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EUROPE. Revue littéraire

Publié le 05/12/2018

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EUROPE. Revue littéraire fondée en 1923 qui, depuis plus d’un demi-siècle, cherche à rester fidèle à l’humanisme et à l’universalisme de son créateur, l’écrivain Romain Rolland. A travers les mutations d’une revue successivement publiée aux éditions Rieder — indépendantes (1923-1932), puis absorbées par Alcan avant de l’être par les Presses universitaires de France (1932-1938) —, chez Denoël (1939), à la Bibliothèque française (1946-1948), aux Editeurs français réunis (1948-1980) et Messidor/Temps actuels (depuis 1981), on trouve en effet la permanence d’un esprit.

 

La volonté de Romain Rolland

 

Lorsque à la fin de la guerre de 14-18, R. Rolland revint en France, le prestige de son prix Nobel ne lui concilia pas les milieux littéraires, froissés par la satire qu’il avait faite d’eux dans un volume de Jean-Christophe, la Foire sur la place, et par la lutte incessante qu’il avait menée durant la guerre contre toutes les lâchetés et les mensonges nationalistes (Au-dessus de la mêlée, 1915). Dans l’éventail des forces politiques, il ne trouvait d’organes ni de mouvements auxquels adhérer sans réticence. Homme de gauche, admirateur de la Révolution russe, il était souvent froissé par le sectarisme de journaux auxquels il pouvait participer (Monde de Barbusse, l'Humanité) et par les luttes fratricides des partis issus de la scission de 1920. Isolé, luttant contre ce qu’il ressentait comme une conspiration du silence, il mûrit, parallèlement à sa décision de retourner s’installer en Suisse, l’idée d’une revue différente.

 

Sa correspondance et ses carnets témoignent de son projet. Il écrit en août 1919 à Rabindranath Tagore : « J’ai plus d’une fois songé à une revue d’Asie et d’Europe (en comprenant naturellement l’Amérique dans la civilisation européenne), qui mettrait en lumière les richesses morales de ces mondes fraternels et ennemis ». A Paul Colin en avril 1922 : « Je m’intéresse vivement à la revue qui a toujours été un de mes vœux, et je suis prêt à vous aider et patronner ». Et quelques jours plus tard à Albert Einstein : « Nous allons fonder une grande

 

revue française, de pensée libre et vraiment internationale — en dehors de tout parti politique ou social, et même en laissant le politique résolument de côté ». Cette « grande revue d’esprit international » s’oppose à l’esthétisme de la N.R.F. et à tous les dogmatismes politiques ou nationaux. Elle devrait rassembler ceux qui ne se sont pas compromis pendant la guerre : Duhamel, Vildrac, Durtain, J.-R. Bloch...

 

En 1933 sont trouvés le titre, l’éditeur et l’équipe de rédaction : René Arcos et Paul Colin. La périodicité est mensuelle et le premier numéro sort en février 1933. « Patrie européenne » de R. Arcos et « Cantate de l’esprit » de G. Duhamel ont valeur de programme. Le premier décrit l’Europe comme un carrefour de civilisations et le second chante la force morale qui peut dominer la force brutale : « Le bruit de 100 000 

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« ci aux maintiennent 1' exigence intellectuelle, à travers les urgences de 1 'événement : hommage à René Descartes en 1937, quatre numéros consacrés à« l'Homme, la tech­ nique et la nature» en 1938, le cent cinquantième anni­ versaire de la Révolution française en 1939.

Mais le pacte germano-soviétique divise l'équipe de la revue qui décide de suspendre provisoirement sa parution.

R.

Rolland, qui démissionne de l'Association des amis de l'Union soviétique, ne veut pas que sa condamnation soit récupérée par les partis de droite : à la rupture publi­ que, il préfère « le retrait momentané et le silence ».

Une Encyclopédie de la littérature En 1946, la revue renaît dans l'enthousiasme de la Libération, avec Jean Cassou qui, trois ans plus tard, est remplacé par Pierre Abraham, le frère de J .-R.

Bloch, assisté de Pierre Gamarra.

Tous deux, ils assureront plus de vingt-cinq ans de la vie d'Europe.

Mais la revue doit traverser la guerre froide et la période de glaciation idéologique.

En 1948, Aragon présente un dossier à la gloire de Lyssenko et de la biologie soviétique officielle.

D'autres numéros spéciaux suscitent plus l'adhésion, avec le recul du temps, comme celui du centenaire de 1848 ou le « Brecht» de 1957, plusieurs fois réédité, qui fait pénétrer en France un auteur jusque-là peu connu et est rapidement relayé par les jeunes metteurs en scène.

La forme du numéro spécial s'impose comme répondant à une demand(: du public.

Chaque numéro (huit désor­ mais par an) est partagé entre un thème et une partie de textes libres et de chroniques.

Selon la vocation première de la revue, des panoramas sont régulièrement consacrés à des littératures nationales, souvent méconnues : le Bré­ sil, Cuba, le Guatémala, le Paraguay et le Pérou succè­ dent sur la couverture aux pays du Maghreb (Algérie et Maroc), au Nigeria ou à la Turquie; la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine, à la Finlande et à l'Islande.

Le numéro d'Europe représente parfois le premier ensemble critique sur tel domaine littéraire.

Certaines littératures se confondent avec un combat culturel, que ce soit la littérature catalane (deux fois à l'honneur en 1958 et en 1981 grâce aux connaissances de Pierre Gamarra, homme du Sud-Ouest), la littérature occitane, québécoise ou bretonne; d'autres avec un com­ bat politique, comme le Viêt-nam ou le Chili.

Tous les grands noms de la littérature française et du patrimoine mondial sont à tour de rôle l'objet d'un dossier, attirant à Europe un public d'enseignants et d'étudiants et la transformant en une véritable Encyclopédie permanente de la litté rat ure .

à travers le monde.

Des synthèses consa­ crées à un mouvement (le surréalisme en 1968, les futu­ rismes sur deux numéros en 1975) ont fait date.

Mais Europe affirme son originalité en s'intéressant aux gen­ res moins canoniques, longtemps maintenus dans les marges de l'infralittérature (le roman-feuilleton, la fic­ tion policière, la science-fiction, Arsène Lupin, les fan­ tastiques, le roman gothique), et en maintenant un équili­ bre entre critique et création.

Un cahier de création est ouvert dans chaque livraison et le point est fait de temps à autre sur un genre par ceux qui le pratiquent : « le Roman par les romanciers » ( 1968), « la Poésie française aujourd'hui » (1983), «le Théâtre par ceux qui le font » (1983), «la Nouvelle française» (1981), «Mémoires imaginaires » (1984).

La revue a su échapper au vertige théorique qui a saisi nombre de publications littéraires des années 60 et 70, elle a maintenu le dialogue entre les opinions et entre les générations.

Pierre Abraham est resté à son poste jusqu'à plus de 80 ans et a su faire appel à un sang neuf.

Le poète Charles Dobzinski a rejoint l'équipe de rédaction en 1973, Francis Combes et Jean-Baptiste Parra y sont entrés en 1982 tandis que le comité d'Europe, endeuillé par la disparition d'Elsa Triolet, d'Aragon et d'autres anciens, était également rajeuni.

La revue est aujourd'hui pleine de projets et d'avenir.

(Voir aussi REVUES LIITÉRAIRES).

BIBLIOGRAPHIE « Europe a 50 an s >>, n um éro spéc ial de sept.-oct.

1973 qui comprend les vues rétrospectives de Pierre Abraham et de Pierre Paraf et une an th o lo gie des années 1923-1939; Josef Kvapi l, Romain Rolland et les amis d'Europe, Prague, 1971 (Acta u ni­ versitaris Palackianae olomucensis, 48, Philologica XXVIII), qui s'achève par un index des collaborateurs de la revue pour la même période (1923-1939).. »

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