Excipit En Attendant Godot
Publié le 23/12/2012
Extrait du document
Mais il demeure un paradoxe dans cet univers qui apparaît si noir en théorie : une telle fatalité ne peut
peser bien lourd à des personnages privés de mémoire ! En inventant une forme légère de la fatalité,
aussi dérisoire que ses victimes, Beckett laisse au metteur en scène le choix fondamental entre le rire et
les larmes : les jeux visuels (l. 26-31, 48-49) comme les échanges oraux (l. 15-25, 50-56), qui dénotent
toujours une chute, physique ou spirituelle, sont d’une telle neutralité tonale, qu’ils peuvent donner lieu
aussi justement à des représentations opposées, tragique autant que comique. Le choix artistique
retrouve ainsi sa qualité de parti pris idéologique, affiche une conception de la vie et du destin, autant
qu’une certaine idée de l’art. Les personnages ne sont plus libres, pour que l’artiste le soit un peu plus.
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Ces journées sans consistance et sans liaison invitent le spectateur à imaginer un temps cyclique arrêté,
c’est-à-dire non pas une spirale mais un cercle pur, un retour irrémédiable à la case départ : les
nonaventures des deux personnages redémarrent toujours au même point mort, pour finir toujours en
impasse.
En accord avec cette négation du temps, Beckett suggère que l’espace dépend de celui qui se
le représente, et dans ce mauvais rêve, l’espace se réduit à un point fixe (au pied de l’arbre), un lieu exigu
qui invite au départ, mais qui retient comme le papier gluant pour attraper les mouches.
Les deux notions
fondatrices de la pensée et du langage sont appauvries,
sapées par ce dépouillement scénique et dramaturgique.
Mais il demeure un paradoxe dans cet univers qui apparaît si noir en théorie : une telle fatalité ne peut
peser bien lourd à des personnages privés de mémoire ! En inventant une forme légère de la fatalité,
aussi dérisoire que ses victimes, Beckett laisse au metteur en scène le choix fondamental entre le rire et
les larmes : les jeux visuels (l.
26-31, 48-49) comme les échanges oraux (l.
15-25, 50-56), qui dénotent
toujours une chute, physique ou spirituelle, sont d’une telle neutralité tonale, qu’ils peuvent donner lieu
aussi justement à des représentations opposées, tragique autant que comique.
Le choix artistique
retrouve ainsi sa qualité de parti pris idéologique, affiche une conception de la vie et du destin, autant
qu’une certaine idée de l’art.
Les personnages ne sont plus libres, pour que l’artiste le soit un peu plus.
4.
Comparaison avec le dénouement de Dom Juan
La différence majeure entre l’ambiguïté d’un texte classique, comme le dénouement du Dom Juan de
Molière, et celle d’un texte moderne, comme l’antidénouement d’En attendant Godot, paraît relever d’une
arithmétique des significations : le premier type d’ambivalence sémantique est cumulatif (des sens
multiples s’additionnent entre eux, s’enrichissent mutuellement), tandis que le second est éliminatoire,
comme un zéro dans une multiplication (des vestiges de sens s’excluent les uns les autres,
s’appauvrissent par division infinie.
»
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