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Electre de Giraudoux: Théâtre à lire ou théâtre à jouer ?

Publié le 07/01/2020

Extrait du document

giraudoux

égisthe. - Tu parles en jeune fille, non en roi. C'est un immense corps à régir, à nourrir.

Électre. - Je parle en femme. C’est un regard étincelant, à filtrer, à dorer (II, 8, p. 117-118).

La vivacité du dialogue ne saurait dissimuler le statisme de l'affrontement, qui ne débouche sur aucun événement précis.

La tentation d'un texte trop écrit

Si l'on s'intéresse non plus aux tirades, mais aux phrases qui grammaticalement les composent, on constate que Jean Giraudoux rompt avec la phrase dramatique traditionnelle. Celle-ci est par définition courte et volontairement simple, parce que, lors de la représentation, elle doit paraître improvisée. À chaque fois que le dramaturge la transforme en période1, elle perd en naturel et en vie ce qu'elle gagne en complexité.

En voici un exemple, emprunté au discours d'Électre sur l'« attente » :

Cela continuait à midi, quand j'allais au torrent, le plus fortuné de nous tous, qui lui pouvait bouger, qui attendait mon père en courant vers un fleuve qui courait vers la mer. Cela se poursuivait le soir, quand je n'avais plus la force d'attendre près de ses chiens, de ses chevaux, pauvres bêtes trop mortelles, incapables par nature de l'attendre des siècles, et que je me réfugiais vers les colonnes, les statues (II, 5, p. 93).

Ces phrases grammaticalement complexes avec leurs propositions subordonnées qui s'appellent les unes les autres, et les groupes qualificatifs mis en opposition, procèdent d'une langue écrite soutenue. Mais s'agit-il encore d'une véritable réplique théâtrale ?

UN TEXTE THÉÂTRAL

De ces critiques et réserves, Jean Giraudoux s'est irrité au point d'y répondre sèchement dans L'Impromptu de Paris, créé la même année qu'Électre. Il y fait dire à l'un de ses personnages :

giraudoux

« Des tirades trop longues Électre comporte de vastes tirades.

Le risque est qu'elles nui­ sent à la marche de l'action.

Quand les acteurs les prononcent, il ne se passe en effet rien d'autre sur scène que leur récita­ tion.

Leur longueur même exclut la réplique immédiate, l'inter­ ruption, tout ce qui donne l'apparence d'un dialogue vif et véri­ table.

La tirade devient pause.

Le déroulement de l'intrigues' en trouve ralenti.

· Or le liste de ces tirades est impressionnante.

Ce sont celles du président sur la justice (1, 2).

d'Égisthe sur les dieux (1, 3).

d'Électre à son frère (1, 8).

d'Électre encore sur I' «attente » (Il, 5), d'Égisthe sur la patrie, d'Électre sur la justice (Il, 8), de Clytemnestre clamant sa haine d'Agamemnon (Il, 8).

À quoi il convient d'ajouter le monologue du mendiant (1, 13).

aussitôt suivi du « lamento »du jardinier (Entracte), puis les deux récits du men­ diant sur l'assassinat d'Agamemnon et sur le meurtre final de Clytemnestre et d'Égisthe (Il, 9).

Tout se passe comme si la pièce était une succession de mor­ ceaux d'éloquence.

Si brillants soient-ils, ceux-ci ne relèvent pas de prime abord de l'écriture théâtrale, qui se fonde sur la rapidité et sur le mouvement.

Des scènes en forme de joutes oratoires Certaines scènes sont de vastes confrontations d'idées.

Prenons le cas de la scène 3 de l'acte 1.

Elle se déroule presque tout entière entre Égisthe qui expose sa conception de gouver­ ner les hommes, et le mendiant, qui explique sa théorie de la «déclaration ».

La scène 8 de l'acte Il est de même un duel oratoire entre Égisthe et Électre.

Chacun défend son système de valeurs, essaie de convaincre l'autre, qui persiste dans ses convictions.

Égisthe veut sauver Argos.

Électre est prête à sacrifier la ville au nom de son idéal.

Les mêmes termes, les mêmes idées, les mêmes images sont repris et inversés.

~GISTHE.

-Sais-tu même ce qu'est un peuple, Électre! ELECTRE.

-Quand vous voyez un immense visage emplir l'hori­ zon et vous regarder bien en face, d'yeux intrépides et purs, c'est cela un peuple.. »

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