif, de « sportif «, côtoie le drame ténébreux.

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« attaquèrent des collecteurs d'impôts, les agents du fisc, brûlèrent des maisons et des bureaux de perception,volèrent, tuèrent.

Il semble qu'à Rouen, le Parlement et la Cour des Aides, représentant l'esprit d'indépendance desbourgeois, aient manifesté un certain mauvais vouloir envers les arrêts du Conseil du roi puis laissé faire, au moinsau début, les rebelles. Quand, des violences contre les commis aux gabelles les émeutiers passèrent au pillage et à la révolte ouvertecontre le pouvoir, les bourgeois de Rouen s'émurent de ces excès et firent feu : il y eut une trentaine de tués, ungrand nombre de blessés.

Les magistrats rouennais, effrayés des suites de ce mouvement, envoyèrent des déléguésà Paris.

Richelieu n'hésita pas et ordonna que fût faite militairement une répression exemplaire.

Le colonel Gassionpourchassa les rebelles.

Sur ordre du Chancelier Séguier, on fit rompre vif un de leurs chefs, nommé Gorin(surnommé peut-être « Bras-nus ») ; on en pendit 19, on en roua 4; 22 furent exilés.

Le Parlement de Rouen, pourn'avoir pas sévi à temps, fut suspendu le 2 janvier 1640 ainsi que la Cour des Aides; la mairie et l'échevinage furentdissous; la ville dut payer une amende de 1.085.000 livres. Ces complots, ces agitations et ces actes de rigueur ont sans nul doute beaucoup ému Corneille.

Mais il ne faudraitpas en induire, comme on a fait, l'hypothèse puérile qu'il aurait voulu, par le spectacle de la clémence d'Auguste, «faire la leçon » au cardinal, dont il aurait bravé à ce propos l'inimitié.

Les contemporains et Richelieu lui-même ont dûy voir, bien plutôt qu'une allusion aux « va-nu-pieds » le souvenir de la clémence du cardinal dans son premierpardon à Chalais. En mettant dans la bouche de Livie les vers : Jamais plus d'assassins ni de conspirateurs Vous avez trouvé l'art d'être maître des cœurs, il n'est pas impossible qu'en réalité Corneille ait voulu rendre hommage à Richelieu. Mais un Richelieu qui pardonne, cela ne pouvait que déplaire à cette aristocratie frémissante d'impatience sous lejoug qu'elle avait si souvent essayé de secouer; et si, depuis de longues années déjà, elle semblait ne plus vouloirattenter à la vie du cardinal, la rébellion du duc de Bouillon et la conspiration de Cinq-Mars (1642) étaient proches. En dernière analyse, le poète vit au milieu d'une atmosphère politique trouble; il n'est pas ignorant de tout cetimbroglio de la haute aristocratie de son temps en face du roi et du cardinal-ministre : il en est touché.

Lespersonnages, qu'il empruntera à l'histoire romaine, il les éclairera à la lumière de l'histoire contemporaine; et il y auralieu de se demander si, derrière la façade des palais romains, ce n'est pas la France de son temps qui est présentéepar Corneille.

C'est un brassage qui va se faire dans l'esprit de l'écrivain.

Les transfigurations de l'art répondront auxpréoccupations et aux aspirations de l'époque; il s'en fera l'écho.

Homme de théâtre, il saura s'inspirer duromanesque extraordinaire de ces aventures mi-galantes mi-politiques, à la fois frivoles et cruelles; il saura, par desdébats contradictoires, par son éloquence tribunitienne ou patricienne, passionner l'opinion, attirer lesapplaudissements d'une part de ceux qui rêvent de rébellion et de liberté, d'autre part des partisans de l'ordre et del'autorité.

Il sait que les conspirations peuvent se faire dans la maison même, jusque dans l'entourage immédiat duprince.

L'aventure amoureuse, le dénonciateur, il trouve tout cela dans le passé le plus proche.

Il sait que, de cesentreprises les plus folles, c'est généralement une femme qui est l'âme, une « adorable furie », telle cette Mme deChevreuse ou telle autre grande dame énergique et volontaire, pour qui la passion de la politique peut sembler lutterd'influence avec la passion amoureuse.

Ce sont bien ces éléments de la réalité contemporaine qui sont à la sourcede Cinna.. »

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