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Extrait 1 Zadig (chap. 12) - LE CONTE VOLTAIRIEN

Publié le 30/03/2015

Extrait du document

conte

- Vous êtes de grands ignorants tous tant que vous êtes! s'écria le Grec; est-ce que vous ne savez pas que le chaos est le père de tout, et que la forme et la matière ont mis le monde dans l'état où il est?" Ce Grec parla longtemps; mais il fut enfin interrompu par le Celte, qui, ayant beaucoup bu pendant qu'on disputait, se crut alors plus savant que tous les autres, et dit en jurant qu'il n'y avait que Teutath et le gui de chêne qui valussent la peine qu'on en parlât; que, pour lui, il avait toujours du gui dans sa poche; que les Scythes, ses ancêtres, étaient les seules gens de bien qui eussent jamais été au monde; qu'ils avaient, à la vérité, quelquefois mangé des hommes, mais que cela n'empêchait pas qu'on ne dût avoir beaucoup de respect pour sa nation; et qu'enfin, si quelqu'un parlait mal de Teutath, il lui apprendrait à vivre. La querelle s'échauffa pour lors, et Sétoc vit le moment où la table allait être ensanglantée. Zadig, qui avait gardé le silence pendant toute la dispute, se leva enfin: il s'adressa, d'abord au Celte, comme au plus furieux; il lui dit qu'il avait raison, et lui demanda du gui; il loua le Grec sur son éloquence, et adoucit tous les esprits échauffés. Il ne dit que très peu de chose à l'homme du Cathay, parce qu'il avait été le plus raisonnable de tous. Ensuite il leur dit: "Mes amis, vous alliez vous quereller pour rien, car vous êtes tous du même avis." A ce mot, ils se récrièrent tous. "N'est-il pas vrai, dit-il au Celte, que vous n'adorez pas ce gui, mais celui qui a fait le gui et le chêne? - Assurément, répondit le Celte. - Et vous, monsieur l'Egyptien, vous révérez apparemment dans un certain boeuf celui qui vous a donné les boeufs? - Oui, dit l'Egyptien. - Le poisson Oannès, continua-t-il, doit céder à celui qui a fait la mer et les poissons. - D'accord, dit le Chaldéen. - L'Indien, ajouta-t-il, et le Cathayen, reconnaissent comme vous un premier principe; je n'ai pas trop bien compris les choses admirables que le Grec a dites, mais je suis sûr qu'il admet aussi un Etre supérieur, de qui la forme et la matière dépendent." Le Grec, qu'on admirait, dit que Zadig avait très bien pris sa pensée. "Vous êtes donc tous de même avis, répliqua Zadig, et il n'y a pas là de quoi se quereller." Tout le monde l'embrassa.

Sa grossièreté symbolise les défauts du Français moyen : utilisant le discours indi­rect, le narrateur insère ses propres commentaires et présente le Celte comme un pré­tentieux alcoolique qui blasphème à toute occasion. Le chauvinisme exclusif et méprisant (« qui valussent qu'on en parlât «) du Celte introduit un contraste ironique entre le caractère divin qu'il attribue au gui et l'endroit trivial où il le place (sa poche), comme une amulette fétichiste. Sa niaiserie se confirme dans un éloge des Scythes parfaitement absurde, car il décèle leurs vertus dans la pratique de l'anthropophagie.

Toujours dans une intention apaisante, Zadig profère un paradoxe (« Vous êtes tous du même avis «) qui pique la curiosité, mais prépare les esprits à sa tentative de conciliation. Il élimine tout l'aspect rituel des religions représentées en pre­nant à partie les plus excités des convives : il obtient d'eux des réponses positives à ses questions successives sur les objets matériels du culte (le gui, un boeuf, le pois­son Oannès) et sur la différence entre ces objets et celui qui les a faits.

conte

« par l'adjectif« grands», à valeur superlative et généralisée à tous les interlocuteurs par une allitération et un pléonasme ( « tous tant que vous êtes » ), puis reprise par une interrogation négative qui sonne comme un défi.

Les convives admirent ce bavard impénitent passionné de métaphysique* et répétant de travers les théo­ ries d'Aristote : ils ne comprennent rien à la logomachie de leur interlocuteur.

Le un être borné et brutal Sa grossièreté symbolise les défauts du Français moyen : utilisant le discours indi­ rect, le narrateur insère ses propres commentaires et présente le Celte comme un pré­ tentieux alcoolique qui blasphème à toute occasion.

Le chauvinisme exclusif et méprisant ( « qui valussent qu'on en parlât ») du Celte introduit un contraste ironique entre le caractère divin qu'il attribue au gui et l'endroit trivial où il le place (sa poche), comme une amulette fétichiste.

Sa niaiserie se confirme dans un éloge des Scythes parfaitement absurde, car il décèle leurs vertus dans la pratique de l'anthropophagie.

L ·~~!:~~~ivi!~~~ fa!1,atis~~ Elle se fait jour quand le Celte, à court d'arguments pour justifier le respect dû à sa nation, prévient toute objection par la menace brutale (« il lui apprendrait à vivre »).

Cette litote* comminatoire, associant le fanatisme religieux au fana­ tisme racial, justifie les craintes de Sétoc ( « Sétoc vit le moment où la table allait être ensanglantée»): c'est ainsi que commencent les guerres de religions.

Il -DÉISME ET FRATERNITÉ L'intervention de Zadig Resté silencieux par sagesse et par modestie, Zadig intervient « enfin » - l'adverbe recherche la connivence du lecteur supposé attendre avec impatience: il est grand temps d'apaiser l'atmosphère, et la juxtaposition entre les deux phrases suggère une entente tacite entre les deux amis.

Zadig apaise le« plus furieux», c'est-à-dire le Celte en proie à une crise de délire violent, en abondant dans son sens et en flattant sa manie : il lui demande du gui.

Cette habile méthode correspond à une conviction constante de Voltaire : «Si l'usage t'oblige à faire une cérémonie ridicule ...

et si en chemin tu rencontres quelques gens d'esprit, avertis-les par un clin d'œil...

qu'il ne faut pas en rire » (Questions sur l 'Encyclopédie, article« Blé»).

On peut ainsi affaiblir les supersti­ tions, tout en avançant masqué.

La même stratégie conduit ensuite Zadig à faire taire le plus bavard en le louant« sur son éloquence» et à feindre de s'intéresser aux propos de chacun.

Porte-parole de Voltaire, il approuve le Chinois pour sa modération : la philosophie héritée de Confucius prouve que vertu et sagesse peu­ vent s'épanouir en marge du christianisme.

La démonstration Toujours dans une intention apaisante, Zadig profère un paradoxe(« Vous êtes tous du même avis») qui pique la curiosité, mais prépare les esprits à sa tentative de conciliation.

Il élimine tout l'aspect rituel des religions représentées en pre­ nant à partie les plus excités des convives: il obtient d'eux des réponses positives à ses questions successives sur les objets matériels du culte (le gui, un bœuf, le pois­ son Oannès) et sur la différence entre ces objets et celui qui les a faits.

La conclusion de Zadig, en forme d'une implication de syllogisme («Vous êtes donc tous du même avis»), ne souffre aucune contestation et fait triompher sa conception du déisme.

Dégageant des cultes différents l'idée abstraite d'un prin-. »

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