DIX-SEPTIÈME SIÈCLE EN LITTERATURE
Publié le 10/03/2019
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DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. Plus que tout autre, le xviie s. littéraire français a marqué de son empreinte les époques ultérieures. Il a suscité études, recherches et controverses passionnées. La puissance politique conquise à cette époque par la France, qui s'assura la suprématie en Europe, et la splendeur louis-quatorzienne qui en est le symbole expliquent en partie ce phénomène. Elles ont, à bien des égards, pris valeur de mythes. En ce sens, la gigantesque opération publicitaire lancée autour du Roi-Soleil a parfaitement réussi. Dans le domaine proprement esthétique, l'expansion que connut la littérature, en ce
temps où se fixaient la langue et la poétique modernes, a fait de l'âge dit « classique » un moment riche en modèles.
Le xviie s. littéraire a pris très tôt conscience de lui-même : en témoigne le conflit, latent dès le milieu du siècle, et qui éclate à la fin en « querelle des Anciens et des Modernes ». Les Modernes affirment la grandeur de leur temps ; ils « inventent » le Siècle de Louis le Grand, (titre du poème de Ch. Perrault), qu'ils posent en égal des « siècles » de Périclès et d'Auguste. À travers des études modestes {le Théâtre français de Chappuzeau, 1674) ou des manifestes fracassants {les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, du même Perrault, 1696-1700), le xvn° s. finissant a ainsi construit une image de lui même, où il affirme son unité mais aussi son unicité, au moins son caractère exceptionnel. En égalant leur époque à celles des apogées de l'histoire grecque et latine, les hommes du xvn® s. égalent aussi leurs écrivains aux plus grands des Anciens : ainsi Racine, pourtant tenant des Anciens, persuadé que F Antiquité avait atteint une perfection absolue, est-il mis sur le même rang que Sophocle et Euripide. Mais ces écrivains modernes ont sur leurs grands ancêtres l'avantage décisif d'avoir écrit en français. Dans le jugement esthétique qui s'instaure alors, ils sont leurs égaux ; dans la pratique, ils deviennent les modèles que le public connaît le mieux.
Le xviiie s. ne rejette pas cette image, au contraire : Voltaire lui donne son accomplissement dans son Siècle de Louis XIV (1751). Les érudits entreprennent de rechercher et de publier les documents littéraires du siècle précédent. Les écrivains comme le public vivent dans la répétition des modèles : les registres de la Comédie-Française montrent que le répertoire a d'ores et déjà trouvé dans les dramaturges du xviie s. ses bases intangibles. Les auteurs comiques sont obsédés par l'œuvre de Molière, Voltaire tragédien, par le théâtre racinien. Les innovations et les apports essentiels du XVIIIe s. littéraire se situeront en dehors de ces modèles, mais pas encore contre eux.
Leur remise en question, amorcée dans les réflexions esthétiques de Du Bos, s'engage vraiment avec Rousseau. Mais elle ne sera radicale qu'au début du xixe s., avec la flambée du romantisme. À ce moment, les institutions (Académies, Université) restent fidèles aux auteurs-phares du xviie s. : elles inventent même, pour les désigner, l'emploi particulier du qualificatif classique, qui persiste depuis (v. classicisme). À l'inverse, les romantiques récusent l'esthétique, la langue et les genres classiques. Ils redécouvrent les poètes du temps de Louis XIII, les Grotesques (Théophile Gautier, 1844), que Boileau avait anathématisés et que le classicisme occultait. L'image du xvne s. devient alors double : d'un côté, de Corneille à Racine, de Molière à La Fontaine, régularité, grandeur, rigueur ; de l'autre, fantaisie, liberté, réalisme avec Saint-Amant, Théophile, Cyrano. Vision moins étroite donc que la précédente, mais pas plus juste pour autant, qui gagnera cependant en complexité et en nuances quand s'opérera avec Sainte-Beuve la redécouverte du jansénisme {Port-Royal, 1840-1859).
Héritier fidèle, le xxe s. ne fait d'abord que reprendre les grands traits du mythe ainsi construit. Avec la diffusion massive de l'enseignement, les « classiques » deviennent les piliers du répertoire à l'école comme ils l'étaient et le restent au Théâtre-Français. Mais, à partir des années 1930, la vogue des études sur le baroque provoque un renforcement de la dichotomie instaurée au siècle précédent, une attention accrue pour les écrivains qui échappent aux canons du classicisme. Deux images du xviie s. littéraire se trouvent donc aujourd'hui en concurrence. Pour le plus large public, le mythe du « Grand Siècle » classique subsiste. Pour des lecteurs plus avertis, les nomenclatures et les hiérarchies sont plus diverses et plus diffuses.
Dans la conscience (ou l'inconscient) de la culture contemporaine, l'idée persiste que le xvne s. est le temps des origines de la pensée moderne : pas de
lieu commun mieux établi que l'affirmation que « les Français sont cartésiens », ou plus exactement que « l'esprit français est cartésien » ; il a même largement débordé les frontières nationales. Collections de citations célèbres, programmes scolaires, « classiques » de l'édition : autant de preuves de la permanence du modèle classique comme substrat culturel essentiel. Une enquête de R. Escarpit (la Notoriété des écrivains chez les jeunes recrues, 1963) montre que les auteurs du xvne s. restent solidement et massivement installés dans le peloton de tête des célébrités littéraires : si Hugo a largement pris les devants, La Fontaine, Molière, Racine, Mme de Sévigné, Boileau et Corneille forment un groupe compact, et aucune autre période, même la plus contemporaine, ne se trouve aussi abondamment représentée. Fait significatif : ce sont les catégories les moins instruites qui, invitées à citer des écrivains connus, mentionnent le plus souvent les classiques. Cette liste révèle un trait essentiel de la vision du xviie s. : ce n'est pas l'ensemble de la période qui est envisagé, mais seulement les années 1660-1680, où se conjuguent les succès politiques, la splendeur de la vie de cour et les réussites littéraires. Vision qui est celle de l'école et des manuels de littérature qui affirment d'une part que le xviie s. a donné des modèles hors du commun, d'autre part que ces modèles se concentrent dans la génération des années 1660-1680. Ainsi procède le manuel le plus utilisé dans les lycées (Lagarde et Michard, XVIIe siècle, p. 10), qui prône « nos grands classiques » et qui conclut son panorama de la période en citant Voltaire (« ce temps ne se retrouvera plus... »), mais aussi une histoire plus savante, à destination universitaire, qui fait de l'époque de Boileau et Molière « l'apogée du siècle » (A. Adam, Histoire de la littérature française du XVIIe siècle, tome 3).
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se
situeront en dehors de ces modèles,
mais pas encore contre eux.
Leur remise en question, amorcée
dans les réflexions esthétiques de Du
B os, s'engage vraiment avec Rousseau.
Mais elle ne sera radicale qu'au début
du x.rx• s., avec la flambée du roman
tisme.
À ce moment, les institutions
(Académies, Université) restent fidèles
aux aut eur s-phares du x.vr1• s.
elles
inventent même, pour les désigner,
l'emploi particulier du qualificatif classique, qui persiste depuiS (v.
CLASSICISME).
A l'in vers e, les romantiques récusent
1 'esthétique, la langue et les genres
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Ils redé co uvr ent les poètes
du temps de Louis XIII, les Grotesques
(Théophile Gautier, 1844), que Boileau
a v ai t ana thémat i
s és et que le classicisme
occultait.
L'image du x.vr1• s.
devient
alors double : d'un côté, de Corneille à
Racine, de Molière à La Fontaine, régula
rité, grandeur, rigueur; de l'autre,
fantaisie, liberté, réalisme avec Saint
Am ant, Théophile, Cyrano.
Vision moins
étroite donc que la précédente, mais pas
plus juste pour autant, qui gagnera
cependant en comple xité et en nuances
quand s'o pére ra avec Sainte-Beuve la
redécouverte du jansénisme (Port-Royal,
1840-1859).
Héritier fidèle, le x.x.• s.
ne fait d'abord
que repr en dr e les grands traits du mythe
ainsi construit.
Avec la diffusion massive
de l'enseignement, les « classi ques »
deviennent les piliers du répenoire à
l'é cole comme ils l'étaient et le restent
a u Théâtre-Français.
Mais, à panir des
années 1930, la vogue des études sur le
baroque provoque un renforcement de
la dichotomie instaurée au siècle précé
dent, une attention accrue pour les
écrivains qui échappent aux canon s du
classicisme.
Deux images du x.vn• s.
littéraire se-trouven t donc aujourd'hui
en concurrence.
Pour le plus large
public, le mythe du
classique subsiste.
Pour des lecteurs plus
avenis, les nomen cla tur es et les hiérar
chies sont plus diverses et plus diffuses.
Dans la conscience (ou l'inconscient)
de la culture con te mporaine, l'idée
persiste que le x.vn• s.
est le temps des
origines de la pensée moderne : pas de lieu
commun mieux établi que l'affirm a
tion que « les Français sont carté
siens », ou plus exactement que
> et qui conclut
son panorama de la période en citant
Voltaire ( « ce temps ne se retrouvera
plus ...
» ), mais aussi une histoire plus
savante, à de stin ati on universitaire, qui
fait de l'époque de Boileau et Molière
« l'apogée du siècle >> (A.
Adam, Histoire
de la littérature française du XVII' sie
cie, tome 3).
Ce pe nd an t, de nouveaux re gard s sur
le x.vr1• s.
apparaissent peu à peu.
À
l 'origine , ils sont seulement le fait de
spécialistes de l'histoire et de la critique
littéraires ; progressivement, ils gagnent.
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