Devoir de Philosophie

Commentaire Composé : La Mitrailleuse À Gifles

Publié le 07/10/2011

Extrait du document

mais nous formons un tout ; et c’est ce qui explique que nos sentiments, pour peu qu’ils soient assez intenses, soient capables de produire des effets physiques. Même si l’on tient compte de l’humour de ce poème, il faut rappeler que Michaux a exploré, par l’intérêt qu’il portait à la mystique, au yoga (Un Barbare en Asie, 1932), aux drogues (Misérable miracle, 1956), les différentes interactions de ce que nous nommons l’esprit sur ce que nous nommons le corps. On notera que ce n’est pas la première machine merveilleuse qu’invente Michaux dans ce même recueil, la Vie dans les plis, de 1949 puisqu’on y trouve par ailleurs « la Fronde à hommes «

« d’archétypal, puisqu’il concerne un des sentiments les plus profonds que l’on puisse éprouver dans la vie de familleaprès l’amour, la haine.

Nous ne saurons jamais, cependant, sauf à maîtriser la biographie du poète, ce qui, danscette scène, relève de la réalité et ce qui y tient de la fiction.

D’ailleurs, quelle importance ? Il pourrait aussi biens’agir — quoique je ne le croie pas, en l’occurrence — d’un fantasme, d’un récit purement compensatoire,comparable au rêve ou au souhait, bien connus en psychanalyse, de la mort d’un parent.

En ce sens, ce poème estencore nettement post-sadien, post-baudelairien et post-freudien.

Il a entériné la « double postulation » et leconcept de « pulsion de mort ».

Ainsi que l’écrit Baudelaire :Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan.L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie dedescendre.

C.

B AUDELAIRE, Mon cœur mis à nu, posthume. L’homme n’est décidément pas « naturellement bon ».

Ce qui est peut-être fantasmé, ici, c’est la dialectique del’humiliation et de la revanche.

Le sujet a ressenti de la « honte » devant « l’offense » subie (l.

14), et il en tire unevengeance d’autant plus éclatante.

Quelle était cette offense ? Nous n’en saurons pas davantage.

On peutsimplement supposer que ce n’est pas seulement le fait d’être sortie devant le personnage du poète ( ?) (l.

12–15)mais rien ne peut être exclu.

La réalité de l’humiliation, 3 là encore, a d’ailleurs peu d’importance, compte tenu de l’effet d’accumulation qui, dans la vie commune, peutsusciter des réactions apparemment disproportionnées devant des vétilles, qui ne sont alors, en fait, que ledéclencheur de rancœurs recuites.

Il faut en fin rappeler que Michaux est l’héritier de Rimbaud et des symbolistes,pour qui le Moi est une notion qui pose de singuliers problèmes.

On se souvient de la formule de Rimbaud dans sacorrespondance : « Je est un autre ».

Pour Michaux également :se fait de tout.

[...] n’est jamais que provisoire [...].

Il n’est pas un moi.

Il n’est pas dix moi.

Il n’est pas de moi.

MOIn’est qu’une position d’équilibre.

(Une entre mille autres continuellement possibles et toujours prêtes.) Une moyennede « moi », un mouvement de foule 4 .MOI MOI 2.1 Le merveilleuxLe registre merveilleux accompagne la poésie lyrique, et plus particulièrement le poème en prose (v.

A.

Bertrand,Gaspard de la nuit, 1842, « Départ pour le sabbat », « Le Falot », « La Chambre gothique », « Scarbo », etc.),depuis les origines.

Il réside ici, bien entendu, dans la réalisation, tout à fait impossible et même invraisemblable, dela fameuse « mitrailleuse à gi fles », mais pas uniquement.

L’objectivation et la projection de la colère hors du corpsdu narrateur, projection comparée à un « gant de vent », y contribuent aussi.

Répétées « deux, trois, quatre, dixfois » — ce qui est encore invraisemblable —, elles sont quali fiées d’« ef fluves », c’est-à-dire, d’après le TLF, d’«Émanation du fluide magnétique, qui passe du magnétiseur au magnétisé ».

Rappelons au passage que la théorie dumagnétisme, énoncée par le bon Dr Mesmer au XVIIIe s., reprise par Balzac au XIXe , et encore très à la mode entrela période fin-de-siècle (XIXe -XXe s.) et le surréalisme, prétend qu’un magnétiseur peut utiliser le « fluidemagnétique » issu des corps célestes sur une autre personne à des fins thérapeutiques ou divinatoires — c’est-à-dire pour lire en elle ou prédire son avenir...

Nous assistons donc ici à une première manipulation des effetsthéoriquement prêtés à ce pouvoir occulte.

Michaux lui confère aussi un usage offensif et propre à réparer lesoffenses subies en famille ! Cette extension métonymique ne va évidemment pas sans humour, et l’on sait que cedernier est un cousin du registre merveilleux.

La force de la « colère » éprouvée (l.

2) suf fit à expliquer la vertu deces « ef fluves » — autrement dit, c’est parce qu’il était très en colère et très humilié (l.

14) que le narrateur a pudéclencher ce phénomène.

On voit par là que Michaux se place dans une conception holistique et non dualiste del’homme.

Pour lui, nous ne sommes pas divisés en corps, (esprit) et âme, contrairement à ce qu’af firme un certaindualisme chrétien, par exemple,4 .

H.

Michaux, Plume, « Postface », Paris : Gallimard, 1998, p.

663 4 mais nous formons un tout ; et c’est ce qui explique que nos sentiments, pour peu qu’ils soient assez intenses,soient capables de produire des effets physiques.

Même si l’on tient compte de l’humour de ce poème, il fautrappeler que Michaux a exploré, par l’intérêt qu’il portait à la mystique, au yoga (Un Barbare en Asie, 1932), auxdrogues (Misérable miracle, 1956), les différentes interactions de ce que nous nommons l’esprit sur ce que nousnommons le corps.

On notera que ce n’est pas la première machine merveilleuse qu’invente Michaux dans ce mêmerecueil, la Vie dans les plis, de 1949 puisqu’on y trouve par ailleurs « la Fronde à hommes », ou cet « Instrument àconseiller : le tonnerre d’appartement », ou encore « l’Hommebombe », ou « l’Appareil à éventrer » par exemple.

Cesmachines, on le voit, ont en commun l’humoir noir qui a présidé à leur création (v.

le « crochet à nobles » et le «crochet à phynances » d’Ubu ou l’inquiétante machine à tuer de la Colonie pénitentiaire de Kafka). 2.2 L’humourOn peut le supposer omniprésent ici.

Comme elle fond les genres en un seul texte, la modernité poétique tend aussià fondre les registres ; et l’on ne sait plus toujours quand Huysmans, Jarry ou Apollinaire sont sérieux ou pas, ou,pour reprendre un mot de Flaubert, le lecteur moderne ne sait plus toujours très bien si l’on se f...

iche de lui ounon.

L’humour peut être défini fonctionnellement comme une sorte d’inverse de l’ironie et la capacité à discerner ceque les situations réelles, y compris les plus menaçantes, comportent de comique, d’insolite, de poétique, voire demerveilleux.

L’humour, on le voit, est ainsi tourné vers le sujet ; c’est une arme défensive, destinée à désamorcer. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles