Commentaire composé : Apollinaire : Aubade chantée à Lætare un an passé

« prennent sous sa plume la figure des adolescents d'aujourd'hui en s'embrassant « à bouches folles » et en sifflotant dans les bois.Mais le désir de renouvellement poétique d'Apollinaire ne s'exprime pas seulement dans les thèmes, il s'exprime aussi dans l'écriture.

En effet, si le poème possèdeune forme régulière, trois quintils d'octosyllabes, on peut noter tout d'abord l'absence totale de ponctuation.

Cette innovation poétique est d'ailleurs attachée à sonnom.

Cette absence met en valeur l'aspect hétéroclite de cette vision de l'idylle amoureuse, et laisse au lecteur l'espace de l'interprétation.

L'innovation résideégalement dans l'usage que fait Apollinaire du lexique et de la syntaxe.

Apollinaire joue avec les mots comme au vers 6 quand il fait voisiner dans le même vers «Vénus » et « [re]venus », insistant ainsi, par la répétition du signifiant (la forme visuelle du mot), sur le thème dominant du poème.

Il joue aussi avec les mots quandau vers 14, il dénature l'attribut du dieu Pan, la flûte, réduite à un son banal, le sifflotement.

Ces jeux de mots manifestent le caractère joyeux de cette invitation àl'amour.

Apollinaire joue aussi sur les sonorités.

Au vers 1, les mots « printemps » et « viens t'en » semblent se répondre comme un écho, reprenant ainsi de manièreludique le thème de la fuite du temps.

Les allitérations en [k] dans le vers 3, « Les poules dans la cour caquètent » imitent le gloussement des poules, soulignant ainsila présence incongrue des gallinacées troublant gaiement l'aspect romantique du décor.

De même la répétition du mot « roses » dans ses versions substantivales etadjectivales évoque avec insistance le thème du carpe diem sans jamais le nommer vraiment.

Ces jeux lexicaux convient le lecteur à s'amuser, aussi.

Apollinaire joueaussi sur la syntaxe.

En effet, à la syntaxe simple qui évoque le langage parlé, qui évoque le langage oral se mêle une syntaxe plus complexe qui caractérise souventla poésie traditionnelle avec des inversions dans l'ordre des mots pour plier la phrase au vers.

Ainsi, on peut relever au vers 4, les « roses plis » et au vers 7, « àbouches folles ».

Ces inversions grammaticales mettent en valeur les images et les mots à la rime pour accentuer le caractère sensuel de cette aubade.

Esthétiquement,elles participent, comme l'emploi de l'archaïsme « feuilloler » au vers 9, de ce mélange entre tradition et modernité.De cette manière, cette variation du « carpe diem » s'inscrit dans une époque contemporaine.

Apollinaire restitue le climat des amours adolescentes d'aujourd'hui : unpeu de folie, beaucoup d'humour, d'insouciance et de sensualité.

Les images comme l'écriture s'affranchissent de la tradition, des conventions, et manifestent un désirrenouvelé de liberté.. »