DIALECTIQUE DE LA NOSTALGIE ET DU VOULOIR VIVRE
Publié le 30/03/2012
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Le romantisme aristocratique : de l'élégie à la critique
Aux premiers temps de la Restauration, et jusqu'à la veille de 1830, les mots de romantique et de romantisme renvoient à des hommes qui sont, en politique, de droite ou d'extrême droite, en religion, ultra-catholiques et qui, en littérature, tiennent pour une révision des traditions issues du 18e siècle, à la fois clair, raisonnable et classique. La Presse et la critique libérale, qui défendent la " civilisation « fourmillent de traits décochés aux " poètes de sacristie " bien vus du pouvoir, pensionnés, décorés, ouvriers, contre Voltaire et surtout contre les voltairiens, d'une régression " gothique " de la littérature. Dans Un grand homme de province à Paris, décrivant la France de 1820, Balzac fait dire à Lousteau que les écrivains royalistes sont romantiques et que les libéraux sont classiques; cette phrase, en 1839, a un léger parfum d'archaïsme : elle définit un moment, désormais dépassé, de la bataille idéologique et culturelle au début du siècle, mais qui eut sa virulence et sa signification. On ne peut s'empêcher, toutefois, de poser la question : comment des hommes d'ordre et de tradition, des hommes qui entendaient restaurer...
«
la société, pouvaient-ils être des novateurs en litté
rature et des lâcheurs de démons ? En fait, le choix
n'était nullement esthétique et formel, mais moral ;
il résultait d'une expérience profonde de frustration,
et du refus non moins profondément fondé de
l'uni
vers et des valeurs libérales.
Les écrivains et les héros de ce romantisme gentil homme, qu'on voit se développer des premiers jours de l'émigration à la Révolution de 1848 sont bien connus: Chateaubriand, Lamartine, Vigny (le cas de Musset est
quelque peu différent ; malgré son nom et un certain
style
" dandy "• l'auteur de Lorenzaccio n'est guère relié à l'ancienne France).
Un Barbey d'Aurevilly, plus tard dans le siècle, continue la tradition de ces grands isolés hau
tains, qui nourrissent leur haine du monde moderne et
bourgeois uniquement des souvenirs et images contre
révolutionnai res.
Aux écrivains proprement aristocrates, il faut ajou
ter
les créations littéraires et les œuvres qui, pour
diverses raisons, s'inspirent des souffrances et
solitu
des nées de la Révolution : les premiers romans de
Charles Nodier (Adèle, Thérèse Aubert) ; les premiè
res œuvres du jeune Hugo ;
Le Lys dans la vallée,
de Balzac, Volupté, de Sainte-Beuve.
Il faut y ajouter
toute une
infra-littérature nourrie de guillotinades,
d'exils,
de misères précoces, de souvenirs et de nos
talgies.
De bons exemples se trouvent dans Le Régi
cide
(anonyme, de 1820), dans l'Ernest, de Brisset
(1821).
Quant aux romans du vicomte
d'Arlincourt,
qui eurent un prodigieux succès (Le Solitaire eut,
de
1820 à 1830 trente éditions, et connut, en 1822,
les honneurs, alors rarissimes pour un roman, d'une
édition dans
le format noble de l'in-8°), c'est par l'in
termédiaire des thèmes troubadours et chevaleres
ques qu'ils exprimaient cette nostalgie d'une ancien
ne France,
plus belle, plus romanesque que la France.
»
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