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Explication linéaire du texte n°6 Perrault, Contes, « La Belle au Bois Dormant »

Publié le 31/01/2016

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Explication linéaire du texte n°6

Perrault, Contes, « La Belle au Bois Dormant »

                       En janvier 1697, les « Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités » paraissent. Bien que l’identité de l’auteur soit sujet à débat (l’ouvrage est publié sous le nom de Pierre Perrault, le fils de Charles, l’académicien, cependant beaucoup s’accordent à dire que ce dernier participa plus qu’activement à l’écriture), le succès de ce livre est unanime, au point qu’aujourd’hui encore les dits-contes sont racontés aux enfants et parfois même adaptés au cinéma.

« La Belle au Bois Dormant » figure au début de ce recueil de huit contes en prose : un roi et une reine peinaient à enfanter jusqu’à ce qu’un miracle se produise et que naisse une petite fille. Pour son baptême, sept fées sont conviées cependant on en oublie malencontreusement une huitième. Cette dernière, offensée, va lors du traditionnel don des fées à la petite princesse, destiner l’enfant à se « [percer] la main d’un fuseau et [à en mourir] ». Cette nouvelle plonge alors la cour dans le désarroi lorsqu’une bonne fée, qui avait pressenti le mauvais sort, modifie le châtiment de mort par un profond sommeil de cent ans « au bout desquels le fils d’un roi viendra la réveiller ». En dépit des précautions prises par ses parents qui interdisent immédiatement tous les fuseaux dans le royaume, le jeune fille se pique le doigt à l’âge de « quinze ou seize ans » et s’évanouit instantanément. Prévenue du triste évènement, la bonne fée fige alors tout le château (hormis le roi et la reine) et fait croître autour du parc une forêt extrêmement dense « afin que la princesse, pendant qu’elle dormirait, n’[ait] rien à craindre des curieux ». L’extrait étudié survient immédiatement ensuite.

Nous verrons alors comment, dans cet extrait de la Belle au Bois Dormant, les topoï du merveilleux se mettent au service de la morale prônée par Perrault, délivrant ainsi un double sens au lecteur averti. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la découverte du château par le prince, dans un second temps nous analyserons son parcours jusqu’à la princesse et enfin dans un dernier temps, nous verrons la rencontre des deux jeunes gens.

 

                      La première partie de l’extrait est ainsi consacrée à la découverte du château par un prince. Cette scène permet également une présentation de ce dernier : tout comme la jeune princesse (qui se doit, conformément aux dons qui lui ont été faits, d’être « la plus belle du monde », d’avoir « de l’esprit comme un ange » et « une grâce admirable », de « danser parfaitement bien », etc…), c’est un modèle pour une personne de son sexe et de son âge. En premier lieu, il chasse, ce qui sous-entend un goût pour l’équitation, les armes et le risque donc par extension pour la guerre : il se positionne ainsi comme un modèle de virilité. En outre, on notera que le garçon impétueux (« se sentit tout de feu ») montre un caractère aventureux et courageux (« il se résolut à voir sur-le-champ ce qui en était ») et évidemment des intentions chevaleresques à l’égard de la princesse (« poussé par l’amour et par la gloire »). Mais Perrault le moralisateur ne s’arrête pas là et précise bien que le prince est d’une « autre famille que la princesse endormie » : en effet, avec une centaine d’années d’écart, le prince aurait pu être un descendant non pas de la princesse elle-même mais peut-être de ses parents (car on ignore s’ils ont eu d’autres enfants ou non) et il s’agit là de bannir toute relation incestueuse, car l’inceste, dans les sociétés occidentales, est tabou. Ainsi en peu de mots et quelques expressions, Perrault brosse le portrait de l’homme idéal, tel que doit l’attendre toute jeune fille qui se respecte, bien loin des galants courtisans du Versailles contemporains de l’auteur.

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« ACCETTA SOPHIE Groupe 1, Licence 1 Lettres modernes 2 Ensuite, dès les premières lignes de l’extrait, on ne peut s’empêcher de noter une certaine maestria narrative.

L’auteur en effet , use d’un vocabulaire soigneusement choisi, semblant très bien savoir quelles impressions il veut provoquer.

D’abord, l’extrait s’ouvre sur l’expression « Au bout de cent ans » : ce complément circonstanciel de temps permet une ellipse narrative (en effet le passage étudié survient immédiatement après l’endormissement de la princesse et du château, on ne sait donc pas ce qu’il e st advenu durant cette centaine d’années).

Un pan entier de l’histoire est passé sous silence, ce qui accélère considérablement le récit : en cela le temps participe activement à donner à ce conte son aspect merveilleux, le narrateur se jouant d’un élément immaîtrisable dans la réalité, le suspendant, le figeant ou au contraire l’accélérant au gré de sa volonté , désobéissant donc à une logique rationnelle où chaque heure est égale à la précédente et identique à la suivante.

Egalement, il est fait mention d’ un « grand bois fort épais ».

Ce topos du récit merveilleux (on le retrouve dans « le Petit Poucet » ou « le Petit Chaperon Rouge ») permet d’éprouver le prince : le fait que le bois soit « fort épais » constitue un obstacle, un danger pour le jeune homme et l’on dit même que seul un ogre détient « le pouvoir de se faire un passage au travers du bois ».

Il faut alors un grand courage pour oser braver cet environnement hostile sans doute peuplé d’êtres fabuleux mais pas nécessairement bienveillants.

En ce sens , la forêt constitue un réel rite initiatique pour le prince qui devra sûrement forcer le passage jusqu’à sa belle et affronter quelque péril mais qui en sortira assurément grandi.

Enfin, avant que le vieux paysan énonce la véritable histoire, on assiste à un véritable sommaire de croyances populaires toutes plus effrayantes les unes que les autres ( et dont on remarquera d’ailleurs qu’elles sont au discours rapporté afin de souligner leur foisonnem ent mais surtout afin de contraster avec les paroles de vérité , qui elles sont au disco urs direct): on parle de « sorciers », d’ « ogre », d’« esprits » revenants… Bref, le narrateur prend soin d’installer une atmosphère angoissante pour que le lecteur en vienne à admirer et respecter le prince, qui « sans hésiter » et malgré tout ce qu’il vient d’entendre, n’écoute que son courage et son cœur pour s’engager en terrain inconnu.

Ainsi donc, une fois le prince présenté, le décor planté et l’ambiance installée, le « fils du roi », dont le lecteur sait pertinemment qu’il est le sauveur de la princesse endormie, entame une expédition qui le mènera bel et bien à cette dernière.

D’abord, le prince est une nouvelle fois célébré : en effet dans cette seconde partie, plus de doutes possibles, il est l’élu et tout concourt à nous le prouver .

Premièrement, alors qu’il s’avance dans le bois, les « grands arbres », « ronces » et autres « épines », principales difficultés du « grand bois fort épais », s’écartent, dit le narrateur, « d’eux -mêmes » comme s’ils s’inclinaient pour ainsi former une véritable haie d’honneur (« grande avenue ») à celui qu’ils semblent reconnaître comme le sauveur d e la Belle Endormie.

Par ailleurs, et c’est là qu’est réellement établi le statut d’élu du jeune homme : il est le seul à avoir eu le privilège de pénétrer au cœur de cette mystérieuse forêt magique car aucun de ses gens n’a été autorisé à le suivre (« les arbres s’étant rapprochés dès qu’il avait été passé »).

Loin de s’épouvanter devant ce qui dans la réalité ferait frémir d’effroi n’importe quel individu, le jeune homme, toujours mû par un courage inaltérable et un amour naissant, poursuit sa progression pour enfin arriver au château.

Or, contrairement à toute attente (la forêt aurait dû sans doute être moins clémente et le château eût alors été un refuge après bien des épreuves), un frisson d’effroi parcourt le vaillant jeune homme.

En effet, pour rendre compte du cheminement de l ’état d’esprit du prince, le narrateur use. »

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