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Croquis Parisien (Eau-forte) - Verlaine

Publié le 09/02/2011

Extrait du document

croquis

La lune plaquait ses teintes de zinc Par angles obtus;

Des bouts de fumée en forme de cinq

Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus. Le ciel était gris. La bise pleurait Ainsi qu'un basson;

Au loin, un matou frileux et discret

Miaulait d'étrange et grêle façon. Moi j'allais, rêvant du divin Platon Et de Phidias Et de Salamine et de Marathon Sous l'œil clignotant des bleus becs de gaz.

I. —- Explication du sujet    1. Ce qu'on nous demande de faire.    On pourrait parler ici d'une « explication orientée «; elle a un but : l'originalité, c'est-à-dire ce caractère propre, unique, qui interdit toute reproduction ou toute imitation, qui très souvent défie toute explication et toute interprétation, surtout lorsqu'il s'agit de poésie, doit être reconnue et expliquée.    2. Le titre du genre : « Eau-forte «.    En termes d'art on appelle eau-forte une estampe, c'est-à-dire une image imprimée après avoir été gravée sur cuivre ou bois. C'est dire que les traits du dessin ne peuvent présenter rien de flou ou de vaporeux, mais doivent être simples et fortement accusés comme ceux de la gravure.    3. Le titre du poème : « croquis «.    Il confirme cette définition. C'est un dessin fait en quelques traits de crayon ou de pinceau, qui se borne à indiquer les formes essentielles et vraiment caractéristiques d'un objet ou d'une personne.

croquis

« 3.

Le titre du poème : « croquis ». Il confirme cette définition.

C'est un dessin fait en quelques traits de crayon ou de pinceau, qui se borne à indiquerles formes essentielles et vraiment caractéristiques d'un objet ou d'une personne. Or, c'est ce qui, en poésie, caractérise précisément l'art de Verlaine, impressionnisme de sons et d'images.

En effet,l'impressionnisme tend à rendre purement l'impression, telle qu'elle a été matériellement ressentie.

L'artiste s'attachemoins à peindre l'objet en lui-même, qu'à reconstituer les sensations qu'il a provoquées et, au lieu de décrire oud'analyser, il évoque une suite d'impressions, il juxtapose une série de sensations, variables suivant les moments etles individus.

Il s'agit donc d'un art entièrement subjectif, qui, quoique fait de sensations, est profondément nuancéd'affectivité ; c'est-à-dire la sensation est plutôt le support d'un sentiment qui, souvent, au lieu d'être décrit estsuggéré, l'essentiel demeurant que la sensation soit isolée. Or l'impressionnisme devient symboliste dans la mesure où il découvre les mystérieuses correspondances qui existententre nos sensations d'abord, puis entre nos sensations et le monde spirituel, celles-ci étant l'image de celui-là. 4- Le titre du premier recueil de Verlaine : « Poèmes Saturniens ». C'est celui où Verlaine se montre encore tributaire du Parnasse et de Baudelaire, tant au point de vue de son art,qu'au point de vue de ses sentiments, d'où, à plus forte raison, un certain « rendu nettement dessiné » (Micha);mais déjà il s'oriente vers « l'évocation de paysages nocturnes ou crépusculaires où les lignes s'estompent, où toutest noyé dans un demi-jour, tableaux à mi-chemin entre le rêve et la réalité, celle-ci se transformant en celui-là etréciproquement, visions où le rapport habituel des choses n'est pas observé » (Micha) : par le choix de ces sujets,l'art de Verlaine tend donc à évoluer. 5.

L'originalité de Verlaine. Elle demeure donc difficile à préciser, d'autant plus que par le sujet de ce petit poème « Croquis Parisien », le poètesemble délibérément réaliser avec un modèle : Baudelaire, qui s'est complu dans la peinture de la laideur desspectacles parisiens et du spectacle de Paris, des plis sinueux des vieilles capitales...

où tout, même l'horreur,tourne aux enchantements... L'art de Verlaine est complexe et raffiné, malgré son apparente ingénuité : il serait vain de tenter une espèce debilan des éléments parnassiens et des éléments symbolistes.

Son originalité c'est la fusion de diverses tendances,les nuances du détail : voilà ce qui est proprement verlainien. II.

-Du plan de cette étude et des divisions du poème 1.

Il est facile de distinguer des divisions. Les deux premières strophes reproduisent des couleurs, des formes et des sons, bien que, par une espèce de rejetstrophique (Le ciel était gris) toute distinction nette entre impressions visuelles et impressions auditives semble àdessein effacée.

La dernière strophe évoque un état d'âme, bien que le dernier vers associe la vision intermittentedes becs de gaz à la rêverie du poète : il y a là une « profonde et ténébreuse unité ». 2.

Ces divisions ne sauraient cependant nous servir de plan. Nous rejetons aussi la division, trop factice, des couleurs et des sons, parce que leur perception est indivise.

Pourdégager l'originalité du poème, il faut évidemment étudier à part le contenu et la forme, c'est-à-dire la versification;pour le contenu même, distinguer la peinture proprement dite, c'est-à-dire l'art, et l'état d'âme.

Mais n'avons-nouspas, compte tenu du premier recueil de Verlaine, à notre portée, des principes plus justes, c'est-à-dire une divisionplus pertinente? Notre introduction nous a permis de dégager trois tendances : une parnassienne : le réalisme; unebaudelairienne, qui, nous le verrons, se ramène au goût du fantastique ; enfin une tendance proprementverlainienne, le baroque, ce bizarre, cet inattendu qui choque.

Ceci dit, presque chaque mot exige un commentaireparticulier dans le cadre de cet ensemble. III.

— Le sujet traité. A.

—- Le tableau. 1° Le réalisme parnassien : dans V indication des couleurs Ses teintes de zinc : un mot vague associé à unemétaphore très précise.

On connaît le goût des Parnassiens, à commencer par Gautier, pour les métaphores tiréesde l'aspect et de la consistance des métaux.

Le reflet blanc-bleuâtre de ce métal, très vif quand il est poli, rendparfaitement les clartés évanescentes de l'éclairage lunaire.

Le verbe plaquer, employé « absolument » (sanscomplément de lieu) donne la sensation de quelque chose d'artificiel qui recouvre uniformément et fige dansl'immobilité.

Il en est de même du ciel gris, signe de la saison hivernale, symbole de lassitude et de tristesse,d'immobilité sépulcrale.

On sait aussi combien les Parnassiens (cf.

Leconte de Lisle : Le vent froid de la nuit...)aimaient ces tableaux funèbres qui sont l'expression de leur pessimisme.. »

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