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Dom Juan de Molière: La mise en scène de Patrice Chéreau

Publié le 22/02/2012

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En janvier 1969, Patrice Chéreau créa au Théâtre du VIIIe, à Lyon, un Dom Juan qui fit grand bruit. Ce spectacle, très controversé, constitue un tournant dans l'interprétation de la pièce. Le jeune metteur en scène, âgé alors de 25 ans, avait répondu à la demande de Maurice Maréchal, directeur du Théâtre, qui jouait le rôle de Sganarelle. Non seulement ce spectacle proposait une nouvelle lecture de Dom Juan, mais il se caractérisait par une audace qui rompait l'équilibre préconisé par Jouvet entre le poids du texte et les sollicitations de l'interprète.
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« racontent une histoire optimiste et terrible.

La fin de Dom Juan et l'apparition du Commandeur ne sont rien d'autrequ'un discours idéologique qui ne proposerait que de l'euphorie après l'anéantissement moral de l'ennemi.

Il s'agitévidemment d'un discours de la mauvaise conscience : Molière encore une fois se constitue objectivement endéfenseur de l'idéologie au pouvoir, lui apporte un soutien ambigu mais exact et prend place à ce titre parmi lesarmes du nouveau régime, après le centralisme, la police et les Hôpitaux Généraux.Pour nous l'aventure de Don Juan est à la fois positive et négative.

Positive par la morale et l'érotisme et parce que,résolument traître à sa classe et progressiste, il travaille à l'érosion du vieux monde féodal.

Négative, parce que,vivant l'Histoire à la façon d'une aventure égoïste, il a besoin plus que de toute autre chose de ce vieux monde pourvivre.» (Sandier, 30, p.27) Et ailleurs Chéreau achève en ces termes sa démystification du héros :« Au lieu d'être un immoral triomphant, il est une sorte d'intellectuel qui n'a pas beaucoup dé moyens pour changerle monde et qui, à la fin, renonce, et préfère se changer, lui.

C'est une sorte de lâchage intellectuel.

» (Sandier, 30,p.

20) Cette approche de l'oeuvre dans laquelle le héros n'est plus qu'un rouage d'une machinerie politique envisagée danssa globalité, explique la dévalorisation de Dom Juan qui, dans le jeu théâtral, cède la place à Sganarelle.

GillesSandier a décrit ainsi ce déplacement magistral : « C'est ce séducteur aux mains vides, ce seigneur sans panache que jouait fort intelligemment Gérard Guillaumat;assez pauvrement prisonnier de ses contradictions, ce seigneur libertin n'a pas l'allure très glorieuse.

Silhouettesèche d'intellectuel, le visage un peu émacié d'un homme fatigué par sa course, Guillaumat avait cette éléganceironique d'un illusionniste qui aime encore fasciner, mais qui est conscient de son échec.

Devant ce Don Juansubtilement effacé, la pierre angulaire de la pièce redevenait Sganarelle, ce Sganarelle dont Molière s'était réservé lerôle.

» Le personnage de Sganarelle n'échappait pas à l'ambiguïté générale.

Aliéné, déboussolé, englué dans le conformisme,dépossédé de son identité, réduit à mimer le discours de son maître, c'est à la mort de celui-ci qu'il découvrira cequi lui appartient en propre, ce que l'on pourrait appeler sa haine de classe.

Comme l'écrit Sandier : «Il n'apercevra ce qui est vraiment à lui, sa haine, que le jour où il poussera du pied, en réclamant son salaire, lecorps de ce maître "progressiste" qui ne paye même pas ses domestiques, de cet escroc qui est mort, en tout cas,sans l'avoir payé.

Il entrevoit alors seulement, ce que pourrait être sa liberté, et un monde sans esclaves...

»(Sandier, 30, p.

23) Mais l'idée maîtresse du spectacle est d'avoir retourné contre Molière la mystification par laquelle celui-ci pensaitdonner le change, c'est d'avoir utilisé comme un instrument de démystification idéologique la machinerie destinée àéblouir et à divertir la Cour et à masquer les audaces de la pièce.

La machine à jouer qui commande tout le décor etoriente la mise en scène se révèle comme « une machine à tuer les libertins » manipulée par des automates.

Ainsi lafiction du surnaturel vole en éclats pour mettre à nu les véritables mécanismes d'oppression qui se dissimulaientsous l'allégorie du Ciel.. »

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