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Cinquième partie, chapitre II - Germinal de Zola

Publié le 17/01/2022

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N'en pouvant, plus, elle éprouva un besoin d'ôter sa chemise. Cela tournait à la torture, ce linge dont les moindres plis la coupaient, la brûlaient. Elle résista, voulut rouler encore, fut forcée de se remettre debout. Alors, vivement, en se disant qu'elle se couvrirait au relais, elle enleva tout, la corde, la chemise, si fiévreuse, qu'elle aurait arraché la peau, si elle avait pu. Et, nue maintenant, pitoyable, ravalée au trot de la femelle quêtant sa vie par la boue des chemins, elle besognait, la croupe barbouillée de suie, avec de la crotte jusqu'au ventre, ainsi qu'une jument de fiacre. A quatre pattes, elle poussait. Mais un désespoir lui vint, elle n'était pas soulagée, d'être nue. Quoi ôter encore ? Le bourdonnement de ses oreilles l'assourdissait, il lui semblait sentir un étau la serrer aux tempes. Elle tomba sur les genoux. La lampe, calée dans le charbon de la berline, lui parut s'éteindre. Seule, l'intention d'en remonter la mèche surnageait, au milieu de ses idées confuses. Deux fois elle voulut l'examiner, et les deux fois, à mesure qu'elle la posait devant elle, par terre, elle la vit pâlir, comme si elle aussi eût manqué de souffle. Brusquement, la lampe s'éteignit. Alors, tout roula au fond des ténèbres, une meule tournait dans sa tête, son coeur défaillait, s'arrêtait de battre, engourdi à son tour par la fatigue immense qui endormait ses membres. Elle s'était renversée, elle agonisait dans l'air d'asphyxie, au ras du sol.

Nous quittons les bourgeois en promenade au Tartaret pour pénétrer, en profondeur, dans les galeries de la veine Désirée, à la fosse de Jean-Bart. Cette fois, l'enfer a cessé d'être un objet de curiosité : il s'impose comme une réalité vécue. On nous montre, en effet, Catherine en proie à un malaise, dans une voie de fond, non loin de la taille, où les mineurs — Chaval en particulier — détachent les blocs de houille de la veine à coups de piolaines. Catherine roule les berlines dans une chaleur insupportable (quarante-cinq degrés), quand elle s'approche du Tartaret ; elle est aussi astreinte à longer, sur plus de cent mètres, un muraillement qui touche à une ancienne galerie, incendiée depuis dix ans, ce qui élève la température à soixante degrés. Catherine ne peut éviter de voir les haveurs (qui tapent à la veine) :

« entièrement nus comme des bêtes, si noirs, si encrassés de sueur et de charbon, que leur nudité ne la gênait pas. C'était une besogne obscure, des échines de singe qui se tendaient, une vision infernale de membres roussis, s'épuisant au milieu de coups sourds et de gémissements. « Cinquième partie, chapitre II.

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« Doutant de la clarté de sa lampe (celle-ci «parut s' éteindre »), Catherine dissipe son attention, perd déjàconscience, son corps ne répondant plus tout à fait à sa volonté (ses « idées confuses » la poussent à examiner lalampe : elle « voulut » l'examiner).

Le « souffle » de la lampe qui pâlit est, en même temps que le souffle de la vie,celui de Catherine. L'asphyxie de Catherine Catherine s'éteint, tout comme sa lampe.

La simultanéité des deux actions est mise en évidence par la rapidité del'extinction : « Brusquement, la lampe s' éteignit.

Alors tout roula au fond des ténèbres.» Catherine perd connaissance mais ne meurt pas, elle agonise plutôt.

A l'emploi narratif des passés simples, dont lafonction est d'évoquer la succession des actions dans l'ordre chronologique (« Elle tomba » ; « la lampe lui parut s'éteindre ; « elle voulut » ; « elle la vit pâlir » ; « la lampe s' éteignit » ; « alors tout roula »), succède, à la fin de cepassage, l'enchaînement des imparfaits de l'indicatif, lesquels soulignent la continuité d'une action qui n'est autre„ici, que l'agonie, soit un affaiblissement graduel après la douleur (« une meule tournait »), le cœur batirrégulièrement (« son cœur défaillait, s' arrêtait de battre »); enfin, survient une fatigue insurmontable qui «endormait ses membres ».

Précision d'ordre clinique : « elle agonisait dans l' air d'asphyxie ». Une chute inexorable Le narrateur ne manque pas de signaler la chute définitive de Catherine, à la fin de notre extrait, accomplie « au rasdu sol », ce qui n'est pas indifférent, si l'on se rapporte au début de ce passage, où l'on voit d'abord Catherineroulant sa berline puis se mettant debout pour se défaire de sa chemise : « Elle résista, voulut rouler encore, fut forcée de se remettre debout ».

Puis elle reprend le travail, penchée contre la berline, la « croupe crottée », dans la posture de l'animal adhérant au sol par ses « quatre pattes ».

Ensuite, elles'affaisse davantage (« elle tomba à genoux ») puis pose la lampe « devant elle, par terre ».

C'est alors queCatherine tombe de tout son long : « Elle s' était renversée [...] au ras du sol ». Rythmes et sonorités Deux phrases retiendront notre attention car elles nous paraissent significatives d'une double chute, physique etmorale, de Catherine ; elles terminent le premier paragraphe : « Et, nue maintenant, pitoyable, ravalée au trot de la femelle quêtant sa vie par la boue des chemins, ellebesognait, la croupe barbouillée de suie, avec de la crotte jusqu'au ventre, ainsi qu'une jument de fiacre.A quatre pattes, elle poussait.

» Sur le plan sonore, les consonnes occlusives (consonnes momentanées, produites avec un léger bruit d'explosion)telles que t et d, p et b, k, dont les occurrences sont, respectivement, de 13, 10 et 8 dans les deux phrases (voirci-dessous ces consonnes soulignées), imposent à l'oreille un effet de rudesse, voire de brutalité, par leur fréquencemême, ce qui paraît être en accord avec le supplice physique subi par Catherine. Quant au rythme, il renforce le caractère heurté, saccadé et, à la limite, chaotique, de ces phrases, si l'on exceptele seul groupe constitué par le jugement réprobateur porté à l'encontre de Catherine (groupe 4).

Voici la premièreséquence (ascendante) de la première phrase, qui comporte les 5 premiers groupes rythmiques, chacun necomportant qu'un élément ou deux éléments, c'est-à-dire un ou deux accents d'intensité : Et, 1. nue maintenant, 2. pitoyable, 3. ravalée au trot de la femelle quêtant sa vie par la boue des chemins, 4. elle besognait Schéma rythmique : 1 + 2 + 1 +7 + 1. La deuxième séquence (descendante, après le sommet intonatif marqué par « besognait », ne se compose plusque de brefs groupes rythmiques, de 2 ou 3 éléments chacun (2 ou 3 accents), dont voici le schéma : 5. La croupe barbouillée de suie, 6. avec de la crotte, jusqu'au ventre, 7. ainsi qu'une jument de fiacre. 8.. »

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