Dissertation Alcools: « On ne doit appeler poète que celui qui invente, celui qui crée »
Publié le 07/12/2022
Extrait du document
«
« On ne doit appeler poète que celui qui invente, celui qui crée ».
Cette
définition proposée par Apollinaire caractérise-t-elle bien son travail poétique
dans Alcools ?
En 1913, la France connait une effervescence technologie et artistique très
importante.
Au niveau technique l’aviation avec les premiers vols motorisés ainsi
que la construction de grandes villes sont en plein essor, tandis que dans le
domaine pictural, le fauvisme de Matisse et le cubisme dont Picasso est le maitre
sont à l’origine de fortes révolutions esthétiques.
En pleine période d’innovations
Apollinaire propose la définition suivante « On ne doit appeler poète que celui qui
invente, celui qui crée ».
Cette définition caractérise-t-elle bien son travail
poétique dans Alcools ?
Peut-on alors considérer Apollinaire tel un poète moderne qui invente et
qui crée ? Après avoir analysé qu’Alcools est un recueil orienté vers la modernité
poétique nous verrons que ce recueil rend tout de même hommage à la tradition
pour nous questionner enfin sur les influences subies par Apollinaire lors de
l’écriture de son recueil.
En écrivant Alcools, Apollinaire va bouleverser les codes poétiques
traditionnelles et va devenir le maitre de la modernité en poésie.
Nous verrons
que cette modernité est inspirée par les thématiques utilisés mais aussi que les
innovations d’écriture y sont au cœur.
Dans Alcools, Apollinaire se fait le chantre de la modernité au travers d’un
thème caractéristique de la poésie moderne : la modernité.
L’auteur apparait
comme un poète citadin car il évoque et célèbre à de nombreuses reprises les
villes industrielles qui sont en plein essor à son époque suite à la deuxième
révolution industrielle.
Le poème « Zone » fait l’éloge du monde contemporain et
s’adresse à l’ouvrage moderne qu’est la Tour Eiffel lorsqu’il dit « ô our Eiffel ».
Ce
monument est l’incarnation même de l’innovation architecturale futuriste : il
symbolise l’industrialisation des villes ainsi qu’un renouveau et c’est cela
qu’Apollinaire souhaite retranscrire dans « Zone », poème liminaire qui montre la
volonté de l’auteur de placer son recueil sous le signe de la modernité.
Au
travers de ce poème que l’on peut qualifier « d’hymne à la modernité »,
Apollinaire réalise une déclaration d’amour à toutes les villes sans exception, il
décrit très précisément ce qu’il observe dans cet univers de la ville.
Ces villes
industrielles sont symboles de modernité et suscitent une grande admiration et
curiosité de la part du poète.
La ville sert aussi la modernité dans « le Pont Mirabeau », où Apollinaire évoque
l’ouvrage humain qu’est le pont Mirabeau.
Le poète met au centre de ce poème
un pont, construit à la fin du XIXème siècle portant ce nom ce qui met une fois
de plus la modernité en avant.
Cette époque et également signe des premières industrialisations avec une forte
et nombreuse implantation des usines et des entrepôts qui modifie le paysage.
«
Les métalliques saints de nos saintes usines » du poème « Vendémiaire » montre
cet aspect fulgurant des progrès dans l'industrie et donc d’innovation et de
modernité.
Apollinaire fait allusion à la modernité du monde qui l’entoure en prônant les
innovations techniques, comme l’aviation au travers du vers « est restée simple
comme les hangars de Port-Aviation ».
Inauguré en 1909 et situé en Essonne,
Port-Aviation fut le premier aérodrome construit au monde, Apollinaire ne
pouvait donc pas choisir un autre lieu pour chanter l’innovante technique qu’est
l’aviation.
Autre majeur bouleversement technique ; l’avènement de l’électricité.
Ce vers
provenant de « Fiançailles » en témoigne, « Et les roses de l’électricité s’ouvrent
encore dans le jardin de ma mémoire ».
Cette innovation est marqueur de
modernité dans les esprits mais aussi dans la ville.
Ce développement de
l’électricité perturbe les transports urbains et l’on voit se développer de
nouveaux moyens de transport en ville dont le tramway comme il l’est montrée
dans cette citation extraite de « Voie Lactée » ; « Soirs de Paris ivres du
gin /Flambant de l’électricité/ Les tramways feux verts sur l’échine/ Musiquent au
long des portées/ De rails leur folie de machines».
Pour Apollinaire, la poésie doit
refléter le monde issu de la deuxième révolution industrielle, un monde nouveau
et futuriste, c’est pourquoi l’on voit apparaitre dans ses poèmes l’automobile,
l’avion ainsi qu’un univers qui symbolise le mouvement.
Le monde moderne et notamment la ville industrielle exprimé par l’utilisation de
la thématique de la modernité possède sans aucun doute une place importante
au sein des différents poèmes d’Apollinaire dans son recueil Alcools.
De surcroit, les innovations sont poétiques.
Le poète recherche désormais
un langage nouveau capable d’exprimer la complexité de ses émotions face aux
innovations de ce monde novateur ; c’est la naissance de la modernité poétique.
Dans ses poèmes Apollinaire, lui, libère ses vers des règles de versifications
traditionnelles mais aussi syntaxiques.
Le poète développe une écriture poétique
novatrice fluide et a pour but de surprendre le lecteur.
L’élément qui surprend le
plus est sans aucun doute l’absence totale de ponctuation dans les poèmes
d’Alcools, cela signifie que l’ensemble de ses poèmes ont été dénué de points, de
virgules etcetera.
En retirant toute ponctuation, cela permet au lecteur de lire
chacun des vers de plusieurs manières, le sens du poème ou du vers peut donc
de cette façon varier d’un lecteur à un autre.
La suppression de la ponctuation
donne une unité formelle a tous les poèmes du recueil.
Dans une lettre destinée
à Henri Martineau, Apollinaire annonce « Pour ce qui concerne la ponctuation je
ne l’ai supprimée que parce qu’elle m’a paru inutile et elle l’est en effet ; le
rythme même et la coupe du vers voilà la véritable ponctuation et il n’en est
point besoin d’une autre », à travers cette phrase il justifie son choix de
suppression de toute ponctuation.
Cet élément de modernité instauré par
Apollinaire nous rend davantage attentif aux effets rythmiques, de construction
et de sonorités.
Ce geste poétique fort, qui constitue sa plus grande originalité
marque l’affranchissement du poète avec les règles poétiques classiques et
l’enracine dans la modernité.
A titre d’exemple le vers « Le pré est vénéneux
mais joli en automne/Les vaches y paissant » extrait du poème « Les
Colchiques » peut être interpréter de deux manières différentes, de cette façon le
poète nous offre une possibilité de nous approprier son œuvre.
Le recueil expose
de plus une modernité dans sa forme.
On retrouve également cette modernité
dans le vers libre qui ne respecte plus les règles de la versification traditionnelle.
Les vers libres présentent une absence de rimes et de vers réguliers, ils ne
possèdent aucune unité métrique et sont présentés de manière atypique, ils sont
caractéristiques de la poésie moderne et s’opposent au vers traditionnel.
Certains
poèmes d’Alcools sont présentés sous forme de vers libres par exemple le poème
« Chantre » qui est composé d’un seul vers « Et l’unique cordeau des trompettes
marines ».
Apollinaire met en place une forme poétique nouvelle supplémentaire,
il reprend le quatrain, qui traditionnellement est une strophe de quatre vers
constitués de décasyllabes ou d’alexandrins en rimes embrassés ou croisés, et en
crée une nouvelle version, il élabore le quatrain d’octosyllabes sans rimes
ordonnés.
Cette idée peut être appuyer par l’exemple du premier quatrain du
poème « La Tzigane » ; « La tzigane savait d’avance/Nos deux vies barrées par
les nuits/Nous lui dîmes adieu et puis/De ce puits sortit l’Espérance ».
La fluidité de l’écriture d’Apollinaire apparait aussi dans les nombreuses
assonances et allitérations qui remplacent quelque fois les rimes et qui créent de
nouvelles associations de mots par des rapprochement phonique.
L’emploi
d’images insolites apparait aussi dans certain de ces poèmes comme dans
« Merlin et la vieille femme » qui au travers de ses vers nous délivre
d’étonnantes comparaisons ; « Le soleil ce jour-là s’étalait comme un
ventre/Maternel qui saignait lentement sur le ciel/La lumière est ma mère ô
lumière sanglant/Les nuages coulaient comme un flux menstruel ».
La
combinaison des images insolites et de l’utilisation de nombreuses métaphores
qui paraissaient étrange à l’époque annoncent le surréalisme dont Apollinaire en
est aujourd’hui dit le précurseur.
L’ensemble de ces modifications instaurés par
Apollinaire font de lui un acteur d’une révolution poétique.
L’ensemble des libertés prises par Apollinaire sur les thématiques et les
références abordées ainsi qu’au sein de son écriture poétique inscrit l’auteur
dans l’histoire de la modernité poétique et fait de lui un poète moderne.
Si
Apollinaire oriente une partie de son recueil sous le signe de la modernité, celleci n’est pas une rupture totale avec la tradition poétique, il conserve certains
éléments respectant la tradition qui peuvent faire d’Apollinaire un poète
traditionnelle.
Nous analyserons d’abord les thèmes traditionnels utilisé par le
poète puis nous verrons en quoi ses poèmes respectent les formes et les règles
de versification traditionnelles.
Au XXème siècle, le thème de l’amour était sans aucun doute
caractéristique de la poésie traditionnelle.
L’amour dans Alcools est bien souvent
malheureux, il est davantage synonyme de souffrance que de bonheur.
Citons « L’amour s’en va comme cette eau courante/L’amour s’en va », extrait
du poème « Le Pont Mirabeau » dans lequel on retrouve cet amour triste.
Apollinaire mentionne sa souffrance causée par une rupture amoureuse.
L’auteur
constate avec peine que l’amour est un sentiment douloureux qui n’engendre que
souffrance et inquiétude.
On identifie par ailleurs ce sentiment malheureux dans
« La Chanson du Mal-Aimé ».
Grâce à la citation suivante, on comprend que le
poète chante son désespoir après le départ de la femme aimée ; « Adieu faux
amour confondu/Avec la femme qui s’éloigne/Avec celle que j’ai perdue ».
Apollinaire exprime sa tristesse et son impuissance face à sa relation amoureuse
impossible avec Annie Playden.
L’expression de l’amour malheureux dans ses
poèmes est causée par ses déceptions amoureuses personnelles.
Toutefois le
poète est en constante attente de l’amour heureux comme le montre « L’adieu »
au travers de cette citation « Et souviens-toi que je t’attends » ; on ressent
grâce à cette citation qu’Apollinaire, malgré ses nombreuses déceptions attend et
espère un amour heureux.
Nous retrouvons en outre, le thème du souvenir, de la
nostalgie et de la fuite du temps qui sont des thèmes lyriques traditionnelles au
cœur du recueil Alcools.
La fuite du temps, thème traditionnel est omniprésent
dans le recueil à travers l’élément liquide qui s’écoule ; cela sous-entend
l’écoulement inévitable du temps.
Dans « Le Pont Mirabeau » ce passage «
Vienne la nuit sonne l’heure/Les jours s’en vont je demeure » est un motif
essentiel de la fuite du temps, qui fait écho au temps qui passe et qu’on ne peut
pas retenir.
La Seine fait office d’élément liquide qui s’écoule dans « Le Pont
Mirabeau » et le Rhin dans la section « Rhénane » ; ce qui place l’eau au centre
de plusieurs poèmes ; cela montre donc que la fuite du temps est un thème
important dans Alcools.
Chez Apollinaire le temps est linéaire et fatal, il énonce
que l’on nait, que le temps passe et que l’on meurt.
Cet écoulement du temps
est source du lyrisme et du tragique car on ne peut ni le retarder ni en espérer
davantage.
Les saisons qui se succèdent sont de plus responsable de la fuite du
temps.
La saison dominante dans le recueil est l’automne, elle est la saison de la
mélancolie et du temps qui passe.
Nous retrouvons cette saison dans « Automne
malade » dans lequel l’extrait « Automne malade et adoré/Tu mourras quand
l’ouragan soufflera dans les roserais » qui nous montre que cette description
poétique de l’automne marque la fin d’un cycle et accentue la fuite du temps.
La
saison maussade de l’automne peut aussi se trouver dans le poème « Rhénane
d’automne » ou encore « Colchiques ».
Apollinaire réalise des allusions régulières
aux mythes antiques en....
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