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Comment un texte peut-il être mis au service d’une cause ?

Publié le 06/10/2018

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et à prendre des décisions. Le pronom « nous » montre Rodrigue formant une unité avec ses hommes et le pronom « je » en position de sujet « j’en cache », « je donne à tous », le montre comme étant à l’origine des actions. Cette même image d’un héros à la fois soldat et chef est donnée par la proposition contenant deux relatives : « l’ordre qu’on me voit suivre et que je donne à tous ». De même, les termes comme « mon commandement », et « l’ordre » montrent que Rodrigue sait se faire obéir. Par contre, l’armée des Mores est présentée comme un bloc confus « trente voiles », « les Mores », « ils » que nul chef ne guide et qui se laisse ainsi tromper par Rodrigue et ses hommes.

 

Les propos du jeune héros le montrent également comme un chef rusé. En effet, c’est par la ruse que Rodrigue remédie à la faiblesse de son armée. Il profite de la nuit pour cacher ses hommes « j’en cache, se tenant cachée » et pour faire croire à l’ennemi qu’il n’y a pas de danger. Il exige de ses hommes le plus grand silence « sans faire aucun bruit, notre profond silence ». Le piège fonctionne comme le montre le modalisateur dans la phrase « Tout paraît tranquille ». Les Mores sont trompés par les apparences et agissent maladroitement. Cette erreur de stratégie est notifiée par l’accumulation de verbes et l’enjambement du vers 26 sur le vers 27 « ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,/ Et courent se livrer aux mains qui les

 

attendent ». Cette chute de l’armée ennemie hisse Rodrigue au rang des glorieux stratèges.

 

Ainsi en donnant la possibilité à Rodrigue de faire ce récit, Corneille parvient à faire un éloge indirect de son personnage devenu un héros national méritant la reconnaissance du roi. Mais le dramaturge fait également la preuve de son art en faisant de ce récit un moment fort de théâtre.

 

Alors que la bataille opposant Rodrigue et les Mores ne se joue pas en direct devant les spectateurs mais est seulement rapportée par des paroles, conformément aux exigences de la bienséance du théâtre classique, le dramaturge parvient à maintenir le spectateur en haleine. Le récit se compose de trois moments. Dans un premier temps, tout va très vite « un prompt renfort », « aussitôt qu’arrivés » « brûlant d’impatience » et le spectateur s’attend donc au récit d’une bataille violente et

« dans la pauvreté et la famine recourt à des termes liés à la vie réelle : « faim, crimes, vol ».

Par ces termes proches du vécu, il est certain que le lecteur se sent concerné.

Enfin, l’auteur peut varier les procédés pour rendre son argumentation efficace.

Les uns donnent la parole à leurs adversaires pour mieux contester leurs thèses, c’est le cas notamment de Hugo dans la préface du Dernier jour d’un condamné qui commence par ces mots « Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire».

D’autres, comme Voltaire, recourt à l’ironie pour dévaloriser une cause et valoriser la leur : on peut par exemple voir une antiphrase dès le titre du pamphlet que constitue « De l’horrible danger de la lecture » et qui en fait est loin de condamner la lecture et la culture.

En fait une argumentation réussie passe par l’utilisation de moyens adaptés à la situation, à la cause et aux destinataires.

Nous allons voir que cela passe aussi par la capacité de l’auteur à émouvoir son lecteur.

Pour mobiliser le destinataire, l’auteur fait le choix d’impliquer celui-ci à travers son interpellation et le choix d’un thème émouvant.

Ainsi, Beckett dans En attendant Godot donne à dire à ses personnages des répliques qui s’adressent indirectement au public : « il ne se passe rien » ou « un jour nous sommes nés, un jour nous mourrons, le même jour, le même instant, ça ne vous suffit pas ?» afin de faire réfléchir à l’absurdité de l’existence humaine.

Dans Candide, Voltaire utilise le registre pathétique et des images révoltantes de cadavres amassés pour dénoncer la guerre.

L’efficacité de l’argumentation tient aussi dans l’intensité des exemples donnés.

En donnant la parole à des hommes ou à des femmes dans lesquels le lecteur peut se reconnaître aisément, il les constitue en archétype émouvant.

C’est le cas notamment de Figaro qui représente tous ceux qui sont opprimés à cause de leur situation sociale et qui ne manque pas d’émouvoir dans son monologue où se répète le « je ».

de même, comment ne pas se ranger aux côtés de tous ceux qui furent victimes de l’intolérance religieuse et que l’on voit torturé par des magistrats incompétents ou des religieux indignes de leurs fonctions, tels le chevalier de la Barre dont Voltaire raconte le calvaire dans son article « Torture » tiré de son Dictionnaire philosophique ? Enfin, l’évocation de sentiments puissants éveille les sentiments du public et le conduit à épouser la cause défendue par l’auteur.

En donnant à lire dans « Strophes pour se souvenir » des passages de la lettre réelle écrite par Manoukian à sa femme alors qu’il va être exécuté par les Allemands, Aragon sait bien que le lecteur reconnaîtra une victime innocente, un héros, dans cet homme déclarant une dernière fois son amour à celle qu’il aime, déclarant son amour pour la patrie qui l’a accueilli et déclarant qu’il ne hait pas les allemands.

De même, Hugo sait bien qu’il réussira à dénoncer les conflits qui minent son époque en montrant des grands-mères cousant dans un linceul des enfants de sept ans (Souvenir de la nuit du 4, Les Châtiments).

L’on peut ainsi dire que toucher les sentiments du lecteur est le plus sûr moyen de défendre une cause.

Comme nous venons de le voir, la littérature constitue un moyen efficace de lutter pour une cause.

L’écrivain choisit un genre et un style qui sauront servir sa cause, recourent aux sentiments dans son texte et touche ceux de ses destinataires.

L’œuvre littéraire devient ainsi une arme puissante qui peut défendre une cause, dénoncer des abus ou des injustices ou dévaloriser un adversaire.

D’ailleurs si la littérature n’était pas un moyen de contestation efficace, nous n’aurions certainement pas assisté et ne continuerions pas à assister à l’emprisonnement des intellectuels sous les régimes dictatoriaux.

2.

Commentaire : Le Cid, Corneille.

Au XVIIè siècle, le théâtre peut être comédie, tragédie ou tragi -comédie.

Le Cid de Corneille qui relève de ce dernier genre est une pièce écrite en 1637 et qui rencontre un grand succès auprès du public.

Dans l’extrait proposé, Rodrigue parti pour affronter les Mores et revenu glorieux, fait le récit de ses exploits au roi Ferdinand.

Comment l’auteur parvient-il à faire la preuve de son art dans cette tirade ? Nous verrons d’abord qu’en donnant la parole à Rodrigue, Corneille le constitue en héros épique et nous verrons ensuite que le dramaturge, à travers ce récit, créé un moment fort de théâtre.

En ayant vaincu les Mores et en racontant ses exploits, Rodrigue se constitue en héros de sa nation.

De ses paroles, il ressort qu’il est, lui seul, l’artisan de la victoire et ceci en premier lieu grâce à ses qualités de meneur d’hommes.

En effet, il a su constituer une armée solide en ralliant plusieurs groupes d’hommes ce qu’exprime la gradation : « cinq cents », « trois mille », et l’hyperbole « dont le nombre augmentait à toute heure ».

Par sa force de persuasion, Rodrigue obtient l’engagement de tous ceux qu’il croise et la métamorphose des hommes opérée par le chef se lit dans l’antithèse « épouvantés/courage ».

Le jeune protagoniste sait commander ses hommes et présente deux qualités indispensables : la capacité à agir. »

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