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COMMENTAIRE - Apollinaire, Les Colchiques (Eléments pour un corrigé).

Publié le 13/09/2018

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apollinaire
Le court poème Les colchiques condense à la fois les tonalités de la pastorale et de l’élégie ; nous pouvons voir qu’à la grande simplicité d’un tableau champêtre peut répondre la richesse des échos qu’il suscite. On retrouverait en particulier cette impression de profonde mélancolie de fin de saison ou de fin d’amour dans d’autres textes du même recueil Alcools, comme Signe, Automne et L’adieu. Enfin, dans le si large éventail des poèmes d’amour auxquels on serait tenté de le rapprocher, de Ronsard à Eluard, de Louise Labé à Musset ou Hugo, nous retiendrons également de ce texte si représentatif de la poésie d’Apollinaire l’originalité et la discrétion de la plainte amoureuse ; on est loin de la morbidité du Poison de Baudelaire, loin des ostentations et larmoiements des poètes romantiques, mais bien plus proche de la manière symboliste du Verlaine de Clair de lune ou encore de Je ne sais pourquoi.
 
 
 
Indications de lectures : Sur les thèmes associés du poison et de l’amour, cf. le dénouement de quelques autres textes, bien plus célèbres d’ailleurs : Tristan et Iseut, Roméo et Juliette, Hernani. Et encore la fin de Socrate dans le Phédon de Platon, Madame Bovary, La Condition humaine, Thérèse Desqueyroux.
 
En prolongement de Colchiques, lire l’Ode à Cassandre de Ronsard, et Un dahlia de Verlaine.
 
Apollinaire (extraits d’Alcools)

apollinaire

« vocabulaire ajoute à la sensation d’étirement du temps : « tout doucement / lentes et meuglant / pour toujours » ; enfin, l’assonance de la (sonorité) nasale [], déjà présente dans les v.

1 et 2 contribue à accentuer le sentiment dominant de la strophe : les vaches semblent s’arracher au pré à regret, à moins d’imaginer une suite plus funeste à laquelle un second niveau de lecture du poème ne manque pas de nous conduire. [ Un paysage transfiguré : du tableau à l’état d’âme du poète]En effet, au-delà du tableau réaliste et comme en surimpression à celui-ci s’inscrit dans le poème un paysage intérieur, et Apollinaire use à cet effet d’une comparaison nettement marquée par le mot « comme » repris d’abord 3 fois dans la première strophe, puis 2 fois dans la suivante.

L’élément qui relie les deux termes de la comparaison -la fleur et la femme- est bien le cerne, appliqué à la fois à la couleur des colchiques et au regard séducteur ; le cerne renvoie à la fois à la maladie et à l’amour, on dit « battre des paupières » mais aussi qu’on a les « yeux battus ».

Mais surtout, déjà suggérés par les adjectifs possessifs « tes » et « leur », le second plan de lecture du poème et l’implication personnelle de l’auteur nous sont cette fois donnés sans ambiguïté au v.7; notons d’ailleurs que c’est le seul vers où nous trouvons l’emploi de la 1e personne ; essentiel au sens du texte, le v.7 l’est aussi du point de vue expressif et rythmique : c’est un alexandrin tétramètre (construit sur 4 mesures de 3 syllabes) et cette régularité nous laisse une impression de lenteur et d’étirement du temps ; lenteur qui va d’ailleurs introduire un effet de contraste et de rupture brutale, comme nous l’avions déjà indiqué, avec le premier vers et l’atmosphère de la 2e strophe, mais surtout nous laisser l’impression que le poète reste passif, voire complaisant vis-à -vis de l’effet maléfique du regard de la femme aimée. Le thème des yeux et du regard n’est pas en soi original dans la poésie amoureuse, mais ce qui l’est ici, c’est que le poète associe à la joliesse et à la couleur du regard le mouvement des paupières, dont le battement, comme obsédant, va l’amener (« dément ») au bord de la folie.

Nous trouverions dans d’autres textes d’Apollinaire ce thème du battement des paupières ; il écrit dans Le printemps « Tout l’horizon palpite ainsi que les paupières » ou encore « Les villages au vent deviennent des paupières/ Voyez voyez cligner les yeux des cerisiers ».

On sait combien Apollinaire a été intéressé par la peinture de son temps, les peintres cubistes en particulier, mais on pourrait rapprocher cette impression de palpitation, de vibration du paysage ou du visage de la technique de peintres impressionnistes comme Monet ou Pissarro, ou pointillistes comme Seurat ou Signac. Avec Colchiques, nous ne cessons d’assister à des effets de miroir, à une sorte d’incessant va -et-vient entre les éléments qui le constituent, entre un tableau paisible et une scène agitée, entre les fleurs et les yeux, entre des animaux qui s’empoisonnent et le poète pour qui cet amour -ce « faux-amour », écrira-t-il dans la Chanson du mal aimé- est un poison auquel il ne résiste pas.

Sous-jacent, le champ lexical de la douleur et du mal (« vénéneux, s’empoisonnent, fracas, battent, dément, abandonnent, mal fleuri ») insinue même en nous, lecteurs, l’impression d’un glissement progressif mais inéluctable de la maladie à la folie et de la folie à la mort.

Tout concourt au pathétique, dans ce faux-sonnet où rôde l’alexandrin, jusqu’à l’idée que, la scène s’étant vidée, le poète reste seul dans ce pré dont il laisse en lui couler le poison. Le court poème Les colchiques condense à la fois les tonalités de la pastorale et de l’élégie ; nous pouvons voir qu’à la grande simplicité d’un tableau champêtre peut répondre la richesse des échos qu’il suscite.

On retrouverait en particulier cette impression de profonde mélancolie de fin de saison ou de fin d’amour dans d’autres textes du même recueil Alcools, comme Signe, Automne et L’adieu.

Enfin, dans le si. »

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