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CORNEILLE: « Le Cid » et les chefs-d'oeuvre.

Publié le 24/05/2011

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corneille

C'est en 1636 que le Cid dut être représenté pour la première fois. Le sujet était emprunté à Guillen de Castro, mais Corneille l'avait transposé et traité à la manière française, au point d'en faire une oeuvre d'une originalité si puissante que le modèle s'en imposera désormais à notre tragédie. Tenant compte de la différence des deux théâtres, il avait fait rentrer les événements dans l'espace fixé par les trois unités, supprimé les brutalités qui auraient choqué le goût français, et transformé une pièce d'un éclat tout extérieur en un drame dont les beautés parlent surtout à l'âme. Toutes les qualités, qui manquaient encore à la tragédie, et dont l'idée hantait les esprits, on les voyait enfin réunies. C'était un tableau d'histoire : on aurait pu en contester l'exactitude, mais la peinture séduisait par son brillant coloris. Les personnages, bien différents des figures conventionnelles qui jusque-là occupaient la scène, étaient à la fois des types personnifiant certains sentiments et des êtres vivants d'une intense individualité.

corneille

« Le Cid est la huitième pièce de Corneille.

D'après l'Excuse à Ariste, publiée en 1637, l'amour est à l'origine de savocation littéraire : épris d'une « demoiselle » (Catherine Hue, pense-t-on, fille d'un receveur des aides), il composeà son intention un sonnet, autour duquel il imagine ensuite de bâtir une intrigue : celle de Mélite, jouée durant lasaison théâtrale 1629-1630.

Sans vouloir mettre en doute les propos de Corneille sur sa vocation, il convientd'ajouter qu'il a grandi dans un milieu social et scolaire qui n'était pas défavorable au théâtre.

Rouen connaissaitalors une intense vie culturelle, et les jésuites avaient l'habitude de clore l'année scolaire par une fête où leursélèves donnaient une représentation théâtrale, jouant des pièces qu'ils avaient eux-mêmes parfois écrites (souventen latin).Après des débuts difficiles, le succès de Mélite s'avère éclatant.

Dès lors, Corneille compose et fait jouer une piècepar an : Clitandre (1630-1631 ?), La Veuve (1631-1632 ?), La Galerie du Palais et peut-être La Suivante (1632-1633 ?), La Place Royale (1633-1634), Médée (1634-1635) et L'Illusion comique (16351636).

A la veille du Cid, siCorneille n'est pas encore célèbre, il est déjà un auteur connu. Place de l'oeuvre dans l'histoire littéraire 1.

La datation du CidOn ignore les circonstances précises qui ont amené Corneille à s'intéresser à la légende du Cid (voir « Le travail del'écrivain », p.

145).

De même, on ne sait quel jour précis fut créée la pièce.

Pour le déterminer, les spécialistes del'histoire littéraire se fondent sur le passage suivant d'une lettre de Chapelain à Guez de Balzac, en date du 22janvier 1637 : « Depuis quinze jours le public a été diverti du Cid.

» Ce qui renvoie aux environs du 7 janvier 1637.Comme il était d'usage, au XVIIe siècle, de jouer la « première » un vendredi, on admet généralement que Le Cid futreprésenté au plus tôt le 2 janvier, au plus tard le 9 janvier 1637. 2.

Le Cid : une tragi-comédieSur le genre de la tragi-comédie dans lequel Corneille a d'abord rangé sa pièce, et sur la définition de celui-ci, voir «Originalité de l'oeuvre », p.

125.La plupart des éditions modernes reproduisant le texte de 1682 que Corneille a profondément remanié à la suite de laquerelle du Cid (voir « La querelle du Cid », p.

157), il n'est pas toujours aisé de repérer les éléments propres à latragi-comédie.R.

Guichemerre les a fort bien cernés dans son livre La Tragi-comédie (Paris, P.U.F., 1981, pp.

84-85).

Il écrit : « Lapièce, que son auteur appellera « tragédie » à partir de 1644 et qui passe généralement pour un chef-d'oeuvre «classique », a pourtant bien des éléments caractéristiques du genre tragi-comique : personnages hors du commun(l'amant chevaleresque qui offre sa tête à sa maîtresse offensée ou épargne le champion qu'elle lui propose, la jeunefille héroïque sacrifiant son amour au devoir de vengeance, l'infante romanesque rêvant de son beau guerrier ;situations dramatiques consacrées (une mort qui sépare deux amants, un conflit entre les liens du sang et de lapassion, des rivalités amoureuses) ; motifs traditionnels (insulte et duel sanglant, exploits du héros, combatjudiciaire, amant que l'héroïne croit mort) ; scènes mouvementées (la querelle, le défi) ou pathétiques (Chimène etDon Diègue aux pieds du roi) [...].

Il n'est guère de personnages, de situations ou de motifs du Cid qu'on n'ait déjàrencontrés dans les tragi-comédies du Du Ryer, Scudéry ou Rotrou.

» Envisagée sous cet angle, la pièce constituele chef d'oeuvre du genre, lequel connaît précisément son apogée dans la période qui s'étend de 1631 à 1642. 3.

Le Cid : une tragédieRebaptisée « tragédie » à partir de 1648, remaniée dans les éditions de 1660 et de 1682, l'oeuvre, par sa perfectionmême, dépasse dans le même temps la simple tragi-comédie pour atteindre à une majesté digne de la tragédie.

Labeauté du sujet qui oppose l'amour aux « lois du devoir et aux tendresses du sang », l'intériorisation du conflit,l'effort héroïque de Rodrigue et de Chimène, les considérations politiques, le style tour à tour vigoureux, lyrique etpathétique font du Cid une pièce capable de rivaliser avec la tragédie. 2.

L'oeuvre : architecture, mouvements, personnages L'architecture du Cid L'unité d'action chère à la dramaturgie classique (voir « Dramaturgie », p.

152) n'empêche pas que l'intrigue du Cidsoit complexe, variée et rapide.

Si l'on est parfois allé jusqu'à soutenir, non sans quelque raison, que Corneille amalmené cette unité, c'est qu'il a développé chaque épisode autant qu'il le pouvait.

On peut en distinguer cinq.1.

La querelle des pères et ses conséquences (lamentations de Don Diègue, hésitation de Rodrigue) occupent lesdeux tiers de l'acte I (scènes 3 à 6).2.

Le duel de Rodrigue et du comte, résultat fatal de la querelle, représente de la même façon un épisode complet,traité dans les six premières scènes de l'acte II — depuis les vaines démarches de Don Arias pour l'interdire (II, 1)jusqu'à l'annonce de son issue, en passant par les réactions et les inquiétudes qu'il soulève à la Cour.3.

Le procès se déroule en deux temps : la première « audience » clôt l'acte II (sc.

7 et 8).

Mis en « délibéré » (II,8, v.

733-734), le jugement intervient, après une seconde « audience » (IV, 4 et 5), dans les vers 1461 à 1464.. »

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