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Composition et histoire de l'ILIADE d'HOMERE

Publié le 17/03/2011

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La composition de l'Iliade. — Quelles sont les conclusions qui semblent se dégager d'une analyse critique de l'Iliade, telle que nous venons de la tenter ? Avant de les rechercher, il importe de rappeler ce que nous apprennent les poèmes homériques eux-mêmes sur les conditions de la poésie, au temps où ils furent composés. 'L'Iliade est naturellement peu instructive ; elle nous montre seulement, au chant IX, Achille et Patrocle chantant, en s'accompagnant de la phorminx (sorte de petite harpe). "L'Odyssée est plus riche en informations : à Ithaque, elle nous fait connaître l'aède Phémios, et nous pouvons considérer comme une peinture de la vie achéenne, idéalisée il est vrai, la peinture de la cour phéacienne, où Démodocos joue le même rôle, auprès du roi Alcinoos, que Phémios auprès de Pénélope ou des prétendants. Phémios et Démodocos aussi chantent, ou tout au moins récitent en s'accompagnant de la phorminx. Ils se disent inspirés par la Muse, et ont l'air d'improviser ; mais ce n'est sans doute qu'une apparence. Ils récitent pendant un festin, par conséquent des poèmes assez courts, mais ils en prennent le sujet dans une légende plus vaste; dont les éléments sont connus des auditeurs; c'est, le plus souvent, pour l'un comme pour l'autre, la légende de la guerre de Troie ; c'est aussi une fois, pour Démododocos, la fable mythologique. Ils appellent la légende dont ils détachent un épisode l'oimé, c'est-à-dire la voie ; ils emploient ce terme, quoiqu'il soit pris à un ordre d'idées différent, dans un sens analogue à celui où notre Moyen Age parlait d'une Geste.

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« précèdent ne peut guère avoir été oubliée par les aèdes ; il est bien plus naturel de penser que ceux qui ontcomposé ces récits ne les connaissaient pas encore. Nous négligerons les accroissements qui ne constituent que des épisodes, dont l'addition ou la suppression nesaurait guère modifier la structure générale de l'Iliade, par exemple la Dolonie.

Rappelons cependant qu'en ce quiconcerne celle-ci, les conjectures de la critique moderne sont peut-être appuyées par une tradition. Les observations sur lesquelles se fondent les premiers résultats de l'analyse sont difficilement contestables, si l'onne subtilise pas, et l'on ne doit pas subtiliser.

La poésie homérique, en effet, quoiqu'elle suppose un longdéveloppement antérieur, quoiqu'elle n'ait à aucun degré le caractère primitif qu'on a voulu lui attribuer parfois, estsimple dans l'expression ; elle l'est aussi dans la conception des scènes.

Les deux défauts contre lesquels il faut segarder, si l'on veut la bien comprendre sont, le premier de fermer les yeux, dans l'intérêt d'un système, à quelquesfaits évidents ; le second de pousser la recherche des étapes qui ont marqué la composition de l' Iliade, jusqu'à uneprécision qu'il ferait vain d'espérer atteindre. Le grand problème qui reste à résoudre, après ces constatations assez faciles, est celui-ci : peut-on extraire del'ensemble qui subsiste une fois que l'on a éliminé ces premiers éléments, un poème plus simple dont le sujet serait laColère d'Achille, avec ses conséquences (retraite d'Achille et défaite des Achéens ; mission et mort de Patrocle ;retour d'Achille au combat et mort d'Hector), et quelle est alors la relation de ce poème avec l'Iliade, poème dont ilne serait qu'un élément, et auquel son auteur a voulu donner un thème beaucoup plus vaste ? Non point qu'il aitentendu y traiter la guerre de Troie tout entière, mais il a voulu cependant, à propos de la querelle d'Achille,chanter, en un sens beaucoup plus général, les exploits des Achéens sous Troie. Ce problème est très délicat.

En premier lieu, s'il est assez aisé, à priori, d'imaginer un poème sur la Colère d'Achille,logique et cohérent, il l'est beaucoup moins d'extraire de notre Iliade les éléments constituants de ce poème, telsque nous les avons définis plus haut.

Deux d'entre eux se laissent mieux reconnaître que les autres : la Querelle etla Mort d'Hector, le premier qui pose l'action, le second qui la dénoue.

Tous deux, par leurs caractères poétiques,semblent pouvoir être attribués à un même auteur, à un très grand poète.

On a beaucoup plus de peine à isoler lesparties relatives à la défaite des Achéens.

On cherche souvent la suite de la Querelle dans le chant XI {Exploitsd'Agamemnon), et l'hypothèse est, à bien des égards, séduisante ; elle ne va cependant pas sans quelquesdifficultés.

Tout le récit de la mission de Patrocle, de sa victoire et de sa mort, répond, pour le fond, à notreattente ; mais nous avons vu combien de remaniements ce récit a vraisemblablement subis.

Si donc il a existé unpoème analogue à celui que supposait Grote, nous avons peine aujourd'hui à en retrouver, sous le tissu brillant etcomplexe de notre Iliade, les sûrs linéaments.

Le système de M.

M.

Croiset, selon lequel ce poème n'avait pas unecontinuité rigoureuse, simplifie assurément cette recherche, sans nous apporter partout une entière satisfaction. Mais l'Iliade est autre chose qu'une Colère d'Achille.

Elle ne se contente pas de raconter les conséquencesnécessaires de cette colère.

En donnant à la défaite des Achéens, promise à Thétis par Zeus, un développementextraordinaire, elle réussit, par une convention qui choque la vraisemblance stricte, mais que les auditeurs ont dûaccepter sans effort, à en faire comme un abrégé de toute la guerre de Troie, et à nous représenter, à la dixièmeannée de la guerre, ce qui a dû marquer la première.

Il y a là, semble-t-il, une conception poétique, le desseinpréconçu d'un poète, analogue à celui-de l'aède qui, en imaginant les récits chez Alcinoos, a donné à l'Odyssée laforme qu'elle revêt aujourd'hui.

On aimerait à croire qu'elle est due à l'auteur même de la Querelle agrandissant sonplan primitif.

Mais d'une part les chants où elle est mise en œuvre ne paraissent pas toujours révéler la mêmemanière que le chant de la Querelle ou celui de la Mort d'Hector, et présentent aussi, par rapport à ces deuxchants, des disparates d'autre nature.

D'autre part, il faut reconnaître que la transition entre la Querelle et l'Iliade,au IIe chant, a été opérée avec une grande maladresse.

Il faut reconnaître aussi qu'en d'autres endroits du poème,où se relient les différents moments de l'action, le raccord s'accomplit également par des morceaux de valeurmédiocre, composés principalement de vers-formules et où abondent les licences prosodiques.

La formation del'Iliade, même une fois éliminés les éléments les plus récents, semble donc avoir été plus longue et plus compliquéeque cette hypothèse ne le comporterait. Histoire du texte de l'Iliade.

— Quand on a, aussi largement que possible, restitué leurs droits, dans cette formation,à ce qui prime tout, c'est-à-dire à l'invention et à l'art de véritables poètes, il reste donc une place pour un travailde rajustage, de coordination auquel un compilateur pouvait suffire.

Wolf, Lachmann et beaucoup de leurssuccesseurs ont cru pouvoir trouver, dans la tradition antique elle-même, non seulement la confirmation du rôle jouépar ce compilateur, mais sa date et son nom.

Cicéron, dans le De Oratore, III, 137, a écrit que Pisistrate, « lepremier a, dit-on, disposé les livres d'Homère, qui étaient avant lui dans un état confus, dans Tordre où nous lespossédons ».

Il est probable que ce texte, et on peut en dire autant de ceux qui attribuent un rôle analogue à Solonou à Lycurgue, au lieu d'autoriser à voir dans le tyran athénien l'homme sous l'inspiration duquel des chantsprimitivement isolés auraient été réunis en un poème suivi, suppose à l'origine ce poème, découpé ensuite et mis endésordre pour le besoin des récitations, et dont Pisistrate aurait voulu rétablir l'ordre primitif.

En réalité, toutel'histoire de la formation de l'Iliade ne peut être que matière à hypothèses.

Aussi loin que remontent nosinformations, nous trouvons le poème constitué tel, dans l'ensemble, que nous le connaissons et, en somme, exposéseulement dans sa transmission aux mêmes vicissitudes que tous les autres textes littéraires. En quelles relations les textes de l'Iliade qu'on lisait en Grèce, au Ve ou IVe siècle avant notre ère, étaient-ils aveccelui que nous donnent nos manuscrits ? Nous pouvons essayer de le deviner imparfaitement, il est vrai, au moyendes citations que nous trouvons chez les écrivains de ce temps, notamment chez Platon, et au moyen des papyrus. »

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