Devoir de Philosophie

DES PÉRIERS Bonaventure : sa vie et son oeuvre

Publié le 22/11/2018

Extrait du document

DES PÉRIERS Bonaventure (vers 1510-1543?). Poète, conteur et philosophe, Bonaventure Des Périers est sans doute né à Arnay-le-Duc, en Bourgogne. Il commence vraisemblablement ses études à Autun à partir de 1525; il y trouve un appui auprès de Robert Hurault, abbé de Saint-Martin, humaniste et ami de Marguerite de Navarre. Il a sans doute été, dans cette période au moins, maître d'école. Suivent des années obscures, de vie « vagabonde », où la « povreté, de langueurs courra-tière », harcèle « la povre et lasse créature », comme il l’avouera dans ses poèmes. Il rencontre, sans doute à Avignon, au début des années 1530, l’humaniste Antoine Du Moulin, qui allait devenir comme lui secrétaire et valet de chambre de Marguerite de Navarre : cet ami fidèle publiera ses poèmes en 1544, après sa mort.

 

La période la moins mal connue de la vie de Des Périers commence vers 1535, quand il s’intégre à une équipe de jeunes humanistes groupés à Neufchâtel, autour d’Olivétan, afin de donner la première traduction française de la Bible; elle sort en juin 1535 des presses d’un imprimeur réformé, Pierre de Vingle. Des Périers semble n’y avoir contribué que par un index des mots hébreux, chaldéens et grecs (!), et un distique qui nous assure de sa participation. S’est-il alors détaché du mouvement réformé? En tout cas, il revient à Lyon, vers 1536, et l’on sait, par Etienne Dolet lui-même, que Des Périers l’a aidé dans l’énorme travail de préparation de ses Commentaires de la langue latine (1536 et 1538). Il fait alors partie de ce groupe lyonnais si brillant qui réunit poètes, humanistes et imprimeurs, et qui prend parti — Des Périers parmi les premiers — en faveur de Marot contre Sagon, en 1536. Cette même année, Des Périers rencontre Marguerite de Navarre, presque par hasard, dans la foule d'une cérémonie religieuse; déjà la poésie de la reine cristallisait ses espoirs : « Là la congneuz avant que je la veisse ». Dès lors, le poète n'aura de cesse d’être à son service. Il lui fait parvenir un long poème tendre et ironique, la Prognostication des prognostications, où il se joue, comme Rabelais, des faiseurs de prophéties, et où il évoque cette timidité maladive — cette « honte langoureuse » — qui l’a saisi en la voyant et qui ne le quittera plus :

 

...Or t'ai-je veue, et si est bien possible, Qu'aussi m'as veu, en trouppe confusible. Quand plaisamment tu jettas tes deux yeux Sur nous qu'étions voz spectateurs joyeux; Mais, en l'instant de cette veue heureuse, Je fuz attainct de honte langoureuse...

 

Marguerite le prend à son service, comme valet de chambre, au printemps 1536 : il compose pour elle, transcrit les manuscrits de la reine (adoptant le surnom de DÉDALUS, parce que, dit-il, « sa plume y prend sa récréation »), participe sans doute à toutes les activités de cette cour très mobile qui le mène de Lyon à Paris ou à Nérac. Il commence vraisemblablement à écrire ses Nouvelles Récréations et joyeux devis, en même temps que la reine compose et dicte les premiers morceaux de son Heptaméron. Coïncidence : les deux œuvres paraîtront, posthumes, la même année 1558 — très différentes, et pourtant plusieurs fois confondues plus tard.

 

A la fin de 1537, sort des presses de l’imprimeur parisien Jean Morin le seul texte important que Des Périers public de son vivant : les quatre dialogues vifs et rapides de son Cymbalum mundi, qui vont faire couler beaucoup d’encre et condamner à mort son imprimeur (mais d’autres publications ont davantage compté dans cette condamnation). Des Périers n’est pas inquiété : l’appui de Marguerite a sans doute suffi alors. Il le perd peut-être en 1540, le retrouve en 1541. Puis c’est le silence complet autour de son nom, jusqu’à la parution, en 1544, de ses œuvres poétiques, éditées par Du Moulin : Bonaventure vient de mourir sous les coups d’une « Mort implacable » qui fait fondre en larmes son ami chaque fois qu'il y songe. Il est bien possible que Des Périers se soit suicidé en 1543, comme le bruit en courra par la suite.

 

« Loysir et Liberté »

 

Jeune homme mélancolique, Des Périers a négligé de répondre aux attaques extrêmement violentes qui ont pu lui être adressées par de hargneux poètes néo-latins tels que Visagier ou Bourbon, ou encore par Calvin : il serait, avec Rabelais et d’autres (dont Dolet, sur lequel il a eu une influence certaine), de ceux qui, après avoir « goûté à l’Évangile », seraient devenus athées, ou auraient adopté l’horrible position des « nicodémites », ralliés de cœur à la Réforme mais dissimulant leur vraie foi sous l’obéissance extérieure à l'Église. Pour ces censeurs, en effet, point de marge où pourraient s’exprimer des hésitations, une réflexion ironique, voire des tendances mystiques — bien en accord avec l’esprit de la reine.

 

On voudrait pourtant laisser plus de liberté au vrai poète qu’il a été et que ses contemporains ont reconnu. Les textes que nous a transmis Du Moulin sont importants : Des Périers s’y analyse d’une façon assez inhabituelle alors, en particulier dans ses efforts pour aborder Marguerite. Ses poèmes sont scandés par son admiration pour elle, par une peur constante. Que son appui vienne à lui manquer, qu’elle « l’oublie » dans la liste de ses serviteurs, alors « Pour Bonaventure, Malheur! ». Sans doute était-il prêt, en effet, à aller jusqu’au bout, lui précisément qui, dans l’une de ses dernières pièces, révèle sa soif un peu mystérieuse de liberté :

 

Loysir et Liberté

 

C'est bien son seul désir :

 

Ce serait ur plaisir Pour traicter Vérité, L'esprit inquiété Ne se fait que moysir. Loysir et Liberté. S'ilz viennent cet été Liberté et Loysir, Hz la pourront saisir A perpétuité...

 

Ce désir de vérité s’est d’abord satisfait chez Platon, dont il traduit le Lysis (1536) et dont il rappelle le mythe de l’Androgyne — « l’Homfenin » — dans son Blason du nombril (1537) [voir Blasons], curieux poème qui fait de l’homme un nourrisson du Ciel, de Marguerite la sœur des vertus célestes, du centre du corps un lieu de « souveraine Volupté » dans l’attente de l’Unité retrouvée. De ce platonisme complètement repensé, de ses sources (Ausone compris) qu’il nous fait oublier, lui ne retient que le plus chaleureux, le plus humain : un va-et-vient constant entre les considérations les plus abstraites et la perception la plus sensible de l’existence — depuis la « queste d’amytié » jusqu’aux douces semonces adressées à un petit enfant dont il note attentivement la sensualité de jeune « chatton ». L’une des caractéristiques les plus nouvelles de la poésie de Des Périers (en cela, il est tout à fait proche de Maurice Scève) est d’avoir bouleversé l’accord antérieur entre syntaxe et vers pour obtenir des effets de continuité, de souplesse et

« Périers publie de son vivant : les quatre dialogues vifs et rapides de son Cymbalum mundi, qui vont faire couler beaucoup d'encre et condamner à mort son imprimeur (mais d'autres publications ont davantage compté dans cette condamnation).

Des Périers n'est pas inquiété : l'appui de Marguerite a sans doute suffi alors.

II le perd peut-être en 1540, Je retrouve en 1541.

Puis c'est le silence complet autour de son nom, jusqu'à la parution, en 1544, de ses œuvres poétiques, éditées par Du Mou­ lin : Bonaventure vient de mourir sous les coups d'une « Mort implacable » qui fait f0ndre en larmes son ami chaque fois qu'il y songe.

Il est bien possible que Des Périers se soit suicidé en 1543, comme le bruit en courra par la suite.

>.

Sans doute était-il prêt, en effet, à aller jusqu'au bout, lui précisément qui, dans l'une de ses dernières pièces, révèle sa soif un peu mystérieuse de liberté : L o ysir et liberté C'est bien son seul dés ir : Ce serait ur pla isi r Pour traic te r Vérité, L'esprit inquiété Ne se fait que moysir.

Loysir et Liberté.

S'ilz viennent cet été L ib erté et Loysir, llz la pour re nt sai sir A p erpé tui té ...

Ce désir de vérité s'est d'abord satisfait chez Platon, dont il traduit le Lysis (1536) et dont il rappelle le mythe de l'Androgyne -« J'Homfenin » - dans son Blason du nombril (1537) [voir BLASONS], curieux poème qui fait de l'homme un nourrisson du Ciel, de Marguerite la sœur des vertus célestes, du centre du corps un lieu de «souveraine Volupté» dans l'attente de l'Unité retrou­ vée.

De ce platonisme complètement repensé, de ses sources (Ausone compris) qu'il nous fait oublier, lui ne retient que le plus chaleureux, le plus humain : un va-et-vient constant entre les considérations les plus abs­ traites et la perception la plus sensible de 1 'existence - depuis la « queste d'amytié >>jusqu'aux douces semon­ ces adressées ii un petit enfant dont il note attentivement la sensualité de jeune « chatton >>.

L'une des caractéristi­ ques les plus nouvelles de la poésie de Des Périers (en cela, il est tout à fait proche de Maurice Scève) est d'avoir bouleversé l'accord antérieur entre syntaxe et vers pour obtenir des effets de continuité, de souplesse et de concentration très élaborés, qu'il suive le déploiement d'un bouton de rose ou qu'il mime dans un« Chant de vendanges>> les propos rabelaisiens et les cris d'un homme ivre.

Homme tourmenté, il sait de quoi est faite la gaieté qu'il provoque, mais dont il ne jouit pas longtemps, lui qui déclare, en tête de ses Joyeux Devis : Je me suis bien contraint pour les escrir e ...

Et en un jour plein de mélancolie Meslons au moin s une he ure de p lai si r.

Récréations Le conteur -le meilleur peut-être de tout son siècle, si 1' on excepte Rabelais -affecte en effet de ne vouloir que rire, mais avec une telle diversité et une telle élé­ gance que le seul texte des Nouvelles Récréations et joyeux devis fera sa réputation quand Nodier Je reconnaî­ tra en plein romantisme.

Ses nouvelles doivent beaucoup aux recueils français antérieurs, aux sources orales, à la société de cour gu' il a connue, et encore plus aux recueils de facéties latines que le Pogge mit à la mode en Italie au milieu du xve siècle, et qui se répandirent en Europe.

De la facétie il garde souvent la concision extrême, le schéma fort que fournit la reproduction d'un bon tour ou d'un bon mot (le trompeur trompé est un de ses types favoris, comme le faux savant qui manie malle langage).

Quelquefois il se plaît à enchaîner ces éléments par ana­ logie, ou à les gonfler, sans en avoir l'air, de quelques considérations plus abstraites, menées rondement : De quoi est fait le langage? L'humeur d'un homme déter­ mine-t-elle ses folies? et son milieu? Pourquoi refuser le plaisir? Pourquoi ne pas tromper une société qui ne demande que cela? Où sont les injustices? etc.

Mais jamais il ne moralise.

La fameuse histoire du « Pot-au-lait », que La Fontaine lui reprendra, n'est chez lui - en apparence, en tout cas- qu'une attaque contre les alchimistes : avant tout, Des Périers aime chercher la voie claire, suivre la nature -qu'il entend un peu comme le fait Rabelais -et « ne prendre point trop les matières à cœur».

Il ne s'attarde à rien, quoiqu'il ait clairement conscience que la nouvelle tend à s'amplifier et à créer des personnages; mais son goOt de l'esquive lui fait imbriquer dialogues et narration, changer sans cesse de point de vue, rompre les accords : c'est ainsi que le lecteur se retrouve, à force de chassés-croisés, du côté des coupeurs de bourse.

Silences Sans doute Des Périers voulait-il déjà s'amuser dans Je Cymbalum mundi.

Sur les dates et le procès qui le condamna, on ne peut que renvoyer aux recherches de Lucien Febvre et de V .-L.

Saulnier.

Sous un titre mysté­ rieux ( « le Tambour du monde » ), l'auteur ridiculise l'homme dans sa vanité à parler.

Fidèle à 1 'esprit de Lucien, ce Grec railleur des dieux et des hommes dont les écrits servirent de modèle à bien des textes parado­ xaux du xvre siècle, et qui les fit taxer d'impiété, Des Périers écrit quatre dialogues pleins d'humour .; la parole fournit leur propre mise en scène à une quinzaine de personnages et réserve toutes les possibilités de contra­ diction aux dieux et aux hommes (parmi eux, beaucoup d'animaux : chevaux et chiens qui parlent, pies philoso­ phes, corbeaux causeurs, etc.).

Un Mercure facétieux, voleur volé, gentil (mais non inconditionnel) commis­ sionnaire des dieux et des déesses (dont « sa dame Minerve», qui ressemble fort à Marguerite), bref, un Mercure qui tient beaucoup à Des Périers lui-même, fait 1' unité des trois premiers dialogues.

li rencontre deux sots et cupides bourgeois athéniens (lyonnais), qui lui volent le livre de Jupiter (François I•'?) : ce livre prédit. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles