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Du tragique au comique : une grande variété de registres - LE MISANTHROPE de MOLIÈRE

Publié le 02/03/2020

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LE BURLESQUE

L'influence qu’exerce le burlesque dans l’écriture du Misanthrope revêt une importance moindre que dans d’autres pièces de Molière ; elle est loin, en particulier, de connaître le développement que l'on peut constater dans Dom Juan, qui exploite la cohabitation de Sganarelle, personnage de farce, et de Dom Juan, personnage de tragi-comédie, voire de tragédie. Cette influence n’en est pas pour autant négligeable : les effets d’opposition, parfois de contradiction, qui caractérisent ce style sont en nombre important et se manifestent de multiples manières.

Utilisés, il est vrai, avec modération, ils sont à la base même de la construction de nombreux personnages de la pièce. La plupart en effet sont fortement marqués par des divisions : divisions internes qui font que des motivations opposées provoquent l’éclatement de leur personnalité ; divisions externes complementaires qui se concrétisent par une inadaptation, par une impossibilité de réussir dans leurs entreprises, par une démarche qui repose sur l’échec. Mis à part Philinte, Eliante et les figurants, c’est le lot de tous les autres personnages de la pièce : Alceste, partagé entre ses convictions et son amour pour Célimène, agit de telle manière que, malgré lui, il travaille à s’aliéner la coquette ; Célimène, qui tient à Alceste, tout en ne voulant pas renoncer à ses autres soupirants, se voit finalement abandonnée de tous ; Arsinoé, la prude, avide de passion amoureuse, est à la fois contestée dans sa pruderie et dans son amour ; Oronte, réclamant la sincérité, tout en désirant l’adulation, n’obtient pas la flatterie et se trouve aussi privé des avantages qu’aurait pu lui attirer, de la part d’Alceste, son aspiration à la franchise ; les deux marquis qui se piquent de distinction morale, tout en n'attachant d’importance qu’à eux-mêmes, ne recueilleront, auprès de Célimène, ni les fruits de leur égoïsme, ni la récompense de leurs prétendus bons sentiments.

position embarrassante, voire contradictoire, dans laquelle ils sont placés.

De tels effets se comptent en très grand nombre dans une pièce qui, par sa nature, les exploite de façon privilégiée. Il n’est pas question ici de les énumérer tous. Trois exemples suffiront pour montrer le fonctionnement de ce procédé : à la scène 3 de l’acte I, Philinte s’attachant obstinément aux pas d’Alceste, alors que son ami lui enjoint de le laisser seul, amuse ; à la scène 4 de l'acte II, la volonté d'Alceste, de Clitandre et d’Acaste de quitter les lieux chacun le dernier divertit ; à la scène 4 de l’acte III, la position d’Arsinoé, déconcertée par la riposte de Célimène à ses avertissements prétendument amicaux, fait sourire.

LE COMIQUE DE MOTS

Dans cette comédie de caractères et de mœurs, l'expression prêtée aux différents personnages revêt naturellement une grande importance. Elle contribue à les peindre. Chacun d’entre eux est doté d’un vocabulaire et d'une manière de s’exprimer qui correspondent à ce qu’il est. Mais ces procédés peuvent également susciter le rire, ou plutôt un sourire, résultat d’une démarche intellectuelle, du constat d’un ridicule ou d'un excès dans le comportement. Les exemples, dans ce domaine, sont également en grand nombre : c’est la langue niaise et peu correcte du valet Du Bois (acte IV, scène 4) ; c'est la manière précieuse du sonnet d’Oronte (acte I, scène 2) ; ce sont les jurons d’Alceste (acte I, scène 1) ; ce sont les précautions oratoires et le vocabulaire guindé d'Arsinoé (acte III, scène 4).

Il convient de noter que, dans cette pièce, Molière n’a pas exagéré les particularités de langue : point de recours ici au charabia, comme dans Le Bourgeois gentilhomme, avec le parler pseudo-turc ou comme dans Le Malade imaginaire, avec le latin de cuisine. En fait, les personnages sont porteurs d’une expression à peine plus chargée que celle des contemporains affublés de ridicules comparables.

Il s’agit plutôt, dans Le Misanthrope, d’un comique de mots profondément enraciné dans les caractères dont il

« 1 LA TENSION DRAMATIQUE De nombreux éléments de l'intrigue orientent la pièce vers une tonalité totalement différente de la tonalité comique.

Le drame est constamment présent dans les rapports qui unissent les personnages principaux.

C'est en effet leur bonheur qui est en cause, leur avenir qui se décide sous les yeux du spectateur.

Ce n'est pas en soi une mince affaire.

La tension se trouve encore accentuée par la nature même des obstacles qui entrent en jeu.

L~s protagonistes n'ont pas à lutter, comme dans la plupart des comédi.es, contre des parents ridicules et bornés ; ils ont à combattre des rivaux redoutables.

Ils ont surtout à se battre à l'intérieur même du couple, voire à affronter leurs propres divisions.

La situation est en fait une situation tragique et le dénouement, quel qu'il soit, ne peut être que tragique: qu' Alceste choisisse Célimène, .et voilà Eliante repoussée ; qu'il préfère Eliante, et voilà Célimène et Philinte déçus dans leur attente.

Quelle que soit la solution, il y aura toujours des perdants parmi les personnages sympa­ thiques.

Le public suspend donc son rire: il ne sait à qui apporter son soutien; il n'arrive pas à orienter son choix; il souffre de l'incommunicabilité qui marque les entretiens entre le misanthrope et la coquette; il est attendri par la bonne volonté d'Eliante et de Philinte ; il est troublé par le comportement maladif d' Alceste.

Et c'est mal à l'aise qu'il partira, à la fin de la pièce ; il restera sur le souvenir de cet échec auquel,.

enfermés dans leur détermination, murés dans leur entêtement, les deux personnages principaux n'auront su ou n'auront voulu échapper.

A cette donnée fondamentale viennent s'adjoindre d'autres données secondaires qui ajoutent à cette tonalité.

C'est d'abord, autre dimension tragique, la présence de l'autorité royale.

Cette constante référence fait peser sur les personnages tout le poids de la fatalité sociale, souligne l'impossibilité dans laquelle ils sont d'échapper à une normalité inéluctable.

C'est ensuite l'atmosphère.

tragi­ comique creee par le caractère dangereux d'obstacles extérieurs, porteurs de mort ou d'atteinte à l'intégrité 70. »

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