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Commentaire de texte Hélène ou le règne végétal

Publié le 04/02/2023

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« “Hélène ou le Règne végétal” du recueil Hélène ou le Règne végétal, de René Guy Cadou (1944-1951) Depuis l’Antiquité, la poésie lyrique célèbre très souvent l'amour, susceptible d’évoquer de forts sentiments personnels et de mener à une réflexion plus générale et équivoque.

Ce lyrisme amoureux est ainsi associé à l’idée d’une muse, figure féminine, telle qu’Erato, patronne de la poésie lyrique et érotique représentée depuis la Renaissance accompagnée d’une lyre, attribut par excellence du poète lyrique.

Ce lien avec la musique caractérisera aussi, au Moyen-Âge, la poésie lyrique des troubadours, qui chantent les thèmes de la reverdie et de la fine amor. Mais le lyrisme se décline également à travers d'autres thèmes : le poète francais Cadou revendique ainsi, à travers son amour pour sa femme, celui de sa terre natale, des paysages ruraux et de la nature.

Mort très jeune, un certain nombre de ses poèmes furent publiés de façon posthume, notamment, en 1951, le recueil Hélène ou le règne végétal, dédié à sa femme, Hélène.

Nous allons donc étudier le poème éponyme de ce recueil, écrit par René-Guy Cadou entre 1944 et 1951.

Dans ce poème, le poète fait une ode à l’être aimé en s’appuyant sur l’image mystérieuse d’une femme en symbiose avec la nature et un lyrisme humble, ouvert sur le monde.

Nous pouvons donc nous demander à l’aide de quels procédés lyriques le poète associe-t-il la nature harmonieuse à l’égérie de la femme aimée ? Afin de répondre à cette question, nous étudierons dans un premier temps la représentation lyrique de la nature et de l’amour dans ce poème, avant de s’intéresser à la figure d’Hélène, muse du poète, pour enfin réfléchir au caractère paradisiaque de cette union symbolique. Sur de nombreux aspects, “Hélène ou le règne végétal” peut être considéré comme un poème lyrique: il aborde par exemple des thèmes classiques, comme la nature et l’amour, de façon personnelle et mystique. Comme son titre l’indique, “le règne végétal”, la nature, sont omniprésents dans ce poème.

On le remarque à travers la présence d’un champ lexical végétal (“jardin”, “bouquet de blé”, “trèfle”, “terre”, "ciguës”, “ronces”, “campagnes”, “vergers”, “prairies”) présent tout le long du poème.

La nature est ainsi décrite de façon vivante, avec la mention d’animaux: “oiseau”(v.2), “chevaux” (v.10) et la personnification d’éléments végétaux: “l’oreille un peu basse du trèfle” (v.9).

Le poète cherche ainsi à décrire une nature qui domine le poème, qui “règne”.

Mais cette nature est aussi très sensorielle, et donc personnelle: les cinq sens sont présents: l’ouïe (“oiseau t’imitera”, “ruissellent dans le vent”, “oreille”), la vue (“je te vois”, lumineux”, avec la mention de couleurs: “roses”, “bleues”), l'odorat (“odeur de pain” v.18), le toucher (“mes mains” v.3) et le goût (“sur mes lèvres” v.1): on ressent ainsi avec le poète cette nature omniprésente.

Mais bien que celle-ci soit très diversifiée, elle reste unie: on remarque ainsi à la fois une symbiose entre les différents éléments (“terre”, “air”, “soleil”) et une symbiose entre les différents règnes présents (animal et végétal), traduites par le manque de ponctuation du poème (sauf pour un point final). Nous pouvons ensuite nous intéresser au cadre spatio-temporel du poème: très personnel, il est grandement influencé par la vie du poète, avec l’utilisation de la première personne du singulier (« je », « mes », “moi”, « mon »). Nous sommes ainsi dans un cadre spatial de campagne (“milieu des campagnes” v.13), précis (“école”, “jardin”) et familier (“blé”, “prairies”).

Le cadre temporel est quant à lui peu mentionné, si ce n’est à deux occasions: “ce soir” (v.3) et “enfants [...] revenus de l’école” (v.7), qui laissent penser que le poème se déroule probablement durant le jour, vers la fin de l’après-midi.

Au tout dernier vers, on s’aperçoit que ce cadre si personnel est en fait la femme aimée, avec la métaphore “ces prairies que tu portes en toi”.

Ce cadre est donc à la fois réel, précis, et imaginaire. Il est en effet dépassé par la vision de l’amour qu’a le poète.

Dans le cinquième et dernier quatrain du poète, l’amour entre le poète et sa femme transcende ce cadre, en détruisant à la fois ses limites temporelles et spatiales.

Le poète “attendrai[t] cent ans” cette femme qui est “déjà [s]ienne” (v.19), l’amour ne suit donc pas de “logique” chronologique.

Le cadre spatial est constamment dépassé par la femme aimée, “loin de moi” (du poète) mais “toujours présente”, qui ne possède pas de forme matérielle concrète: elle est à la fois odeur qui “demeure dans l’air” du cadre spatial (v.18) et être qui contient le cadre spatial (“prairies en toi” v.20).

On a aussi, dans ce poème, la vision d’un amour qui transforme la nature et sauve “la terre” (v.10).

Pour le poète, la femme aimée (et à travers elle l’amour) permet de renverser ce monde connu et d’unir tout être vivant, comme montré dans le vers 11 avec l’antithèse: “tout est bon des ciguës et des ronces”.

Dans ce poème, l’harmonie entre la faune et la flore (vue précédemment) est donc dûe à l’amour, et le poète voit ce dernier comme une solution universelle: “il a suffit de ton amour pour tout changer” (v.12). Mais afin de développer sur le thème lyrique qu’est l’amour, le poète part d’une figure plus personnelle, plus symbolique, à la fois mystérieuse et familière: celle d’Hélène, sa femme. Dans ce poème, Hélène, et à travers elle la femme aimée, est donc représentée sous différents aspects: comme le titre l’indique, elle est principalement associée à la nature, et permet au poète de s’ouvrir à de nouveaux mondes, en même temps source d’inspiration poétique et intermédiaire vers un au-delà possible. Premièrement, la femme aimée est en symbiose avec la nature: à l’aide de nombreuses comparaisons (“paroles [...] comme un bouquet de blé” v.5-6, “demeures [...] comme une odeur de pain” v.18) le poète l’allie à la nature, à qui elle peut d’ailleurs communiquer.

Dans le deuxième vers, le poète décrit la voix d’Hélène: “quel oiseau t’imitera jamais”.

Le chant des oiseaux est donc semblable à celui de la femme aimée, image qui la rapproche d’Orphée, dont le chant charmait même les animaux, et notamment les oiseaux.

De plus, elle peut communiquer avec la nature: “penches toi à l’oreille [...] du trèfle” (v.9), “avertis les chevaux [...] dis-leur” (v.10-11).

Hélène apparaît aussi posséder un rôle important dans cette nature, elle surveille la floraison des fleurs, avec la métonymie “innocentant les crimes rosés des vergers” au quatorzième vers. Elle est finalement la figure de la Mère Nature créatrice, qui symbolise le don de la vie.

Elle est symbole d’abondance, tant au sens agricole (elle est associée au “blé” v.6 et au “pain” v.18) que de fertilité: il y a la présence d’enfants, seuls humains décrits en plus du poète et de la femme.

En tant que Mère Nature, elle est la Nature elle-même: on passe ainsi des comparaisons vues précédemment à des métaphores (“paroles ruissellent” v.5-6, “ces prairies que tu portes en toi” v.20) Bien que figure créatrice, la femme aimée est aussi inspiratrice: elle représente la muse du poète, à l’origine de cette ode à Hélène.

Le lien entre poète et femme aimée est direct: le poète s’adresse à la femme aimée à la deuxième personne du singulier (« tu », “ton”, « toi », « tes »…).

Le poète est, de plus, comme en contemplation devant sa femme: tout au long du poème il utilise l’énonciation afin de décrir la femme aimée et son rôle, avec des énumérations d’actions à la deuxième personne du singulier (“penche-toi”, “avertis”, “dis-leur”, “tu es”, “tu dises”, “tu es écoutée”...).

La femme est donc au centre du texte, elle est même plus importante que les sentiments du poète, importance confortée par la supériorité numérique des mentions du “tu” par rapport aux mentions du “je”.

Mais le poète et Hélène sont aussi intimement liés par leur amour mutuel, et l’un appelle l’autre: comme montré par les allitérations en “m” aux premier et dernier quatrains (qui parlent du lien unissant la femme aimée et le poète), sonorité douce qui symbolise l’amour envers Hélène et son appartenance au poète (“mon Hélène” v.13).

Dans ce poème, la femme est ainsi source d’inspiration du poète.

Elle devient sa muse, et son interprète, voire intermédiaire, vers d’autres mondes: elle permet au poète de communiquer avec la nature (la troisième strophe est composée de verbes à l’impératif où le poète demande à Hélène de transmettre un message), et de la percevoir: il retrouve Hélène dans la nature (“quel oiseau t’imitera jamais” v.2 et “toutes ces prairies que tu portes en toi” v.20).

Elle est donc toujours présente à ses côtés, présence visible dans la dernière strophe avec de nombreuses allitérations en “r”, sonorité qui reste, résonne comme un écho. Enfin, la femme aimée sert d’interprète entre le poète et le ciel: Hélène a le pouvoir de parler à Dieu, pouvoir mis en valeur par un rejet aux vers 3-4: ”pour que tu dises_A Dieu” , et s’adresse ainsi à Dieu au nom du poète dans sa prière du soir, action symbolisée par la métonymie “je te confie mes mains”, soit les prières du poète, au troisième vers.

Elle communique aussi avec les anges: “tu es écoutée de l'ange tes paroles” (v.5).

Le fait que l’ange n’écoute que les paroles d’Hélène est mis en valeur dans ce contre-rejet, et elle est aussi appréhendée avec extase par “les enfants du ciel” (v.7), périphrase désignant les anges.

Elle semble ainsi venir d’un autre monde: sa beauté est hors du commun (“t’appréhendent avec des mines extasiées” v.8) si bien qu’on a aucune description concrète de son physique.

La voix d’Hélène est associée à la douceur “tes paroles ruissellent dans le vent” (v.5-6) - sa voix est telle un murmure, chuchotement traduit par des sonorités douces et des allitérations en sons soufflés au neuvième vers (“ss”, “fl”, “ch”) - et la légèreté: “tu es sur mes lèvres” (v.1).

Sa voix est mélodieuse et envoûtante, telle celle du poète lyrique (Orphée), si bien qu’elle est comparée à celle d’un oiseau: “quel oiseau t’imitera jamais” (v.2).

De plus, elle existe à travers plusieurs.... »

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