Devoir de Philosophie

ÉPITRE DE VOLTAIRE A BOILEAU

Publié le 04/07/2011

Extrait du document

voltaire

Boileau, correct auteur de quelques bons écrits, Zoïle de Quinault, et flatteur de Louis, Mais oracle du goût dans cet art difficile Où s égayait Horace, où travaillait Virgile, Dans la cour du Palais je naquis ton voisin : De ton siècle brillant mes yeux virent la fin, Siècle de grands talents, bien plus que de lumière, Dont Corneille, en bronchant, sut ouvrir la carrière. Je vis le jardinier de ta maison d'Auteuil, Qui chez toi, pour rimer, planta le chèvrefeuille. Malgré soixante hivers, escortés de seize ans, Je fais au monde encore entendre mes accents. Du fond de mes déserts, aux malheureux propice, Pour Sirven opprimé je demande justice : Je l'obtiendrai sans doute; et cette même main Qui ranima la veuve et vengea l'orphelin, Soutiendra jusqu'au bout la famille éplorée Qu'un vil juge proscrite, et non déshonorée. Ainsi je fais trembler à mes derniers moments Et les pédants jaloux et les petits tyrans.

MATIÈRE. — Vous expliquerez brièvement et avec précision le sens des mots en italique, puis vous direz les réflexions que ces mots vous suggèrent, et vous insisterez plus particulièrement sur les vers où Voltaire parle de sa campagne en faveur des opprimés.

Conseils pratiques. — Voilà deux fragments assez dissemblables : est-ce à dire que notre explication aura le droit de manquer d'« unité « ? Je ne le pense pas, car ces deux fragments appartiennent à une môme œuvre ; quelle est leur place dans cette « Epitre «, c'est là ce qu'il faudrait rechercher si vous aviez à votre disposition vos Extraits ou vos Morceaux choisis. A défaut, classez l'Épitre dans la vie de Voltaire, et vous verrez comment ces deux fragments se relient entre eux.

voltaire

« contraire il n'a été plus vif à l'attaque, plus rapide à la riposte, plus spirituel contre des adversaires qui combattenten lui et l'homme et le chef de la philosophie.

Jamais surtout il n'a été plus éloquent contre les abus qu'il dénonceavec la vigueur d'un jeune polémiste.

De là, les caractères de ces deux fragments : dans le premier, Voltaire causeavec Boileau, et lui envoie des compliments, mêlés de quelques impertinences; dans le second, il oppose son siècle àcelui de son correspondant, il montre que le genre satirique a désormais un plus haut emploi, et rapproche le rôlequ'il a joué lui-même de celui qu'a joué son illustre prédécesseur.Impertinences, avons-nous dit, mais qui n'empêchent pas une admiration réelle et profonde.

Je ne vois en sommeque deux attaques, dirigées sans aigreur et sans insistance contre Boileau : il a été le Zoïle de Quinault, c'est-à-direun critique injuste pour l'auteur de l'Astrate, et le flatteur de Louis, c'est- à-dire un courtisan qui a joué sa partiedans le concert des adulations dont on combla, sans le fatiguer, le Roi-Soleil.Le premier grief, Voltaire l'a sans cesse repris contre Boileau.

Il est curieux d'observer que ce classique du XVIIIesiècle, plus intransigeant parfois que ses maîtres du XVIIe, s'écarte ici de leur tradition.

A-t-il été charmé par lagrâce un peu mièvre, mais parfois distinguée des tragédies et surtout des opéras de Quinault ? A-t-il mieux vu, àdistance, la place de Quinault entre Corneille et Racine, et mieux compris ce que la tragédie de la passion devait à latragédie de la tendresse ? Toujours est-il qu'il a protesté contre les arrêts sévères de Boileau; il semble bien que lapostérité, sans avoir pour Quinault le même culte, soit de l'avis de Voltaire.

En tout cas, Voltaire n'est pas fâchéd'adresser une fois de plus à Boileau un reproche qu'on retrouve dans les passages où il fait le plus sincèrement sonéloge, sans que cela diminue en rien le respect qu'il a pour l'Art Poétique.Le second grief est de ceux sur lesquels Voltaire passe aisément condamnation.

Trop heureux si le Louis qui régnaità son époque avait été sensible à ses flatteries, et résolu, en échange, à le protéger contre ses adversaires!Voltaire n'a pas cessé d'opposer la bienveillance témoignée par Louis XIV aux écrivains du XVIIIe siècle et,l'indifférence dédaigneuse que Louis XV manifestait pour les écrivains du XVIII®.

Il en a été humilié, irrité souvent;par intérêt personnel, soit ; mais aussi par fierté pour la corporation des gens de lettres.

Quelle admirable époqueque ce grand siècle où le roi aurait invité Voltaire à Versailles, et surtout l'aurait défendu contre les cabales de sesennemis ! Quelle aubaine pour Boileau de payer, par des compliments officiels, une sécurité qui lui permettaitd'accomplir vaillamment sa tâche !Qu'est-ce donc que cette double critique, légère et présentée sur le ton badin, à côté des éloges de Boileau quenous rencontrons tant de fois dans l'œuvre de Voltaire ? C'est que Voltaire a remarquablement mis en lumière, quandil les rencontrait chez les autres, les qualités qu'il possédait lui-même à la perfection : le sentiment du style, et legoût classique qu'il appelait le grand goût.

Ici même, dans cette causerie familière où il n'y a qu'une moitié de sapensée, une étude attentive nous permet de découvrir moins d'impertinence que de respect.Correct auteur n'est pas, sous la plume de Voltaire, un mince et banal compliment; je veux bien que : de quelquesbons écrits soit une restriction ; et après tout que représente, j'entends au point de vue des dimensions, les petitsrecueils de Boileau en face de l'œuvre immense de Voltaire ? N'y a-t-il pas, au reste, des réserves à faire sur lesœuvres lyriques ou les œuvres de la vieillesse ? Tel est le sens de cette restriction.

Toutefois, attribuer à Boileau la« correction », c'était lui reconnaître la qualité suprême selon Voltaire, celle qu'il ne reconnaissait ni à Corneille, ni àLa Fontaine, ni à Pascal, ni même à Bossuet, celle qui fut, au XVIIe siècle, le privilège de Racine et de Boileau.C'était mettre Boileau à la première place, étant donné que Voltaire subordonnait à la raison l'imagination et lasensibilité, et déclarait que les plus beaux vers devaient avoir l'exactitude de la bonne prose.Et, immédiatement après la double critique que nous avons signalée, voici un : mais, qui semble devoir racheter biendes choses- Que demander de plus en effet ? Boileau a été Y oracle du goût, dans ce siècle où le goût avait un sigrand nombre d'immortels représentants que le XVIIIe siècle paraît, à côté, un siècle de décadence.

Certes, il a plusde lumière : que de choses les écrivains du règne de Louis XIV ne songeaient même pas à soumettre au libreexamen : réformes politiques, administratives, judiciaires ; questions commerciales, industrielles, agricoles ; marineet impôts ; finances et population, que de matières dont les beaux esprits d'autrefois ne soupçonnaient même pasl'importance, et sur lesquelles sans hésitation discutent les esprits aventureux du XVIIIe siècle.

Tous apportentquelque lumière (mêlée de beaucoup de fumée).

C'est la fierté de l'homme de lettres, du philosophe citoyen de leproclamer hautement.

Mais c'est le devoir de l'écrivain classique, du critique littéraire persuadé que le génie n'aqu'un siècle, d'avouer que le XVIIe siècle eut plus de grands talents, et qu'il fut le seul à avoir du goût.

Et c'estBoileau qui eut le privilège d'être son oracle : quel honneur plus magnifique que celui-là ?Et par cette perfection du goût, le siècle de Louis XIV rejoignait le siècle d'Auguste.

Là aussi, on fit difficilement desvers faciles, et l'on arriva au naturel par de longs et pénibles efforts, par un labeur consciencieux et acharné.Horace s'égayait, mais quand il avait fini sa besogne de joaillier, lente et délicate ; il travaillait autant que Virgile etil ne parvenait à paraître « facile en ses vers » qu'au prix de retouches successives.

C'est la tradition que retrouvale XVIIe siècle, et ce fut la gloire de Boileau d'être le maître, l'arbitre des écrivains de ce temps-là.Voilà pourquoi Voltaire éprouve pour Boileau une vénération affectueuse.

Voltaire est lui-même l'oracle du goût auXVIIIe siècle; il est le successeur de Boileau; il est le représentant le plus autorisé de la clarté, de la raison, du bonsens.

Que dis-je? Il est même parfois, nous l'avons dit, plus exigeant que Boileau : c'est au disciple préféré à aller leplus loin dans la voie que le maître a tracée.

Il semblait même que le destin eût indiqué qu'il devait en être ainsi,avant même que Voltaire vînt au monde.

Il est né dans le Cour du Palais] il est le fils d'un greffier de lagrand'chambre.

Dans ce milieu de greffiers, de magistrats, de fonctionnaires du bureau et du tribunal, les relationsétaient d'autant plus étroites qu'on vivait dans un milieu fermé et qu'on était jaloux de rester entre soi'.

A plus forteraison, quand on était voisin ; on vivait en vrais compères.

Les Arouet et les Boileau étaient unis, Voltaire n'est pasfâché de le rappeler à son maître.

Bien plus, il signale d'autres liens entre son correspondant et lui.

Voltaire a vu lafin du siècle des grands talents, Boileau a vu les premières années du siècle de lumière.

Voltaire est un « attardé »,un survivant de la grande époque; il est un peu le contemporain de Racine et de Despréaux : n'a-t-il pas eu desamitiés communes avec ce dernier, entre autres celle de Brossette? Corneille, en bronchant (c'est-à-dire : enmettant le pied à faux, en commettant des maladresses) avait eu cependant le mérite d'ouvrir la carrière (c'est-à-dire : d'ouvrir le champ) où allaient rivaliser les plus beaux génies.

Voltaire est un de ceux qui sont venus les. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles