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IV LE NÉANT : LE TERME OU ABOUTIT LA NÉGATION DU VOULOIR-VIVRE A) SENS RELATIF ET SENS POSITIF OPTIMISME ?

Publié le 23/10/2012

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IV LE NÉANT : LE TERME OU ABOUTIT LA NÉGATION DU VOULOIR-VIVRE A) SENS RELATIF ET SENS POSITIF OPTIMISME ? « CE NÉANT EST LA SEULE RÉALITÉ VRAIE ET C'EST NOTRE MONDE ACTUEL QUI EST LE NÉANT VÉRITABLE « Je viens de terminer l'esquisse de la morale et en même temps le développement de cette idée unique qu'il s'agissait d'exposer ; je me propose maintenant de m'occuper de la critique à laquelle prête la dernière partie de mon travail, non pour y échapper, mais, au contraire, pour faire voir qu'elle s'appuie sur l'essence même du sujet, et qu'il est absolument impossible de s'y soustraire. Voici, en résumé, cette critique : une fois amenés, par nos spéculations, à voir la sainteté parfaite dans la négation et le sacrifice de tout vouloir, une fois affranchis, grâce à cette conviction, d'un monde dont toute l'essence se réduit pour nous à la douleur, le dernier mot de la sagesse ne consiste désormais, pour nous, qu'à nous abîmer dans le néant. A ce propos, je dois observer, d'abord, que le concept du néant est essentiellement relatif ; il se rapporte toujours à un objet déterminé, dont il prononce la négation. D'après une analyse, dont Kant est le principal auteur, l'on dis- tingue le nihil privativum et le nihil negativum ; le premier, seul, est relatif : c'est une quantité précédée du signe —, par opposition à une autre précédée du signe -I- ; mais il reste possible, en se plaçant au point de vue contraire, de changer le signe — en signe : à ce nihil privativum on oppose le nihil negativum, lequel est un néant absolu ; l'on donne comme exemple du nihil negativum la contradiction logique qui se détruit elle-même. Pourtant, à y regarder de plus près, il n'y a point de néant absolu ; le nihil negativum proprement dit n'existe point, ce n'est pas une notion pensable ; tout néant de ce genre, dès qu'on le considère à un point de vue plus élevé, dès qu'on le subsume sous un concept plus étendu, ne peut manquer de se réduire au nihil privativum. Tout néant n'est qualifié de néant que par rapport à une autre chose ; tout néant suppose ce rapport, et par suite un objet positif... Ce qui est généralement admis comme positif, ce que l'on appelle l'être, ce dont la négation est exprimée par le concept du néant dans son acception la plus générale, c'est justement le monde de la représentation, celui que j'ai démontré être l'objectité et le miroir de la Volonté. Cette Volonté, ce monde, c'est nous-mêmes ; la représentation fait partie du monde, dont elle est une des faces : quant à la forme de cette représentation, c'est l'espace et le temps, c'est par suite tout ce qui existe au point de vue de l'espace et du temps, en quelque lieu et en quelque instant que ce soit. Qui dit négation, suppression, conversion de la volonté, dit donc en même temps suppression et anéantissement du monde, qui est le miroir de la Volonté. Dès que nous ne la voyons plus dans ce miroir, nous nous demandons en vain ce qu'elle peut être devenue ; du moment qu'elle est soustraite aux relations d'espace et de temps, nous portons son deuil et nous la croyons abîmée dans le néant. Il suffirait, si cela nous était possible, de changer le point de vue pour renverser les signes ; et alors ce qui était tout à l'heure l'être nous ferait l'effet du néant, et réciproquement. Mais tant que nous serons le vouloir-vivre même, nous ne pouvons admettre et caractériser le néant actuel que comme négatif ; car, d'après la vieille maxime d'Empédocle, « le semblable ne peut être connu que du semblable «, nous ne pouvons avoir aucune connaissance de ce néant ; c'est, du reste, d'après le même axiome que nous pouvons connaître tout ce que nous connaissons effectivement, je veux dire le monde considéré comme représentation, autrement dit l'objectité de la Volonté. En effet, le monde c'est la Volonté qui se connaît elle-même. Si pourtant il fallait à tout prix donner une Idée positive telle quelle de ce que la philosophie ne peut exprimer que d'une manière négative, en l'appelant négation de la Volonté, il n'y aurait point d'autre moyen que de se reporter à ce qu'éprouvent ceux qui sont parvenus à une négation complète de la volonté, à ce que l'on appelle extase, ravissement, illumination, union avec Dieu, etc. ; mais, à proprement parler, on ne pourrait donner à cet état le nom de connaissance, car il ne comporte plus la forme d'objet et sujet ; et d'ailleurs il n'appartient qu'à l'expérience personnelle ; il est impossible d'en communiquer extérieurement l'Idée à autrui. Quant à nous, qui nous en tenons scrupuleusement au point de vue de la philosophie, nous devons nous contenter de la notion négative, heureux d'avoir pu parvenir à la frontière où commence la connaissance positive. Nous avons donc constaté que le monde en soi était la Volonté ; nous n'avons reconnu dans tous ses phénomènes que l'objectité de la Volonté ; nous avons suivi cette objectité depuis l'impulsion inconsciente des forces obscures de la nature jusqu'à l'action la plus consciente de l'homme ; arrivés à ce point, nous ne nous soustrairons pas aux conséquences de notre doctrine : en même temps que l'on nie et que l'on sacrifie la Volonté, tous les phénomènes doivent être également supprimés ; supprimées aussi l'impulsion et l'évolution sans but et sans terme qui constituaient le monde à tous les degrés d'objectité ; supprimées ces formes diverses qui se suivaient progressivement ; en même temps que le vouloir, supprimée également la totalité de son phénomène ; supprimées enfin les formes générales du phénomène, le temps et l'espace ; supprimée la forme suprême et fondamentale de la représentation, celle de sujet et objet. Il n'y a plus ni volonté, ni représentation, ni univers. Désormais, il ne reste plus devant nous que le néant. Mais n'oublions pas que ce qui se révolte contre une pareille annihilation, c'est-à-direenotre nature, n'est autre chose que

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