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LES PHILOSOPHES DES LUMIERES (xviiie siècle) ET LITTERATURE

Publié le 28/11/2018

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PHILOSOPHES (xviiie siècle). L’idée moderne de littérature, dans sa forme économique et avec ses fonctions idéologiques, prend naissance au xviiie siècle. Les écrivains et ceux qu’on nommera plus tard les intellectuels commencent à affirmer leur pouvoir sous le nom de « philosophes ». Le terme, dans les dictionnaires d’époque, continue à désigner: 1° le savant et le créateur de systèmes; 2° le sage retiré du monde; 3° le libertin détaché des préjugés religieux et sociaux. Le développement des Lumières va transformer profondément ces conceptions traditionnelles.

 

Liberté de penser

 

Un texte écrit dans les premières années du xvme siècle et promis à une brillante carrière durant tout le siècle permet de suivre les mutations qui font passer de l’opposition antique entre otium et negotium, oisiveté studieuse et vie civique, à l’idée d’une mission sociale du penseur. Il s’agit du Philosophe, vraisemblablement composé par Du Marsais, circulant d'abord sous forme de manuscrit dans les milieux étroits de la libre pensée, puis imprimé dans des recueils comme les Nouvelles Libertés de penser de 1743. Le texte fut démarqué par l'Encyclopédie pour l’article « Philosophe », ainsi que par Voltaire dans les Lois de Minos. Il définit le philosophe doublement : et par sa raison et par ses qualités sociales. La raison doit être à son égard « ce que la grâce était à l’égard du chrétien dans le système de saint Augustin ». Par sa rigueur logique, son sens de l’observation et la volonté de suspendre son jugement, de ne se décider qu’en connaissance de cause, le philosophe échappe aux préjugés et aux emportements passionnels. Mais son goût de l’ordre et du bien public en font un honnête homme. Il se distingue donc du sage replié sur lui-même et du penseur indifférent à son entourage.

 

La confiance placée dans la raison assure la continuité de l’idée de philosophe du xviie au xviiie siècle. Mais cette raison conquérante peut s’interdire toute mise en cause des certitudes religieuses et politiques, ou s’appliquer aux domaines jusqu’alors réservés à la foi et à l’obéissance; se refuser à toute publicité de vérités jugées dangereuses pour le peuple ou s’estimer, au contraire, investie d’un devoir de diffusion du savoir. Telle est la ligne de démarcation entre Descartes et les libertins du xviie siècle, d’une part, et Voltaire et les encyclopédistes, d’autre part. Le texte de Du Marsais lui-même change de sens selon qu’il reste manuscrit ou qu’il est imprimé et répandu dans le public. Son idéal de l’honnête homme reste à mi-chemin entre le conformisme social et le radicalisme, entre le repli sur soi et la fonction pédagogique de l’homme de lettres.

 

De construction abstraite de l’esprit, la raison devient parallèlement concrète et pratique. Le rationalisme cartésien se transforme sous l’influence du sensualisme de Locke et de la physique expérimentale de Newton. Contre les résistances de la tradition, le nom de philosophe est brandi comme une revendication du droit au libre exercice de la pensée et de la parole. La philosophie, au xvme siècle, tend à se confondre avec la philosophie des Lumières, et les écrivains l’affichent dans leurs titres comme autant de professions de foi. En 1734, Voltaire rebaptise Lettres philosophiques ses Lettres anglaises, mais trente ans plus tard, il nomme Dictionnaire portatif son Dictionnaire philosophique. Ses réfutateurs hésitent entre le rejet du terme et sa récupération. Dom Chaudon publie un Dictionnaire antiphilosophique, alors que le P. Nonotte préfère appeler le sien Dictionnaire philosophique de la religion. De même, le premier écrit personnel de Diderot s’intitule, comme pour répondre à Pascal, Pensées philosophiques. Les Lumières envahissent tous les genres littéraires. On pourrait multiplier les exemples de pièces de théâtre qui, comme le Philosophe sans le savoir, de Sedaine, se réfèrent à la philosophie, ou de romans qui s’intitulent romans philosophiques,

 

jusqu’à la production libertine et pornographique, où à la Thérèse philosophe longtemps attribuée au marquis d’Argens répond l'Anti-Thérèse ou Juliette philosophe attribuée à François Toussaint. Les publics les plus divers sont ainsi touchés par ce vaste mouvement d’opinion. La philosophie quitte les traités pour les œuvres de fiction.

« --·-------- vains et ceux qu'on nommera plus tard les intellectuels commencent à affirmer leur pouvoir sous le nom de «philosophes».

Le terme, dans les dictionnaires d'épo­ que, continue à désigner : 1° le savant et le créateur de systèmes; 2° le sage retiré du monde; 3° le libertin détaché des préjugés religieux et sociaux.

Le développe­ ment des Lumières va transformer profondément ces conceptions traditionnelles.

Liberté de penser Un texte écrit dans les premières années du xvw • siè­ cle et promis à une brillante carrière durant tout le siècle permet de suivre les mutations qui font passer de l'oppo­ sition antique entre otium et negotium, oisiveté studieuse et vie civique, à l'idée d'une mission sociale du penseur.

JI s'agit du Philosophe, vraisemblablement composé par Du Marsais, circulant d'abord sous forme de manuscrit dans les milieux étroits de la libre pensée, puis imprimé dans des recueils comme les Nouvelles Libertés de pen­ ser de 1743.

Le texte fut démarqué par l'Encyclopédie pour l'article « Philosophe », ainsi que par Voltaire dans les Lois de Minos.

Il définit le philosophe doublement: et par sa raison et par ses qualités sociales.

La raison doit être à son égard «ce que la grâce était à l'égard du chrétien dans le système de saint Augustin >>.

Par sa rigueur logique, son sens de l'observation et la volonté de suspendre son jugement, de ne se décider qu'en connaissance de cause, le philosophe échappe aux préju­ gés et aux emportements passionnels.

Mais son goût de l'ordre et du bien public en font un honnête homme.

Il se distingue donc du sage replié sur lui-même et du penseur indifférent à son entourage.

La confiance placée dans la raison assure la continuité de 1' idée de philosophe du x vu• au xvm• siècle.

Mais cette raison conquérante peut s'interdire toute mise en cause des certitudes religieuses et politiques, ou s'appli­ quer aux domaines jusqu'alors réservés à la foi et à 1 'obéissance; se refuser à toute publicité de vérités jugées dangereuses pour le peuple ou s'estimer, au contraire, investie d'un devoir de diffusion du savoir.

Telle est la ligne de démarcation entre Descartes et les libertins du xvn• siècle, d'une part, et Voltaire et les encyclopédistes, d'autre part.

Le texte de Du Marsais lui-même change de sens selon qu'il reste manuscrit ou qu'il est imprimé et répandu dans le public.

Son idéal de l'honnête homme reste à mi-chemin entre le conformisme social et le radi­ calisme, entre le repli sur soi et la fonction pédagogique de l'homme de lettres.

De construction abstraite de l'esprit, la raison devient parallèlement concrète et pratique.

Le rationalisme carté­ sien se transforme sous l'influence du sensualisme de Locke et de la physique expérimentale de Newton.

Contre les résistances de la tradition, le nom de philo­ sophe est brandi comme une revendication du droit au libre exercice de la pensée et de la parole.

La philoso­ phie, au xvme siècle, tend à se confondre avec la philoso­ phie des Lumières, et les écrivains l'affichent dans leurs titres comme autant de professions de foi.

En 1734, Vol­ taire rebaptise Lettres philosophiques ses Lettres anglai­ ses, mais trente ans plus tard, il nomme Dictionnaire portatif son Dictionnaire philosophique.

Ses réfutateurs hésitent entre le rejet du terme et sa récupération.

Dom Chaudon publie un Dictionnaire antiphilosophique, alors que le P.

Nonotte préfère appeler le sien Dictionnaire philosophique de la religion.

De même, le premier écrit personnel de Diderot s'intitule, comme pour répondre à Pascal, Pensées philosophiques.

Les Lumières envahis­ sent tous les genres littéraires.

On pourrait multiplier les exemples de pièces de théâtre qui, comme le Philosophe sans le savoir, de Sedaine, se réfèrent à la philosophie, ou de romans qui s'intitulent romans philosophiques, jusqu'à la production libertine et pornographique, où à la Thérèse philosophe longtemps attribuée au marquis d'Argens répond l'Anti-Thérèse ou Juliette philosophe attribuée à François Toussaint.

Les publics les plus divers sont ainsi touchés par ce vaste mouvement d'opi­ nion.

La philosophie quitte les traités pour les œuvres de fiction.

De la sagesse à l'action C'est avec la publication de l'Encyclopédie, à partir de 1750, que le mouvement philosophique prit sa cohé­ rence et systématisa son argumentation avec les luttes qu'il eut à mener, qu'il se durcit en un anticléricalisme de plus en plus virulent [voir ENCYCLOPÉDIE].

La philoso­ phie devint alors une pratique collective.

Les analyses et les expressions circulaient d'un texte à l'autre, consti­ tuant une écriture qui dépasse les styles individuels.

Le public se trompait souvent dans l'attribution de certaines œuvres auxquelles la recherche universitaire aujourd'hui hésite encore à donner un auteur.

Ainsi Voltaire, pendant toute la fin de sa vie, a coordonné la lutte contre l'« in­ fâme>>, c'est-à-dire l'Église catholique, érigée en symbole de l'obscurantisme et de la répression.

Autour du baron d'Holbach, les matérialistes exploitaient l'héri­ tage des manuscrits clandestins du début du siècle et faisaient alterner les volumineuses sommes théoriques et les ouvrages portatifs de propagande antireligieuse.

La visée d'une telle action est double, à la fois politi­ que et pédagogique.

Les philosophes se posent en conseillers du prince et en instituteurs du public.

Ils ont souvent cédé aux mirages du despotisme éclairé.

Voltaire, n'ayant pas réussi à s'imposer auprès de Louis XV, renouvela l'expérience à la cour berlinoise de Fré­ déric II - sans plus de succès -, tandis que Diderot répondait à l'invitation de Catherine li et partait pour Saint-Pétersbourg établir des plans de réforme.

Les uns et les autres prirent conscience de leurs illusions, mais ils ne pouvaient renoncer à l'espoir d'une influence directe sur le pouvoir.

Les philosophes applaudirent à l'avènement de Louis XVI et crurent venue l'heure de leur triomphe lorsque le jeune roi appela Turgot comme contrôleur général des Finances.

L'action au sommet est relayée par une propagande incessante auprès de l'opinion publique.

Quand l'ur­ gence se fait sentir, les discours et les pamphlets suc­ cèdent aux œuvres de théorie et de fiction.

Le philosophe intervient au gré de l'événement, et, pour certains, Voltaire est l'homme de l'affaire Calas avant d'être un écrivain tragique et épique.

Ainsi prend forme un type d'activité intellectuelle qui se développe aux xiX• et xx• siècles: l'intervention à chaud destinée à frapper le public.

Les libelles des Lumières annoncent les manifes­ tes et les pétitions que nous connaissons.

Voltaire met au point pour Calas, Sirven ou La Barre les armes qu'uti­ liseront Zola dans l'affaire Dreyfus ou Sartre présidant le tribunal Russell en 1968.

Théorisant cette action militante, Condorcet peut décrire les philosophes, au terme de l'Esquisse d'un tableau historique des progrès du genre humain, comme des « hommes moins occupés de découvrir ou d'appro­ fondir la vérité que de la répandre >>.

Ces lignes sont composées au cœur de la Révolution, qui met en place les institutions pédagogiques répondant à l'espoir des encyclopédistes.

Une nouvelle génération de philoso­ phes, les Idéologues, crut, entre l'expérience de la Ter­ reur et celle du despotisme napoléonien, à une influence directe de la philosophie sur la marche des affaires publi­ ques.

Cabanis affirmait alors:« L'idéologie doit changer la face du monde >> [voir ID�OLOGUES].

Seront les héritiers de cette espérance -ou de cette illusion -tous les instituteurs et enseignants qui œuvreront pour l'. »

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