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Daniel Boulanger : « En été », Les Noces du merle

Publié le 24/02/2011

Extrait du document

  [Après avoir mené une vie aventureuse jusqu'en 1958, D. Boulanger se consacra à la rédaction de scénarios de films et de nouvelles qui lui valurent plusieurs prix. Dans ses nouvelles, les personnages ont souvent plus de cinquante ans, ils vivent en province d'une façon banale, un peu vieillotte, sans révolte. L'art de cet auteur est de savoir en peu de pages, par tel geste, quelques mots, les individualiser, leur enlever tout caractère stéréotypé, conventionnel. Parmi ses œuvres : Les Noces du merle, Vessies et Lanternes, Fouette cocher ! Il est l'auteur, entre autres, des scénarios de L'Homme de Rio et d'À bout de souffle.]  Dans le jardin au milieu des champs et sous le saule au milieu du jardin, les enfants se sont réfugiés. Ils parlent à voix basse. Leur rire parfois s'égare en papillon jusqu'au soleil. La mère est à l'ombre de la grange. Le père, de vague en vague, s'enfonce dans 5 le sommeil, retrouvant dans la chambre qui tangue avec douceur tout un lot de couleurs qui s'enfuient par la porte et brûlent sur les pierres. Avant le repas de midi, manège autour de la carafe d'eau, les enfants sont rentrés chargés de fleurs. L'oie les suivait, qui s'appelle Séraphine, sous l'œil en coin du chien qui veille près de 10 la table, au frais des carreaux rouges. Il n'y a personne au-delà de ce monde, mais dans le globe de la lumière où les arbres ont la pâleur d'un bouquet de mariée un bonheur encore se prépare d'où naîtra le vent. On le sent déjà qui nous désire. L'unique oiseau qui se tenait immobile en plein ciel tombe au ras des chaumes. Il n'y a 15 plus à vivre que l'instant. Au retour de la fraîcheur, les yeux se regardent et se découvrent. La maison sent le pain. Le père, avant la nuit, dira l'histoire qu'on lui réclame, un conte qui ressemble à ce jour hors du temps, sans héros et sans gestes, qui s'ouvre et se ferme avec la délicatesse d'une fleur. Après, nous irons regarder les 20 astres qu'une fois encore les enfants se mettront à compter. 
 Vous ferez un commentaire composé de cette brève nouvelle. Vous étudierez comment le jeu des sensations exprime le bonheur d'un jour d'été.

« C.

De la matinée au crépuscule - Nous suivons les étapes de ce jour d'été, de la matinée au crépuscule.

La structure du texte épouse lesdifférentes heures : en fin de matinée, la famille est dispersée (l.

1-6) ; puis elle se réunit à midi (l.

7-10) avant desombrer dans la torpeur de l'après-midi (l.

10-15) ; enfin vient il fraîche soirée (l.

15-20). - Les moments de plus grande chaleur et de plus intense lumière sont aussi ceux du silence : ce n'est que le soirque la famille raconte ; le matin ne laissait filtrer que des chuchotements et des rires : « Ils parlent à voix basse.Leur rire parfois s'égare en papillon » (l.

2-3). Transition : malgré la chaleur de ce jour, le monde que nous offre Boulanger ici baigne dans une paisible sensualité. II.

La sensualité paisible A.

Un monde clos et protégé - Le texte reprend sans cesse une image du cercle : la pièce d'ombre de l'arbre, le globe de lumière ou « manègeautour de la carafe d'eau » (l.7). - La première phrase donne le ton, avec ses longs compléments : « dans le jardin au milieu des champs et sous lesaule au milieu du jardin » (l.

1-2).

La double construction, par « dans » et « sous », dessine un espace clos quisymbolise la protection. B.

Un univers harmonieux - Les métaphores* font de tous les éléments un univers harmonieux : le rire enfantin « s'égare en papillon jusqu'ausoleil », 1.

3), « les arbres ont la pâleur d'un bouquet de mariée » (l.

11-12) et le jour se fait fleur(l.

19). - Cette correspondance harmonieuse réapparaît dans la mention du désir du vent (ou du bonheur) : « un bonheurencore se prépare d'où naîtra le vent.

On le sent déjà qui nous désire » (l.

12-13). C.

Profiter de la vie - Ce désir sans objet qui baigne la nouvelle sert l'idée qu'il faut profiter de la vie sans raisonner.

Ainsi les phrasessouvent courtes sont-elles des invites à goûter l'existence et sans nous appesantir sur la réflexion : « Il n'y a plus àvivre que l'instant.

» (l.

14-15). - Une forme de sensualité commande l'atmosphère de ce texte.

Les sensations tactiles de bien-être, en particulier,sont goûtées par tous : les humains recherchent la fraîcheur de l'ombre et des pièces closes ; le chien trompe lachaleur, allongé sur le carrelage ; on attend la venue prochaine de la brise du soir. - D'autres sensations délicieuses sont à noter : « la maison sent le pain » (l.

16), « avant le repas de midi » (l.

7)laisse attendre quelque bonne odeur ; la grange (l.

4) suggère le parfum des foins coupés, comme les fleursrapportées (l.

8) brassent leurs senteurs. Transition : parallèlement à la description d'une réalité bien concrète et marquée par la sensualité, le texte nousconvie à une rêverie qui ouvre et ferme la nouvelle. III.

Le temps suspendu A.

De la réalité au conte - Le père, pris par un sommeil léger, flotte dans une certaine irréalité, « de vague en vague, s'enfonce dans lesommeil, retrouvant dans la chambre qui tangue tout un lot de couleurs » (l.4 à 6). - À la fin du texte, grâce au père encore, la réalité cède le pas au conte pour enfants : « le père [...] dira l'histoirequ'on lui réclame, un conte qui ressemble à ce jour » (l.

16-17). B.

Le mouvement en spirale - L'image de la spirale parcourt le texte en s'élargissant.

Le point de vue, qui est d'abord celui des personnagesprésentés dans les premières phrases (enfants, mère et père), devient peu à peu impersonnel pour s'attacher à un «nous » qui fait du narrateur partie prenante de l'évocation et avec lui, le lecteur. - D'autre part, nous constatons un rétrécissement suivi d'un élargissement, comme si la nouvelle dessinait un sablier: l'on passe des champs à la table par les intermédiaires du jardin, de la grange et de la chambre ; puis du globe,nous allons, par la maison, jusqu'au ciel étoi-lé.

Le passage d'un monde en miniature à l'univers entier emprunte lesvoies du regard : « les yeux se regardent » (l.

15-16) puis tous vont « regarder les astres » (l.

19-20).. »

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