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Concevez-vous la fonction du poète et les devoirs de la société envers lui à la façon du Chatterton d'Alfred de Vigny ?

Publié le 12/02/2012

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vigny

Platon, après avoir déclàré les poètes « chose légère, ailée, sacrée «, voulait qu'on les çhassât de sa République idéale, couronnés de lauriers. Malherbe estimait qu' «un bon poète n'est pas plus utile à l'Etat qu'un bon joueur de quilles «. Les Romantiques s'insurgent contre ces opinions. Ils font du poète le flambeau de l'humanité, le pasteur des peuples, le voyant, le prophète des temps nouveaux, l'annonciateur de l'âge d'or, et entendent qu'on le traite en conséquence. Telle est la thèse que défend Alfred de Vigny dans Chatterton....

vigny

« de conduire le vaisseau symbolique de la Grande-Bretagne est incapable de diriger sa propre barque.

Qui ne sait gouverner ni sa personne, ni sa maison et aspire a orienter un Etat vers ses destinees, doit etre tenu pour suspect. C'est un inapte, un indigne, qu'il faut &after.

Le pauvre Chatterton, plein d'illusions, rouge de folles ambitions, sombre de facon lamentable.

Il suc- combe non parce que la Societe a ete pour lui une maratre, mais parce qu'il s'est engage imprudemment dans une impasse dangereuse.

Son histoire est on ne peut plus banale.

C'est son malheureux amour qui le pousse au sui- cide; c'est son orgueil impuissant qui lui inspire le &goat de la vie; c'est son « romantisme » qui a tue cet « enfant du siecle ».

Les exigences de Chatterton-Vigny sont inadmissibles.

Le poste qui nous est presente dans ce drame est bien distinct, en effet, de l'homme de lettres, de Pecrivain genial.

Du fait qu'a dix-huit ans cet adolescent a produit quel- ques bons vers, la societe doit, a l'en croire, le prendre sous son aile.

Elle se presente a lui sous les traits du lord-maire de Londres.

Celui-ci, qui vit de bon beefteck et non de beau langage, lui offre un emploi.

C'est Men d'emploi qu'il s'agit pour ce nourrisson de la Muse! Le Poke a droit a la faineantise.

Vigny plaide cette cause pendant cinq actes.

Plus on y rale- chit et plus cette pretention apparait insoutenable : c'est celle de tons les 4 incompris », de tous les « rates » des lettres, des arts et des sciences.

II faudrait done inscrire au budget de I'Etat un chapitre special pour l'entre- tien des genies precoces?...

Mais qui serait qualifie pour les discerner?... Et qui pourrait garantir qu'ils tiendraient en leur maturite ce qu'ils pro- mettaient en leur jeunesse? Non, la Societe n'est pas plus tenue de nourrir un poke ignore qu'un menuisier meconnu, qu'un cordonnicir' incompris. Si la conception des devoirs de la Societe envers le Poke semblr 6hinae- rique dans Chatterton;' attitude que l'auteur prete a ladite Societe,est sin- gulierement enlaidie et exageree.

Est-il exact que la Societe se refuge cons- tamment et de parti-pris a reconnaitre le genie poetique? Est-il-tantkl'exem- ples de vrais pokes meconnus et reduits a la misere? Le Chattertson histo- rique possedait-il effectivement les dons que lui prete Vigny? Ori'anion- tre sans peine que le portrait etait trop fiatte.

Ne voyons-nous pas, au contraire, des poetes cheiris du public, honores, vivant dans l'aisance et par- fois dans la richesse? L' « enfant sublime » meurt multimillionnaire, et sa depouille repose au Pantheon.

Lamartine, prodigue magnifique, incapable de thesauriser, se voit octroyer, en sa vieillesse besogneuse, la rente 'd'un capital de 500.000 francs, don royal de la France fiere de ce grand homme.

Et it ne tint qu'a lui d'avoir des funerailles nationales...

Quant aux apprentis- pates, ils sont dans la situation de tons les debutants, d'un Drouot, d'un Pasteur, qui furent an moires aussi utiles a leur pays, a l'Humanite qu'un Chatterton ou un de Vigny. Quels sont done exactement la place et le role du poste dans la Societe? Entendons-nous premierement sur la definition du poste.

L'ideal ne se ren- contre pas au temps de Vigny.

Tout romantique porte en lui une tare fon- ciere.

Meme Lamartine, le plus sain du quatuor lyrique, a ete touché par le « mal du siècle ».

Il y a desequilibre des facultes chez le poke que Vigny vent imposer a la Societe.

Celle-ci, si elle est saine, doit, avant de lui accor- der son admiration et son appui, exiger certaines garanties.

La raison dolt controller chez lui l'imagination et la sensibilite.

Sans doute, it doit aussi communier avec son temps et en exprimer, dans la langue qui lui convient, les plus nobles aspirations.

Il doit, par contre, se garder de sacrifier au gout du jour, aux modes ephemeres, comme l'a fait ici notre romantique. Tout en se tenant en contact avec Paine de ses contemporains, 11 evincera ce qui, dans les preoccupations actuelles, n'est que transitoire.

En restant lui-meme, it eliminera ce qu'il pourrait y avoir de trop personnel dans son inspiration.

La Write eternelle, l'immuable Beaute seront les sources aux- quelles it s'abreuvera.

A ces conditions, le poke pourra occuper parmi les hommes une place honorable et y jouer un role utile, sinon indispensable.

Gardons-nous d'exa- gerer dans le sens des romantiques ni dans celui de Malherbe.

Le poste ne merite Ni cet exces d'honneur, ni cette indignite. Il ne dolt pas ambitionner de se substituer au pretre ou a l'homme d'Etat; :J de conduire le vaisseau symbolique de la Grande-Bretagne est incapable de diriger sa.pr.opre:barque.

Qui ne sait gouverner ni sa personne, ni sa maison et aspire à orienter un Etat vers ses destinées, doit être tenu pour suspect.

C'est un inapte, un indigne, qu'il faut écarter.

Le pauvre Chatterton, plein d'illusions, rongé de folles ambitions, sombre de façon lamentable.

Il suc­ combe non parce que la Société a été pour lui une marâtre, mais parce qu'il s'est engagé imprudemment dans une impasse dangereuse.

Son histoire est on ne peut plus banale.

C'est son malheureux amour qui le pousse au sui­ cide; c'est son orgueil impuissant qui lui inspire le dégoût de la vie; c'est son « romantisme·:.

qui a tué cet « enfant du siècle :.

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Les exigences de Chatterton-Vigny sont inadmissibles.

Le poète qui nous est présenté dans ce drame est bien distinct, en effet, de l'homme de lettres, de l'écrivain génial.

Du fait q_u'à dix-huit ans cet adolescent a produit quel­ ques· bons vers, la société dOit, à l'en croire, le prendre sous son aile.

Elle se présente à lui sous ·les traits du lord-maire de Londres.

Celui-ci, qui vit de bon beefteck et non de beau langage, lui offre un emploi.

C'est bien d'emploi qu'il s'agit pour .ce nourrisson de la Muse! .Le Poete a droit à la fainéantise.

Vigny plaide cette cause pendant cinq actes.

Plus on y réflé­ chit et plus cette prétention apparait insoutenable : c'est celle de tous les: « incompris », de tous les « ratés » des lettres, des arts et des sciences.

Il faudrait donc inscrire au budget de l'Etat un chav.itre spécial pour l'entre­ tien des génies précoces? ...

Mais qui serait qualifié pour les discerner? ...

Et qui pourrait garantir qu'ils tiendraient en leur maturité ce qu'ils pro­ mettaient en leur jeunesse? Non, la Société n'est pas plus.

tenue de nourrir un poète ignoré qu'un menuisier méconnu, qu'un cordonni~r incompris.

Si la conception des devoirs de la Société envers le Poète' semblè "êhimé­ rique dans Chatterton;' l'attitude· que l'auteur prête à ladite Société\est ,sin­ gulièrement enlaidie et exagérée.

J;:st-il exact que la Société se ref'*.

cons­ tamment et de parti-pris à reconnaître le génie poétique? Est-il•tanWd'.eJiiem­ ples de vrais poètes méconnus et réduits à la misère? Le Chatterton ~sto­ rilus sain du quatuor lyrique, â.

·été touché par·le « mal du siècle ».

Il y a deséquilij)re des facultés chez le poète que Vign veut imposer à la Société.

Celle-èi, si ·elle est saine, doit, avant de lui accor­ der son admiration et son appui, exiger certaines garanties.

La raison doit ·contrôler chez.

lui l'imagination et la sensibilité.

Sans doute, il doit aussi communier avec son temps et en exprimer, dans la langue qui lui convient, les plus nobles aspirations.

Il doit, par · contre, se gàrder · de sacrifier au goût' du jour; aux modes éphémères, comme l'a fait ici notre romantique.

Tout en se tenant· en contact avec l'âme de ses contemporains, il évincera ce qui, dans les préoccupations actuelles, n'est que transitoire.

En restant­ lui-même, il éliminera ce qu'il pourrait y avoir de trop personnel dans son· inspiration.· La Vérité éternelle, l'immuable Beauté seront les sources aux- quèlles il s'abreuvera.

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· A ces conditions, le poète pourra occuper parmi les hommes une place honorable et y jouer un rôle u~ile, sin.on indisneJ?-sa:ble.

Gardons-nous d'exa­ gérer dans le sens des romantiques m dans celui de Malherbe.

Le poète ne mérite Ni cet excès .d'honneur, ni cette indignit~.

Il ne doit pas ambitionner de se substituer au prêtre ou à l'homme d'Etat~. »

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