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Dans quelle mesure les reprises modernes du personnage central de l' Odyssée renouvellent la figure du héros et si elles autorisent à parler de mythe à propos d'Ulysse.

Publié le 23/02/2012

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En ce lundi 15 novembre, la Filmothèque du Quartier Latin projette Le Regard d'Ulysse, véritable réactualisation cinématographique du poème homérique, du cinéaste grec Théo Angelopoulos. Cela illustre la force et l'actualité de l'intérêt que portent les artistes ainsi que le public à l'épopée d' Ulysse. À l'image des Muses, ce héros a de tout temps inspiré les auteurs. Ainsi Ulysse s'est évadé de son hexamètre dactylique pour se lover sous les alexandrins, les poèmes en prose et autres oeuvres romanesques, mais également exister sur les planches et se réinventer sur les bobines pour enfin se perdre sur une toile de Pablo Picasso. De la même manière, les héritiers d'Ulysse foisonnent. Qu'ils soient voyageurs de l'âme ou du monde, ces passeurs sont devenus eux aussi des figures emblématiques : Tintin, les Hippies, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Phileas Fogg, Théodore Monod ou encore Arthur Rimbaud. Cette vague constamment renouvelée d'enfants d'Ulysse, nous donnerait à croire que celui-ci revête le statut de modèle fondateur.

« à un «beau parleur».

En effet, ses compagnons ayant péri durant le voyage, Ulysse se retrouve seul témoin et dépositaire deson propre récit.

De cette ambiguïté sur l'entière véracité de celui-ci, le romancier moderne Jean Giono, dans une oeuvre dejeunesse, donne un nouveau sens aux récits du héros : Ulysse aurait tout inventé.

Ulysse emprunterait alors la figure du plusgrand mythomane de la littérature, son mensonge s'étendant sur plus de deux millénaires.

L'Ulysse de Giono perd alorstotalement sa dimension héroïque, il n'est qu'homme, dont l'imagination aurait tendance à déborder.

Alors Ulysse n'est plussimplement la figure du voyage ou de l'errance, et à travers de telle réécriture, tend à s'humaniser davantage.

Comme par-exemple chez Joyce qui adapte l'errance d'Ulysse au cheminement psychique d'un homme , par le procédé du monologueintérieur.

Également, l'auteur irlandais dépeint, à travers un style saccadé et volontairement embrumé, un Ulysse enivré,dans la reprise de l'épisode des sirènes.

Ulysse alors héros de la guerre de Troie devient figure même de l' «anti-héros» dansl'oeuvre de Joyce.

Ainsi, cet Ulysse qui se voyait à l'origine, dépourvu d'une véritable psychologie, est constamment épaissi lors de sesréécritures.

Ce cheminement en profondeur de l'humanisation de ce personnage, tendrait alors à l'avènement de celui-ci entant que figure même de l'Homme.

En effet, dans Les Compagnons d'Ulysse de La Fontaine, alors que Circé a transformé tousses hommes en animaux, Ulysse demeure le dernier Homme.

Il devient alors le garant de l'humanité.

Qui plus est à traversson argumentation en faveur de la nature humaine, face à ses compagnons qui se complaisent dans leur nouvel état de bête.Face à ces «esclaves d'eux-mêmes», Ulysse débute une lutte pour l'Humanité.

Contre la barbarie et l'assujettissementvolontaire, Ulysse devient alors le symbole même de la conscience humaine.

De la même manière, Jean Giraudouxrenouvelle la figure de ce héros en lui assignant une conscience politique.

La Guerre de Troie n'aura pas lieu est en effet unetransposition de la situation de l'avant-guerre à l'époque de l'Iliade.

De part sa lucidité, son pragmatisme et sa sagesse, Ulyssedevient l'archétype de l'homme politique moderne.

Cependant, cette constante modernisation combinée à cette volontéd'universalisation trouve son paroxysme dans l'oeuvre du poète grec Constantin Cavafy.

Par son utilisation de la secondepersonne du singulier et celle de l'impératif, le poète tend à révéler en chacun de nous un Ulysse.

«Quand tu partiras pourIthaque» nous invite à voyager également, aussi bien de part le monde qu'en nous même.

Il montre que les véritablesdangers qu'a dû affronter Ulysse, Lestrygons, les Cyclopes ou encore la colère de Poseidon, ne sont que les démons quisiègent en notre âme.

À la manière d'un Siddhartha, le poète montre que «le but est sans importance, seul le voyagecompte», pour enfin conclure sur la pluralité d'Ithaque.

Ainsi, chacun d'entre nous possède une Ithaque, et chacun d'entrenous se doit d'entamer le voyage pour la rejoindre, que celui-ci dure vingt ans ou plus encore.

À travers les nombreuses reprises de la figure d'Ulysse, ce personnage possédant une matrice originelle restreinte, ne cessade s'approfondir et de se renouveler pour atteindre un absolu : endosser le poids de l'humanité.

Ulysse est le premierhomme.

Et de ce fait, chaque homme est un Ulysse.

De part son statut de fondateur, peut-on considérer Ulysse comme unmythe ? Nous retrouvons, au sein même de ses réécritures, la volonté des auteurs de mythifier ce personnage.

Si Du Bellayassimile Ulysse aux figures du mythe de Rome, comme le Tibre ou le mont Palatin, Dante quant à lui procède à cettemythification par le procédé de mise en abyme.

Tout comme Ulysse rencontre au chant XI les figures mythiques aux enfers,comme l'ombre d'Héraclès par-exemple, en ce même lieu, Dante rencontre Ulysse dans la Divine Comédie.

Ainsi, si les auteurs eux-mêmes tente d'élever la figure d'Ulysse au rang de mythe, c'est bien que cette question poseproblème encore aujourd'hui, près de 28 siècle après le temps d'Homère : peut-on véritablement parler de mythe à proposd'Ulysse ? Nous nous proposons tout d'abord de revenir à l'origine de la création d'une figure mythique : dans la civilisation greco-romaine, la généalogie du personnage est une condition sine qua non à la mythification.

Ce mécanisme n'est pas conscient,mais pour qu'une civilisation puisse adhérer totalement à une figure mythique, celle-ci doit avoir systématiquement desorigines divines.

En effet, la mythologie grecque est lue par les grecs comme une métaphore sur l'origine du monde maiségalement sur celle de la civilisation hellénistique.

Ainsi, pour qu'une figure prétende à accéder au stade du mythe et doncrivaliser avec la mythologie, il doit forcément appartenir à celle-ci.

L'exemple d'Héraclès montre bien qu'en Grèce, le destindu héros mythique est l'Olympe.

Le «divin Ulysse» mérite-il sa place aux côtés des autres figures mythiques fondatrices ? Ilest fils de Laërte et d'Anticlée.

Certains lui prêtent une origine divine : il serait le descendant d'Éole.

Cependant, cetteprécision généalogique est absente de l'oeuvre d'Homère.

De plus, même la divinité d'Éole est remise en question : chezHomère, Éole n'est qu'un mortel bien qu'il soit «maître des vents», tandis que chez Euripide, Éole est fils de Poséidon et deMélanipe et devient alors «dieu des vents».

La distinction reste obscure, nous préférons donc assigner un statut de simplemortel au personnage d'Ulysse.

Néanmoins, si Ulysse est dépourvu de toute aura divine à sa naissance, son héroïsme légendaire durant la guerre de Troie luipermettrait de valoir un dieu.

En effet, son κλέος semble le précéder où qu'il aille.Ainsi, chez les Phéaciens, l'aède Démodokos chante une première fois la querelle entre Achille et Ulysse, puis les amoursd'Arès et Aphrodite, enfin il conte l'épisode du «cheval de bois».

Cela montre deux choses significatives : tout d'abord, Ulysseest un sujet mythologique, au même titre que des dieux (ici Arès ou Aphrodite), ensuite que sa renommée parcourt toute laGrèce et qu'elle s'accompagne d'un culte grandissant.

De plus, Ulysse n'est pas simplement le héros de Troie, il est égalementle héros de sa propre bataille, l' Odyssée.

À la manière des douze travaux d'Hercule ou encore de la condamnation divine deSisyphe, Ulysse a su relever des épreuves extraordinaires et terrasser les monstres de la mer Méditerranée.

Il s'est mesuré àun Dieu, Poséidon, et a réussi à lui survivre.

Aussi, sa gloire ne s'arrête pas au peuple de Nausicoos ni à l'univers homérique :elle a traversé les temps et les frontières.

Ulysse demeure aujourd'hui dans l'esprit de tous, celui qui a résisté aux Sirènes et. »

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