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COLETTE (Sidonie Gabrielle)

Publié le 20/02/2019

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COLETTE (Sidonie Gabrièlle), romancière française (Saint-Sauveur-en-Pui-saye 1873 - Paris 1954). Lorsque mourut Colette, quelques grandes voix s'élevèrent qui l'appelaient auprès de ses pairs les « grands écrivains ». Ces hommages tardifs l'arrachèrent à une marginalité paradoxale : Colette en effet, qui avait très tôt rencontré son public, qui était célèbre et dont les livres connaissaient le succès, n'avait pas vraiment été admise auprès des siens. Cocteau, Mauriac, Aragon surtout, dans un long poème qu'il dédia à l'ombre de la vieille femme, lui firent franchir l'invisible frontière qui sépare les créateurs de tous les autres : pour Aragon Colette fut Armide, c'est-à-dire une magicienne dont les sortilèges avaient enchanté sa jeunesse. Mais le temps n'était pas encore venu où Colette échapperait enfin à la contradiction qui déchirait officiellement son image et son œuvre, et, jusqu'à ces toutes dernières années, Colette fut tantôt la romancière de la nature, des bêtes et des fleurs, l'incomparable et inoffensive observatrice des araignées qui boivent du chocolat et des mimosas qui s'épanouissent, la providence des institutrices, tantôt la demi-mondaine frivole, libertine, amorale, qui faisait de l'amour, de ses rages et de ses échecs, de ses perversions même, le sujet de « romans-à-ne-pas - mettre - entre - toutes - les - mains... » La biographie de la première s'évanouissait au profit de son écriture, mais les frasques de la seconde (trois fois mariée, trois fois divorcée) semblaient au contraire la matière brute de textes qui relevaient de ce genre « mineur » qu'est le roman mondain.

 

En fait, l'œuvre de Colette trouve sa

cohérence dans l'unité d'un projet existentiel qui la sous-tend en apparence mais qu'en réalité elle construit et achève au long du demi-siècle qu'elle couvre. Ce projet, c'est celui de devenir un être. Cet être en quête de sa vérité et de sa liberté est une femme, dont toute la jeunesse appartient encore au xixe s. : promesse de rudes apprentissages. L'entrée dans la vie (Colette se marie une première fois avec Willy, en 1893) coïncide presque avec les débuts d'écrivain. Les quatre Claudine accompagnent, semble-t-il, les expériences qu'elles racontent. De même lorsque, divorcée, Colette devient mime, c'est à la réalité de sa vie présente qu'elle demande la matière de ses récits {la Vagabonde, 1910; l'Envers du music-hall, 1913 ; les Vrilles de la vigne, 1913). Bien des œuvres puisent ainsi dans les souvenirs : ceux de l'enfance (la Maison de Claudine, 1922 ; la Naissance du jour, 1928 ; Sido, 1930) ou ceux de la maturité (l'Étoile Vesper, 1947 ; le Fanal bleu, 1949). Mais, d'une part, ces œuvres ne sont pas les seules : Colette est autant une romancière qui invente des personnages liés à leur temps — la Belle Époque de Chéri (1920), de Gigi (1943), l'après-guerre de la Fin de Chéri (1926) ou de Julie de Cameilhan (1941) — qu'un écrivain en quête de son passé, d'autre part et surtout, elle ne poursuit pas le projet de « se raconter ». L'ordre nécessaire à l'autobiographie manque et plus encore son enjeu : mettre, par l'écriture, de l'ordre dans sa vie. Il semble que Colette fasse exactement le contraire et que son écriture lui serve à aller au-devant du monde. La jeune fille, sa sensualité, ses premiers émois l'intéressent autant quand elle a presque l'âge de ses héroïnes que quand elle les a depuis longtemps quittées (l'ingénue libertine, 1909 ; le Blé en herbe, 1923). Elle « expérimente » avec Chéri les effets de la différence d'âge sur l'amour, inversant son propre modèle — l'homme mûr marié avec une très jeune femme — et constituant le couple de la femme qui va renoncer avec le jeune homme qu'elle a initié. La vraie Colette n'a pas atteint cet âge du renoncement en 1920.

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