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Commentez et discutez cette phrase de l'écrivain allemand Henri Heine sur l'inspiration el la création artistique : « Ce n'est que dans l'hiver qu'on reconnaît la, nature du printemps et c'est derrière le poêle qu'on retrouve les meilleures chansons de mai ».

Publié le 17/01/2022

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« Ce n'est que dans l'hiver qu'on reconnaît la nature du printemps et c'est derrière le poêle qu'on retrouve les meilleures chansons de mai... » ainsi s'exprimait Henri Heine au sujet de l'inspiration et de la création artistique. L'opinion de cet écrivain allemand était donc que toute création d'art nécessite un recul entre l'inspiration et la « construction » proprement dite de l'oeuvre.

« En d'autres termes, pour Boileau, l'oeuvre d'art est le fruit du travail, position extrême qui tend vers celle desadeptes de l'Art pour l'Art, les passionnés de la forme, épris de perfection, tels Théophile Gautier ou Leconte deLisle.

Dans cette perspective le poète vise un seul but : la beauté parfaite qu'il doit obtenir par le travail de laforme, les recherches techniques.

Cette doctrine de l'Art pour l'Art comporte, il me semble, plus d'inconvénients qued'avantages.

En premier lieu, la trop grande perfection éloigne le poète du lecteur qui, à moins d'être très lettré, nepeut communier avec l'artiste.

C'est le danger de l'hermétisme.

D'autre part, ces poèmes manquent de profondeurhumaine, l'auteur paraissant indifférent aux problèmes de ses semblables.

Voilà donc des griefs importants contrecette doctrine; mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'une position extrême.

Sans aller jusqu'à ce stade, certainsartistes ont cependant refusé l'inspiration spontanée.Les poètes de La Pléiade, Du Bellay en particulier, ont adopté cette idée et c'est justement Du Bellay qui, dans la «Défense et Illustration » de la langue française écrit : « Qu'on ne m'allègue pas que les poètes naissent...

Qui veutvoler par les mains et bouches des hommes doit longuement demeurer en sa chambre; et qui désire vivre en lamémoire de la postérité doit, comme mort en soi-même, suer et trembler maintes fois et, autant que nos poètescourtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, endurer de faim, de soif et de longues vigiles ».Autrement dit l'art poétique devient ici une sorte de sacerdoce.

Chez les auteurs du me siècle convaincus de lanécessité de l'élaboration artistique, il faut mentionner Vigny qui sentait le besoin d'un long mûrissement de sesoeuvres.

Il sait dompter ses sentiments; il ne les exprime qu'avec du recul, au travers de symboles.

Un peu commeVictor Hugo, il croit à la mission du poète et accorde une grande importance au rythme, aux mots. « Je crois fermement en une vocation ineffable qui m'est donnée » écrivait-il.Parmi nos contemporains, Paul Valéry soutient cette conception : « Je trouvais, et je le trouve encore, indigned'écrire par le seul enthousiasme; l'enthousiasme n'est pas un état d'âme d'écrivain ».

Valéry ne nie pas la valeur del'inspiration, mais il la condamne lorsqu'elle est la seule base de l'art.Cette formule de l'élaboration paraît raisonnable, mais elle peut aussi occasionner un certain hermétisme, un manquede sincérité.

Ce caractère, d'ailleurs, n'est pas particulier à la littérature; il est.

aussi présent dans l'art musical.

Ona ainsi pu reprocher à Tchalkovsky la trop grande élaboration qui nuirait, dans sa première symphonie, à la sincéritéfoncière des sentiments exprimés.Quelle part donc laisser à l'inspiration et au travail ? Un juste milieu est-il finalement souhaitable dans la créationartis• tique ?Peut-être finalement que le problème réside moins dans un recul dans le temps que dans une sorte de transposition,comme l'a conçu Mallarmé pour l'art poétique, Picasso pour la peinture.

La guerre civile d'Espagne a été pour cedernier une source d'inspiration particulièrement émouvante.

La célèbre toile« Guernica » traduit l'horreur et la révolte de l'artiste face à la violence et à la destruction.

Picasso n'eut pas besoind'un grand recul dans le temps : il créa cette oeuvre, l'année même du désastre, mais en transposant la vision desfaits.

Le spectacle de la ville bombardée a été en quelque sorte « revu » par le cerveau du peintre et transcrit à safaçon.

C'est en cela que« Guernica » n'est pas une photographie anonyme et froide, mais bien une oeuvre d'art.

Qui, mieux que RomainRolland, a exprimé cette idée de transposition lorsqu'il écrit : « L'artiste d'expérience sait bien que l'inspiration estrare et que c'est à l'intelligence d'achever l'oeuvre de l'intuition.

»En définitive, si la pensée de Henri Heine se trouve partiellement vérifiée, nous ne pouvons l'accepter sansrestriction.

Dans le domaine de l'art, qu'il soit littéraire, musical, pictural, il faut se garder des positions extrêmes.Personnellement je ne crois pas en la nécessité absolue de théories artistiques, quelles qu'elles soient.

Comme l'a ditAnouilh : « Ce qui est beau, c'est.

ce qu'on aime », et je ne trouve pas incompatible d'aimer à la fois l'art de Claudelet celui de Valéry, les poèmes de Lamartine et ceux de Vigny, bien que leurs conceptions de la création artistiquesoient différentes.. »

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