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Commentaire de l'extrait de la lettre CXXV issue de l'oeuvre : Les Liaisons dangereuses de CHODERLOS de LACLOS

Publié le 17/06/2011

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[X] [X] [X] Le texte proposé est un extrait du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses écrit par Choderlos de Laclos et publié en 1782. L'énonciateur de la lettre CXXV est le vicomte de Valmont, libertin dont le plus grand plaisir est de séduire les femmes et de les abandonner aussitôt ; il s'adresse à son ancienne maîtresse, la marquise de Merteuil, être tout autant diabolique que lui, afin de lui faire le récit de sa conquête de la Présidente de Tourvel, austère dévote qui lui a longuement résisté avant de capituler. Ce passage est pour l'auteur l'occasion, au-delà du caractère pathétique du piège tendu à la Présidente de Tourvel, de révéler, dans un registre épique, la tactique du libertin, fin stratège pour mener à bien ses projets les plus sordides. Il s'agira d'étudier en quoi la conquête amoureuse est en vérité assimilée à la conquête militaire, révélant ainsi le mécanisme du libertin. L'intérêt du texte tient avant tout à la caractérisation de la stratégie du libertin qui n'a d'autre but que de provoquer la chute d'une victime. De plus, il permet de mesurer la fragilité de celle-ci, malgré ses principes et sa détermination. Enfin, il révèle l'importance du genre choisi, celui de la lettre, support privilégié pour présenter le compte-rendu de la mise en scène abominable du vicomte de Valmont et mettre en valeur l'efficacité de sa méthode.

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« avec une grande lucidité comment il a agi face à sa victime : ainsi, il emploie à deux reprises le verbe « feindre » ( l. 20 et 24 ), apparaissant ainsi comme un personnage hypocrite, menant un double jeu .

Dans le même esprit,Valmont simule une déclaration d'amour : il commence sa déclamation par une apostrophe élogieuse – un termehypocoristique - désignant la Présidente de Tourvel « Femme adorable » et emploie le registre lyrique notable par l'expression de ses sentiments ( « mes peines », « l'amour que vous inspirez », « ce sentiment », « bonheur », « mon coeur » ) et par l'utilisation de la première personne.

Le recours au gérondif « en risquant l'enthousiame » ( l.

10 ) rend compte du peu de sincérité de son discours mais aussi de ses gestes.

La stratégie du libertin s'appuiedonc sur le mensonge et l'hypocrisie, sur les faux-semblants, sur l'illusion des sentiments.

Cependant, elle est aussile fruit d'une rigoureuse organisation. La rigueur de la stratégie du vicomte de Valmont la rend comparable à une stratégie militaire.

Ainsi, la femme àséduire est perçue comme « un ennemi » ( l.

32 ) et pour gagner le combat, il faut mettre en place de « savantes manoeuvres » ( l.

32-33 ) : l'emploi du champ lexical de la conquête militaire est d'ailleurs récurrent dans le dernier paragraphe : « guerre », « combattre », « ennemi », « sa retraite », « dispositions », « combat », « défaite », « action », etc.

Comme le suggère la périphrase « le champ de ma gloire » ( l.

25-26 ), émane du discours de Valmont un parallélisme entre scène de guerre, c'est à dire la conquête d'un territoire, et scène de séduction : parconséquent, cette construction définit la valeur de toute femme selon le libertin, à savoir celle d'un territoire àobtenir.

De plus, le libertin se compare à des figures célèbres de l'Histoire pour leur combattivité, pour leur stratégiemilitaire, pour leurs succès : ainsi, les comparaisons à Turenne, Frédéric et Annibal veillent à faire du libertin unhéros. Par conséquent, le libertin dispose de plusieurs « armes » pour pièger sa victime et obtenir ce qu'il désire :culpabilisation, mensonges et une tactique savamment élaborée.

La description de la stratégie du libertin permet enparallèle de mesurer les faiblesses de sa victime, aussi forte soit elle. _ _ _ Le texte qui nous intéresse ici présente les luttes et les faiblesses de la Présidente de Tourvel.

En effet, la victimedu vicomte de Valmont, malgré sa détermination et ses principes, succombe aux avances du séducteur, étant tropsensible, trop humaine par rapport à lui. Dans son récit, le vicomte de Valmont précise au destinataire de la lettre les différentes réactions de la Présidentede Tourvel.

Dans un premier temps, au moment où Valmont vient lui rendre ses lettres et lui dire adieu, celle-cilaisse paraître des signes physiques traduisant l'inquiétude, la peur.

En effet, on observe une série d'interrogationsadressées au vicomte : ce sont tout d'abord des questions auxquelles le comte ne peut répondre, montrant larapidité à laquelle elles sont posées par la Présidente, traduisant par conséquent son inquiétude, son empressement,son désir d'en savoir plus.

Par ailleurs, Valmont désigne la Présidente de Tourvel par l'emploi du groupe nominal« l'amante craintive » ( l.

1 ) ce qui renforce l'idée qu'elle est tourmentée et en outre il qualifie son empressement comme « tendre inquiétude » ( l.

1 ) : cet oxymore met en évidence la complexité de leur relation, qui s'avère tumultueuse et bien douloureuse pour la Présidente.

Ensuite, Valmont laisse planer le doute en retardant sa réponse,celle faisant l'objet de sa visite : il donne des réponses imprécises en ayant notamment recours à l'utilisation dupronom « le seul » ( l.

6 ), qui est volontairement évasif et accentue la panique de la Présidente.

Dans un second temps, ayant annoncé qu'il renonce à son amour, la Présidente présente des signes physiques de la douleur : « son coeur palpiter avec violence », « altération de la figure », « les larmes la suffoquer [...] rares et pénibles » ( l.

17- 19 ).

Malgré cette douleur intolérable, elle rassemble néanmoins tout son courage. En effet, on remarque ensuite un changement quant au comportement de la Présidente de Tourvel : au moment oùValmont fait mine de partir, elle rassemble toutes ses forces et fait preuve de détermination.

Elle prend le contrôlede la situation et se montre exigeante : ainsi, elle s'oppose à Valmont par un geste et par sa vigueur - commel'indiquent le complément circonstanciel de manière « avec force » ( l.

20 ) et l'adverbe « vivement » ( l.

21 ).

On note par ailleurs que le vicomte est une nouvelle fois en position d'objet ( « me » ) mais que c'est uniquement dû à la volonté de la Présidente et non à un stratagème du libertin.

Elle donne des ordres à Valmont en utilisant l'impératif( « écoutez-moi » l.

20 ), mais aussi à travers l'emploi d'un futur à valeur d'injonction ( « Vous m'écouterez », l.

21 ).

La Présidente exige qu'il l'écoute et s'oppose aux dires du vicomte à plusieurs reprises comme le suggèrent larépétition de l'adverbe « non ».

Cependant, la confrontation avec le vicomte de Valmont provoque une trop grande émotion. C'est ainsi qu'au moment même où la Présidente de Tourvel semble être la plus forte et fait preuve de déterminationet de courage qu'elle succombe à Valmont.

Lorsque celui-ci s'exclame « Il faut vous fuir, il le faut ! » ( l.

21-22 ), cette sentence déclenche la perte de la Présidente.

En effet, la dernière phrase du vicomte, construite selon unchiasme grammatical qui met en évidence une valeur semblant chère à Valmont - le devoir -, accentue l'impact dupropos sur la Présidente : ainsi, c'est elle qui provoque la fuite de l'homme qu'elle aime, c'est plus qu'elle ne peutsupporter.

On atteint alors un paroxysme qui se traduit par la gradation quant à l'emploi des verbes de parole quiévoluent vers un volume de plus en plus fort et accentuent par conséquent le manque de maîtrise de soi ( « dit », « s'écria », l.

20-22 ).

De la même manière, la ponctuation est au service de l'émotion ressentie : les points de suspension manifestent l'évanouissement de la Présidente de Tourvel, sa chute dans les bras du vicomte et donc saperte, sa capitulation, sa défaite.

L'issue est par conséquent favorable à Valmont qui en profite pour refermer sesbras, constituant un piège, sur la malheureuse.

Ainsi, tragiquement, au moment où la Présidente de Tourvelrassemble le plus d'énergie, l'émotion est trop forte et la mène à sa propre perte, au déshonneur.. »

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