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Commentaire de texte : Le Roi se meurt – Eugène Ionesco :

Publié le 01/07/2012

Extrait du document

ionesco

« Dans un pays indéterminé, menacé par la ruine, le roi Bérenger à l’agonie s’accroche à ses passions délabrées. Il est entouré de ses deux reines – Marie, aimante et douce, et Marguerite, implacable -, ainsi que de sa femme de chambre Juliette et de son médecin.

 

LE ROI, à Marie, puis à Marguerite. – Bonjour, marie. Bonjour, Marguerite. Toujours là ? Je veux dire, tu es déjà là ! Comment ça va ? Moi, ça ne va pas ! Je ne sais pas très bien ce que j’ai, mes membres sont un peu engourdis, j’ai eu du mal à me lever, j’ai mal aux pieds ! Je vais changer de pantoufles. J’ai peut-être grandi ! J’ai mal dormi, cette terre qui craque, ces frontières qui reculent, ce bétail qui beugle, ces sirènes qui hurlent, il y a vraiment trop de bruit. Il faudra tout de même que j’y mette bon ordre. On va tâcher d’arranger cela. Aïe, mes côtes ! (Au Docteur.) Bonjour, Docteur. Est-ce un lumbago ? (Aux autres.) J’attends un ingénieur… étranger. Les nôtres ne valent plus rien. Cela leur est égal. D’ailleurs, nous n’en avons pas. Pourquoi a-t-on fermé l’Ecole Polytechnique ? Ah, oui  Elle est tombée dans le trou. Pourquoi en bâtir d’autres puisqu’elles tombent dans le trou, toutes ? J’ai mal à la tête, par-dessus le marché. Et ces nuages… J’avais interdit les nuages. Nuages ! Assez de pluie. Je dis : assez. Assez de pluie. Je dis : assez. Ah ! Tout de même. Il recommence. Idiot de nuage. Il n’en finit plus celui-là avec ces gouttes à retardement. On dirait un vieux pisseux. (A juliette.) Qu’as-tu à me regarder ? Tu es bien rouge aujourd’hui. C’est plein de toiles d’araignée dans ma chambre à coucher. Va donc les nettoyer.

JULIETTE. – Je les ai enlevées toutes pendant que Votre Majesté dormait encore. Je ne sais d’où ça vient. Elles n’arrêtent pas de repousser. « (Ionesco, Le Roi se meurt).

Eugène Ionesco a fait apparaître dans toutes ses pièces théâtrales de manière plus ou moins présente l’idée de la mort et le vieillissement dans un univers incohérent : les corps dépérissent, le langage s’écorche et l’angoisse croît. C’est en 1962 que Ionesco entreprend d’écrire Le Roi se meurt alors même qu’il se trouvait malade et affirme qu’il s’agit d’un « exercice spirituel « essentiel : « J’avais écrit […] pour que j’apprenne à mourir « (Journal en miettes). La pièce doit être vue comme une réflexion continue du roi Bérenger qui voit sa vie diminuer. 

Proposition d’un plan qui ne doit, en aucun cas, figurer dans la copie rendue :

 

I – Un roi désacralisé et dépossédé

1/ Le délabrement du langage

2/ Des préoccupations simplistes

3/ Une volonté sans résultat

 

II – L’expression d’un malaise existentiel

1/ La dégradation d’un corps

2/ Une solitude donnant lieu à des interrogations enfantines

3/ Un nouveau tragique : le burlesque

 

III – Un univers dégradé

1/ Un univers négatif

2/  Le dérèglement du monde

3/ Une prolifération de la souffrance au monde

ionesco

« diminuer.

De la même manière, son royaume dépérit.

Mais l’entourage a pour rôle d’accompagner le roi Bérenger au mieux vers l’ac ceptation de la mort inéluctable et de passer au -delà de cette peur qui paralyse.

A l’instar des rois de tragédie, le roi Bérenger se montre davantage dans son instinct naturel à la limite du grotesque à travers un monde qui se dégrade et qui ne lui obéit plus révélant ainsi la fin de son pouvoir sur son royaume autrement dit sur sa vie.

Nous sommes habitués à un « langage pompeux », comme le dit Diderot (Le Paradoxe sur le Comédien ), exprimé par les rois des tragédies classiques vivant des passions pous sées au paroxysme et qui font face à leur destinée de manière digne.

Ici, Ionesco nous fait part d’un roi affaibli.

La douleur de l’enveloppe corporelle révèle un roi au langage familier et ainsi perd toute crédibilité en qualité de roi.

Certes, Ionesco utilise facilement la forme de la tirade , davantage utilisée dans la tragédie, dans la bouche du roi Bérenger mais il n’y a pas de « langage pompeux » ni de rimes bien agencées.

L’expression du roi est familière, très terre -à -terre dans le seul but que le r oi n’ait plus sa place de roi : en ce sens, c’est un roi de subsistance.

Les « aie », mettant bien en lumière la douleur qu’il ressent, s’avèrent être dotés d’un caractère immature.

Mais lorsqu’il est question d’endosser le rôle de roi et de faire face aux troubles du royaume, le roi Bérenger simplifie le travail en affirmant qu’ « on va tâcher d’arranger cela ».

S’il a le malheur de se mettre en colère, il reçoit en retour des remarques qui ne sont pas dignes d’un roi, d’une banalité déconcertante.

En effe t, les périphrases des rois de la tragédie classique sont complètement tombées en désuétude avec le roi Bérenger et se contente à des injures primaires comme « idiot de nuage » ou bien encore « vieux pisseux ».

Il n’a pas non plus la carrure d’un roi : ce n’est pas à la première personne du pluriel qu’il parle de lui mais en se cachant derrière le pronom « on ».

Les levers du roi ne sont pas majestueux : la cour ne reçoit qu’un « Comment ça va ? » en guise de salut.

A l’instar des monologues propres des roi s de tragédie, ici, le roi Bérenger s’exprime par interjections dans les coupures comme « Ah oui ! » ou bien « Ah ! Tout de même » ce qui témoigne l’insouciance de ce roi.

D’une manière plus large, la dislocation et la courte longueur des phrases montrent que le langage du roi se dégrade.

Par ailleurs, on peut constater que la syntaxe est minime « Et ces nuages.

J’avais interdit ces nuages » : l’intensité n’est plus.

Est- il encore capable de discourir avec élégance ou bien est -il devenu le plus commun des mortels ? Comme son langage, ses préoccupations n’ont plus de caractère noble.

Il est soucieux de lui -même, de ses « pieds », de ses « côtes », de sa « tête », il pense surtout à lui.

Aucun mot des autres personnages n’arrive après ses « pantoufles », les « toiles d’araignée » et sa « chambre à coucher ».

Quand il parle de son royaume, c’est pour éviter pour lui -même des désagréments supplémentaires et en même temps un royaume révélateur de son gouverneur.

Quand il évoque ses sujets, c’est pour les rabaiss er comme les « ingénieurs » car il affirme qu’ils « ne valent rien ».Ce n’est plus l’abnégation d’un roi mais davantage le signal d’une foudre qui arrivera bientôt.

Enfin, le roi Bérenger au perdu les compétences de son royaume : les ministres ne font plus partie des individus auxquels il s’exprime ; en revanche, il parle aux serviteurs comme Juliette, la femme de ménage, qui a en plus de son rôle premier celui de traire les vaches et lui ordonne expressément « Va donc les nettoyer ».

Ce roi n’est plus au fait des prérogatives de son royaume, ne les comprend plus (« je ne sais pas ce que j’ai ») et doit donc demander de l’aide à ses serviteurs pour « essayer d’arranger » cela.

De plus, ces ordres doivent être renouvelés pour être appliqués.

Il préfère donc se concentrer à crier sur le nuage.

Ce roi dépossédé marque la fin des grands rois des tragédies.. »

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